L’économie mondiale dans la tourmente : L’Algérie face à la nouvelle réalité économique
El Watan, 5 avril 2025
L’administration américaine a fini par mettre en application sa menace d’élever les taux des droits de douane aux produits étrangers franchissant le territoire étasunien.
L’Algérie figure parmi les 180 pays concernés par la révision des tarifications douanières américaines, en se voyant imposer un taux de 30% de droits de douane sur tous ses produits exportés vers les Etats-Unis, contre un taux de 18,9% appliqué jusqu’à aujourd’hui.
Donald Trump a justifié les hausses des droits de douane aux 180 Etats de différentes régions du monde par une démarche de réciprocité puisque, dit-il, les Etats-Unis répondent aux taux qui leur sont appliqués en retour.
Ainsi, selon les calculs de l’équipe de Trump, les Etats-Unis ont décidé que les tarifs douaniers seront inférieurs de moitié aux taux pratiqués par les pays étrangers.
A titre d’exemple, l’Union européenne taxait les USA à hauteur de 39%, les Etats-Unis lui appliqueront à leur tour une taxation de 20%. Les taxes varient d’un taux plancher de 10% jusqu’à 50%. Ainsi, selon le «tableau» de Trump, l’Algérie applique un niveau de 59% de droits de douane et sera taxée à son tour à hauteur de 30%,au lieu de 18,9%, à partir du 9 avril en cours.
Selon les économistes, le calcul de Trump ne correspond pas du tout aux statistiques de l’Organisation mondiale du commerce, mais à des considérations liées à une volonté d’empêcher un excédent commercial favorable à un autre pays dans ses échanges avec les Etats-Unis. Si l’on tient compte des tarifs appliqués à d’autres pays arabes que l’Algérie, l’on remarque que Trump taxe fortement les pays dont la balance commerciale est excédentaire dans leurs échanges avec les Etats-Unis.
C’est le cas de l’Algérie dont les échanges avec les Etats-Unis qui ont atteint, selon l’ambassadeur Elisabeth Moore Aubin, 4,2 milliards de dollars en 2022 et 2023 contre 2,6 mds de dollars en 2021. Les statistiques de l’Office national des statistiques font état de 3,5 milliards de dollars en 2024, avec un excédent commercial largement en faveur de l’Algérie avec 2,5 mds de dollars de produits exportés et 1 md de dollars de biens importés. Les Etats-Unis occupent la 8e position parmi les fournisseurs de l’Algérie derrière la Chine, la France, l’Italie, le Brésil, la Turquie, l’Allemagne et la Russie. Alors qu’ils occupent le cinquième rang parmi les clients de l’Algérie derrière l’Italie, la France, l’Espagne et la Turquie. Si l’Algérie exporte vers le pays de l’Amérique du Nord essentiellement des produits pétroliers raffinés ou brut, ainsi que certaines quantités de fer forgé ou des engrais azotés, elle importe une soixantaine de produits, dont des fèves de soja, du froment de blé, des polymères d’éthylène, les fruits secs, des équipements de laboratoires et autres. Si dans le cas des importations, les prix ne subiront pas de changement, une perte sera par contre occasionnée sur les rentrées en devise des ventes des produits algériens.
L’Algérie devrait ainsi chercher d’autres destinations à ses produits ou bien augmenter le niveau de ses exportations afin de compenser les pertes que pourrait occasionné une baisse drastique des prix du pétrole à prévoir.
Quatrième plus forte taxation parmi les pays arabes
Le plus grand pays d’Afrique devrait également intégrer cette nouvelle donne économique internationale dans ses négociations pour une révision de l’accord d’association avec l’Union européenne afin de bénéficier d’avantages commerciaux pouvant lui épargner de souffrir des bouleversements économiques en présence.
Dans une réaction sur LinkedIn sur l’impact de cette nouvelle tarification sur l’Algérie, le docteur d’Etat en sciences économiques Farouk Nemouchi a estimé que «les conséquences directes ne devraient pas susciter de sérieuses inquiétudes, puisque les produits exportés par l’Algérie à destination des USA représentent 5,9% du volume de ses exportations.
En revanche, l’Algérie risque de souffrir d’effets collatéraux qui se situent à trois niveaux. Le premier, c’est une récession économique mondiale qui a pour résultat une baisse du prix des hydrocarbures et donc une diminution de nos revenus en devises. Le deuxième est une guerre commerciale qui va entraîner des ripostes et contre-ripostes et au final une hausse effrénée des prix mondiaux.
Et le troisième impact, c’est la guerre économique qui découle de la remise en cause de l’un des piliers fondamentaux de la mondialisation économique, à savoir les chaînes de valeur mondiales CVM. Désignant la fragmentation internationale des processus de production dans un but de réduction des coûts à travers des politiques de délocalisation industrielle dans de nombreux pays… Enfin, la quatrième conséquence des taxations douanières est une guerre des monnaies engendrée par la tentation pour de nombreux gouvernements de recourir avec plus de force aux politiques de dévaluation compétitive pour compenser les pertes de marché induites par les nouvelles taxes douanières».
Notons que l’Algérie est le quatrième pays fortement taxé par la nouvelle administration américaine, après la Syrie (41%), l’Irak (39%), la Libye (31%). La Tunisie est taxée à hauteur de 28%, la Jordanie 20%, l’Egypte, les pays du Golfe, le Liban et le Maroc sont pour leur part taxés à 10%. Nadjia Bouaricha