Après les accusations télévisées d’un ancien colonel du DRS

Après les accusations télévisées d’un ancien colonel du DRS

L’armée, quelle riposte ?

El Watan, 5 août 2001

L’armée algérienne est de nouveau sur la sellette. Cette fois-ci, le coup va faire l’effet d’une explosion beaucoup plus importante que celle provoquée par le lieutenant Souaïdia.

Le témoignage de Souaïdia était en son temps entaché de suspicion. Il avait en effet été condamné par la justice militaire longtemps avant qu’il ne soit pris en charge par le directeur de la maison d’édition française La Découverte. Aujourd’hui, il s’agit, si cela n’est pas démenti, d’un officier supérieur du Département du renseignement extérieur (DRE), en l’occurrence le colonel Samraoui, dit Lehbib. Cet officier, qui s’est présenté comme un ancien compagnon du général Smaïn Lamari, actuel n°2 du DRE, était l’invité (mercredi) de l’émission «Bila houdoud» (sans frontières) de la chaîne de télévision arabe El Djazira. Lors de cette émission qui a été rediffusée jeudi soir, Samraoui n’a pas été seul à faire des déclarations. Un autre intervenant, un certain Chouchène qui s’est présenté lui aussi avec le grade d’ex-colonel, interrogé par téléphone, a lui aussi accablé l’ANP. Chouchène aurait été condamné en 1992 à trois ans de prison suite à un procès intenté à des officiers qui auraient trempé dans un complot. Cette sortie médiatique risque de faire mal parce qu’il semble qu’elle n’a pas été managée par des milieux français qui, comme François Gèze, ont quelques comptes à régler avec le pouvoir algérien. Samraoui, avant sa défection, occupait semble-t-il un poste diplomatique en Allemagne, et les médias français n’apparaissent pas derrière sa sortie sur scène. Son témoignage, quelle que soit sa teneur, sera ravageur, même si ses déclarations ne tiennent pas la route. L’animateur de «Bila houdoud» a été contraint à plusieurs reprises de bousculer Samraoui et réussir à le mettre dans la gêne en lui exigeant des preuves ou des faits vérifiables. Le livre qu’il dit préparer devra en tout cas être plus rigoureux que celui qui a été mis sur le marché par Souaïdia et Gèze ; les prétendus faits confrontés au terrain s’étant vite avérés mensongers et ne visant qu’à dédouaner l’ex-FIS et ses ailes armées. Samraoui est revenu sur la création du GIA et autres groupes armés l’imputant au Département de renseignement et de sécurité (DRS). L’accusation a une portée stratégique en ce sens qu’elle a pour fin de laver les islamistes armés de toute implication dans les massacres collectifs de la population. En fait, c’est comme si les islamistes n’avaient jamais revendiqué les attentats à partir de France, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis ou d’Allemagne. A Alger, Djeddi, Boukhamkham, Chigara, et tant d’autres chefs politiques ont revendiqué la tutelle du FIS sur ses «ailes armées» mais on semble l’oublier. Cela amène à poser une question : est-ce que le DRS et l’ex-FIS ont travaillé la main dans la main pour créer le GIA ? Il y a lieu de rajouter qu’avec Souaïdia, Samraoui, Chouchène, le processus de dénonciation de l’armée n’en est qu’à son début. L’ANP, enjeu politique de première importance, a toujours été un théâtre d’affrontements parfois assez violents. En 1991, on parle d’environ 400 officiers qui auraient été mis à la porte parce que sympathisants ou soupçonnés d’être fortement impliqués dans la cause islamiste. D’autres ne seront découverts que plus tard, lors d’actions sur le terrain ou à l’occasion de désertions.
Etant ainsi victime de son implication dans la politique et dans la gestion du pays, l’armée est également victime de son manque de professionnalisme, de la corruption et de l’appétit démesuré de certains de ses officiers.

Par A. A.

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ACCUSATIONS CONTRE L’ANP

Un attentisme déroutant

El Watan, 5 août 2001

L’armée algérienne est de nouveau la cible de tirs croisés de la part de personnes se présentant comme d’anciens officiers de l’Anp. De graves accusations sont une fois de plus portées contre l’institution militaire.

Cette fois-ci, c’est un ex-colonel du DRS (Département renseignements et sécurité) de l’armée — il s’est du moins présenté comme tel — qui charge l’institution de lourdes accusations. Samraoui — c’est son nom — s’est exprimé mercredi (avec rediffusion jeudi) sur la chaîne arabe El Djazira sur la situation en Algérie en imputant à l’armée et aux services la responsabilité directe de l’assassinat de Boudiaf ainsi que les massacres collectifs, dédouanant du coup les islamistes intégristes des actes terroristes qu’ils revendiquent et assument pourtant haut et fort. Avant lui, Yous Nasroulah et Souaïdia avaient créé l’événement médiatique en France en livrant à l’opinion internationale de prétendues révélations sur les massacres de Raïs et de Bentalha. Le commandement de l’armée avait pendant de longues semaines observé un silence radio avant de réagir par l’entremise du chef d’état-major, le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, à travers une contribution publiée dans l’organe central de l’Anp, El Djeïch. La sortie médiatique du haut responsable de l’Anp intervenait après avoir mis à contribution les relais diplomatique et politique qui ont eu beaucoup de peine à contrecarrer la campagne politico-médiatique montée autour de ces vraies fausses révélations dont s’étaient emparés avec délectation certains médias étrangers.
En intervenant dans le débat, Mohamed Lamari avait voulu couper court à tout ce qui se dit et s’écrit sur l’Anp en passant de la position d’attentisme, pour ne pas dire de défensive dans laquelle l’institution s’était confinée, à une position offensive. A-t-il réagi sur recommandation du président de la République ? Avant lui, Bouteflika s’était publiquement exprimé sur l’affaire Souaïdia. Cependant, pour officielle qu’elle soit, sa position ne saurait avoir la même tonalité que le point de vue émanant de l’intérieur de l’institution mise en cause. Face à cette nouvelle offensive qui ne sera sans nul doute pas la dernière, l’Anp va-t-elle de nouveau réagir pour apporter les éclairages nécessaires suite aux accusations portées contre elle, et cette fois-ci rapidement pour ne pas se laisser déborder par les répercussions politiques de cette nouvelle affaire que ne manqueront pas de lui donner les mêmes milieux ? La riposte classique qui consiste à laver l’honneur de l’armée en utilisant le canal d’El Djeïch est-elle politiquement productive face à la machine politico-médiatique de guerre mise en branle pour prendre en charge ces campagnes répétées contre l’Anp ? Face aux moyens mobilisés, la réaction de l’institution militaire apparaît bien dérisoire. La même remarque vaut aussi pour les structures politiques et l’appareil diplomatique qui comptent les coups sans broncher. La riposte la plus fiable et la plus opératoire réside incontestablement dans les contre-arguments et les faits têtus que l’armée pourra opposer à ses détracteurs sur tous les maux dont elle est régulièrement accablée. Ce n’est quand même pas une mince accusation que l’armée soit accusée aujourd’hui par ce colonel déserteur d’avoir créé le GIA ! Cette thèse est ardemment défendue par certains milieux islamistes pour laver le bras armé de ce courant de toutes les atrocités commises en Algérie. Sur l’assassinat de Boudiaf, l’armée en a également reçu pour son grade. Même s’il ne s’agit que de simples supputations qui ne sont étayées par aucune preuve et piste de nature à crédibiliser les assertions du colonel déserteur, il reste qu’aux yeux de l’opinion nationale et internationale c’est une parole contre une autre. Et tant que l’armée ne consent pas à sortir de sa réserve pour se défendre en se donnant la liberté de ton, de parole et surtout en confondant ses détracteurs sur le terrain de l’argumentaire et pas seulement du discours qui ne porte plus, la vérité sera inévitablement du côté de celui qui occupe les feux de la rampe.

Par S. Bensalem

 

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