L’année blanche et la dévastation de la Covid-19

Said Rabia, El Watan, 23 juin 2021

Plus de 500 000 emplois perdus, des milliers d’entreprises, 5700 rien que dans le secteur du BTPH, ont fermé, selon des statistiques fournies par l’Association des entrepreneurs algériens.

Bouleversée par la crise politique de 2019 qui lui a asséné un brutal coup d’arrêt, l’économie nationale, comme s’il ne lui manquait que cela, a été dévastée par la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19).

Les chiffres annoncés par le gouvernement, même s’ils sont approximatifs et non exhaustifs, attestent l’ampleur de la dévastation que la crise sanitaire lui fait subir.

Plus de 500 000 emplois perdus, des milliers d’entreprises, 5700, rien que dans le secteur du BTPH, ont fermé, selon des statistiques fournies par l’Association des entrepreneurs algériens, presque autant dans le secteur des services, ou 3400 agences de voyages ont mis la clé sous le paillasson. Aucune donnée n’est encore disponible pour les secteurs des transports et du tourisme, qui ne sont, d’ailleurs, pas en reste.

Dans un contexte marqué par «un recul sans précédent dans l’histoire», fragilisée par le choc pétrolier de 2014 et l’effondrement du prix du Brent, qui est passé sous les 25 dollars début 2020, l’économie algérienne, qui s’est retrouvée sans ressources, s’est effondrée sans avoir les moyens d’amortir un tant soit peu le choc.

Ce dernier a été terrible. Beaucoup de pays ont débloqué des plans d’urgence et des financements importants pour maintenir en vie leurs économies freinées par les mesures de confinement imposées par la pandémie de Covid-19, qui a fait près de 4 millions de morts dans le monde. L’Algérie pouvait-elle en faire autant pour sauver l’économie et les entreprises ? Selon des statistiques mentionnées dans le rapport du gouvernement, basées sur le projet de loi de finances 2021, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 4,6% en 2020.

Des données publiées par l’Office national des statistiques (ONS) au premier trimestre 2020 avaient souligné une diminution du PIB de 3,9% par rapport au 1er trimestre de l’année 2019. En prix courants, le PIB du premier trimestre 2020 affichait une diminution de 5,3% au lieu d’une hausse de 2,8% durant le même trimestre de l’année 2019. Le PIB hors agriculture enregistrait un négatif de -4,7.

Par filière, l’impact de la crise sanitaire sur l’économie nationale était encore plus important. Le document du gouvernement confirme que le ralentissement brutal de l’activité économique, dû aux mesures de confinement, a causé un fort recul de l’activité industrielle.

A l’exception de l’industrie agroalimentaire et des «industries diverses», l’activité industrielle a globalement diminué dans l’ensemble des secteurs d’activité au cours du premier trimestre de 2020 par rapport à 2019. L’impact de la Covid-19, soutient la même source, est encore plus important au cours du deuxième trimestre.

En effet, l’indice général de la production industrielle a reculé respectivement de 6,8% et 14,1% au premier et au deuxième trimestres 2020. L’Industrie manufacturière a reculé de -26,3% alors les industries sidérurgiques, métalliques, mécaniques, électriques et électroniques (ISMMEE), affichaient un taux négatif de -54,9% et l’industrie chaussures et cuirs a chuté à -54,7%.

L’économie était déjà en crise en 2019

L’économie algérienne ne se portait pas mieux en 2019, avant l’avènement de la crise sanitaire. Selon le document publié par le gouvernement, «cette récession vient s’ajouter à une situation économique déjà préoccupante en 2019, où le taux de croissance n’est estimé qu’à 0,8%».

Les prévisions prévoient une reprise de la croissance en 2021, mais à l’heure où une seconde vague sévit dans plusieurs pays, ces estimations restent dépendantes de l’évolution de la pandémie et de la situation sanitaire, pense le gouvernement, qui reprend des pronostics pessimistes de la Banque mondiale.

L’économie nationale dans sa globalité et les entreprises en particulier subissent, en effet, de plein fouet les effets des déficits dus essentiellement à la dégringolade des revenus pétroliers – en raison du coup de frein donné par la crise sanitaire à l’économie mondiale – qui ont toujours maintenus en vie artificielle une économie désarticulée, tournée exagérément vers l’import que son propre développement.

La réduction de l’importation des équipements a pénalisé des pans entiers de l’économie. Pour l’industrie, c’est moins de 31,8%, et l’agriculture -56,2%.

Les entreprises algériennes, et bien évidemment l’emploi, sont au plus mal. Les aides décidées par le gouvernement, et qui ont porté sur le report du remboursement des crédits et des redevances fiscales, ne sont pas à même d’amortir le choc de la crise sanitaire.

Des organisations patronales, à l’instar de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) et l’AGEA, réclamaient des mesures plus importantes pour soutenir l’entreprise et sauvegarder l’emploi, comme c’est le cas dans beaucoup de pays. Dans une récente interview à El Watan, Chabane Assad, analyste financier, a affirmé que «le secteur bancaire ne joue pas le rôle d’amortisseur pour réduire les effets de la crise».