Préparation de « Djazaïr: Une Année de l’Algérie en France »

Préparation de « Djazaïr:
Une Année de l’Algérie en France »

UN COMITÉ D’ORGANISATION TRÈS DISCRET

Karim Aït-Ouméziane, Algeria Interface, 26 janvier 2002

Paris 26/01/02 – Le Comité mixte algéro-français chargé de la préparation de « Djazaïr: Une Année de l’Algérie en France », prévue en novembre 2002, s’est réuni le 24 janvier à Paris, au siège du ministère français des Affaires étrangères. Cette rencontre, la troisième du genre depuis la décision d’organiser cette manifestation prise à l’occasion de la visite d’Etat en France du président Bouteflika, a été co-présidée par Hocine Snoussi, Commissaire général algérien, et Hervé Bourges, Président du Comité d’organisation français.

« Le Comité a acté le choix des prestataires, labellisé les projets bouclés et dressé un premier point concernant la programmation », a fait savoir à Algeria Interface Hélène Bergdoll, directrice de Rue du Louvre, l’agence chargée de gérer la communication et les relations presse de l’Année de l’Algérie. Une conférence de presse se tiendra le 7 mars prochain à Paris pour présenter le programme officiel.

Initialement prévue pour le 20 décembreà Djanet, dans le sud algérien, la réunion du Comité mixte avait été annulée suite à la démission-surprise de Dominique Wallon, ex-Commissaire général français, en raison de désaccords avec le Quai d’Orsay et d’un manque de moyens affectés à cette manifestation. Dominique Wallon reprochait à l’Association française d’action artistique, une structure financée par le Quai d’Orsay et chargée de mettre en œuvre les « Saisons » depuis 1992, de ne pas avoir suffisamment pris la mesure d’un tel événement.

Pour remplacer Dominique Wallon, les autorités françaises ont fait appel à Françoise Allaire, une diplomate à la retraite, réputée bien connaître l’Algérie, où elle a notamment dirigé le Centre culturel français, à Alger. Entrée officiellement en fonction à l’occasion de la réunion du 24 janvier, Françoise Allaire semble déjà avoir séduit ses partenaires algériens. « C’est une grande dame et elle connaît parfaitement son sujet », s’est enflammé un participant à la rencontre du Quai d’Orsay.

Déficit de communication
La tâche du nouveau Commissaire français ne sera pas pour autant de tout repos. En plus de superviser l’organisation, côté français, elle devra faire oublier les remous suscités par le départ de son prédécesseur et combler le déficit en communication du Comité d’organisation français. Sur la question du budget, par exemple, l’AFAA n’est toujours pas en mesure de rendre public le montant de l’enveloppe allouée à cette manifestation. « C’est bien au-dessus des chiffres cités par la presse », s’est tout juste autorisé à révéler une source proche de l’Association. La discrétion est tout aussi de mise concernant le choix des opérateurs.

Ainsi, c’est presque en catimini qu’ont été choisies les deux agences retenues pour réaliser le site Internet et gérer la communication et les relations presse de l’Année de l’Algérie. La première, ‘L’Afrique sur internet’, est connue pour avoir lancé en 2000 un site portail d’informations générales sur l’Afrique, afrik.com. Dirigée par Antoine Ganne, ancien chargé de mission au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et proche d’Hervé Bourges, elle a en charge la réalisation du site Djazaïr 2003, déjà visible sur Internet mais dont la construction est en cours.

La seconde, Rue du Louvre, est dirigée par Hélène Bergdoll. Cette agence spécialisée dans le secteur des médias est une filiale de l’International medias consultants associés (IMCA), une société-conseil en communication fondée en 1994 par Pascal Josèphe, par ailleurs membre du Conseil d’administration de L’Afrique sur Internet et ami d’Hervé Bourges. Le logo de L’année de l’Algérie est, lui, signé Bulnes et Robaglia, une société de graphisme du Val-de-Marne, en banlieue parisienne.

Ambitions à la baisse
La discrétion du Comité d’organisation français semble se justifier par la révision à la baisse des ambitions bruyamment affichées au départ par la partie française. Quel que soit le contenu du programme qui devrait être communiqué en mars, on sera en effet bien loin de « l’évènement culturel le plus décentralisé de France après la célébration du Bicentenaire de la Révolution! », promis en octobre dernier par Dominique Wallon.

À l’époque, il était notamment question d’une exposition sur le Sahara au Grand Palais, à Paris, de plusieurs autres à l’Institut du monde arabe (IMA) et à Beaubourg, ou encore d’un hommage de la Comédie française à l’écrivain Kateb Yacine.

La réserve de la partie française ne trouble pas pour autant la sérénité du Commissariat général algérien, qui s’apprête à installer sa représentation parisienne dans un hôtel particulier de l’avenue Georges Mandel. Propriété de l’Etat algérien, cet immeuble abritera aussi la résidence de Hocine Snoussi à l’occasion de ses séjours en France.

 

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BOUTEFLIKA BOUDE SNOUSSI

Anis Barradj et K. Ait-Ouméziane, Algeria Interface, 26 janvier 2002

Alger, 26/01/02 – L’organisation d’une « Année de l’Algérie en France », prévue pour novembre 2003, traverse une période de turbulences en raison de « l’entrée en disgrâce » du Commissaire général, Hocine Snoussi, de plus en plus boudé par la présidence de la république, selon plusieurs sources proches du chef de l’Etat.

La nomination, début 2001, de cet ancien colonel de l’Armée de l’air à la tête du Commissariat général chargé de l’organisation, côté algérien, de cette importante manifestation avait été fraîchement accueillie par les milieux artistiques et médiatiques algériens, qui lui reprochent d’incarner l’ère très controversée du chadlisme.

Depuis, les critiques n’ont jamais cessé et c’est désormais au sommet même de l’Etat que l’action du Commissaire général fait grincer les dents. Accusé d’afficher une trop grande indépendance vis-à-vis de la présidence de la république, Hocine Snoussi a fini par s’attirer les foudres de Abdelaziz Bouteflika qui, selon son entourage, « ne veut plus entendre parler de lui ». Même Larbi Belkheir, qui avait pourtant inspiré la nomination de l’ancien officier fait désormais savoir qu’il ne se sent « plus concerné par son sort ».

Preuve du climat glacial qui règne entre la Villa Pouillon et El Mouradia, le Commissaire général a brillé par son absence lors des récentes visites à Alger du président français, Jacques Chirac, et du maire de Paris, Bertrand Delanoë. Autre signe inquiétant: le « Comité national d’organisation », une instance présidée par le Premier ministre et chargée de superviser l’action du Commissariat général, n’a tenu aucune réunion depuis sa création, il y a un an.

Des recrutements controversés
Hocine Snoussi fait par ailleurs l’objet de nombreuses critiques concernant ses méthodes de recrutement. L’exemple le plus souvent cité est celui de la désignation à la tête du département Musique de son neveu, Sid Ahmed Guenaoui. Animateur d’une émission musicale hebdomadaire diffusée par la télévision algérienne, M. Guenaoui est aussi actionnaire de Timgad Productions, une société d’audiovisuel basée à Paris et chargée par le Commissariat général de l’organisation matérielle du volet musical de L’Année de l’Algérie.

Le Commissariat général est encore pointé du doigt pour avoir constitué un staff issu en grande partie de l’équipe de l’ex-Office Riadh El Feth (OREF), un complexe commercial et culturel mis en place sous le régime du Président Chadli et qui fut dirigé jusqu’à sa dissolution par M. Snoussi. Ainsi, par exemple, la régie de Paris a été confiée à Azzedine Ould Ameur, un ancien responsable de la sécurité de l’OREF. Face à cet amoncellement de nuages, le colonel Snoussi semble avoir choisi de se retirer de la scène médiatique au profit du Commissaire général délégué, Mustapha Orif.

Gérant d’une galerie d’art à Ryadh El Feth, le numéro deux de la Villa Pouillon, siège du Commissariat général, est lui aussi loin de faire l’unanimité à Alger. Il lui est notamment reproché de promouvoir l’emblème de cette galerie, Isma, auprès de la partie française. Ce qu’il dément formellement: « C’est totalement faux! Les artistes choisis ont été sélectionnés par quatre critiques d’art français et je n’ai absolument pas pris part à ce travail. Pour preuve, sur les 150 artistes retenus, seuls 10 ont exposé chez moi ».

Concert de protestations
Les artistes et intellectuels arabophones, qui se disent scandaleusement ignorés par le Commissariat général, n’ont pas manqué de venir joindre leurs voix à ce concert de protestations. La charge la plus remarquée est venue de l’écrivain arabophone Tahar Ouettar qui, dans une interview parue dans le quotidien El Khabar a accusé l’équipe Snoussi-Orif d’être composée… « d’espions français » !

Soumis au feu nourri des critiques venues de l’extérieur, le Commissariat général laisse poindre les signes d’un malaise interne. Ainsi, Lyazid Khodja, chargé du cinéma et de l’audiovisuel, ainsi que Souria Benchehida, chargée des relations extérieures, n’ont pas été conviés à la réunion du Comité mixte algéro-français qui s’est tenue le 24 janvier à Paris.

Il y a quelques semaines, Abderrahmane Djelfaoui, réalisateur TV et écrivain, chargé de réunir les oeuvres de photographes algériens, a rendu le tablier après avoir constaté que « les dirigeants du Commissariat général n’avaient pas une idée précise de ce qu’ils voulaient montrer pendant l’année de l’Algérie ». Un artiste peintre, venu soumettre un projet d’exposition, s’est même entendu dire qu’il « valait mieux aller prospecter directement en France ». De passage à Paris où il a co-présidé la réunion du Comité mixte algéro-français, Hocine Snoussi est demeuré injoignable: « Son agenda est très chargé », a fait savoir son entourage à Algeria Interface.