Pendant ce temps, les affaires continuent

Pendant ce temps, les affaires continuent

Par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 20 avril 2006

Les relations politiques entre l’Algérie et la France connaissent des turbulences qui ne se limitent pas au contentieux sur l’histoire, même s’il est le plus visible et sans doute le plus chargé de passion.

Paradoxalement, l’année 2005, qui est celle du début du reflux du projet de traité d’amitié, a été celle d’un très grand coup de fouet aux échanges économiques. Ils ont atteint quelque 8 milliards de dollars, la France étant le premier fournisseur et fait partie de ses premiers acheteurs, les Etats-Unis ayant pris la tête des clients de l’Algérie. Ces données lourdes de l’économie relativisent sensiblement l’impression de «crise» dans les relations entre les deux pays et suscitent d’ailleurs une certaine perplexité des analystes. Car, à l’évidence, le coup de froid qui a quasiment gelé le projet du traité d’amitié, voulu en 2003 par les deux chefs d’Etat, n’a pas d’incidence sur l’accès des entreprises françaises au marché algérien.

Les affaires continuent et les entreprises françaises ont intérêt à se faire plus entreprenantes dans un marché algérien ouvert à la concurrence. Les échanges économiques ne paraissent pas subir – jusqu’à présent du moins – les contrecoups des turbulences politiques liées à un contentieux sur l’histoire, mais également à la question des mouvements de personnes, voire au positionnement de Paris sur la question du Sahara Occidental.

Au fond, c’est à ce niveau que réside le plus fort liant des relations d’intérêts entre l’Algérie et la France. Les échanges économiques auraient-ils pu profiter de la signature d’un traité d’amitié ? C’est possible, mais on peut constater aussi qu’ils n’en ont pas forcément besoin. Sans nier les fortes aigreurs qui se manifestent au niveau politique, cette réalité conduit donc à ne pas s’empresser de voir les rapports entre les deux pays sous un jour excessivement sombre.

Ce qui semble être durablement remis en cause, c’est bien le projet de traité d’amitié. Pour parvenir à un tel niveau, la relation d’amitié entre l’Allemagne et la France est passée par une véritable communauté de lecture d’une histoire tumultueuse. Ce mouvement ne s’est pas fait pour la relation algéro-française. Le lent et patient travail des historiens pour préparer ce mouvement a été bousculé par la soudaine crispation sur une vision idyllique du passé colonial exprimée par la loi française du 23 février 2005. La réponse de Douste-Blazy aux dénonciations du «génocide contre l’identité» algérienne, qui reprend, en l’adaptant, l’idée d’un certain rôle positif de la colonisation, ne va pas redonner vie au projet de traité d’amitié.

Au fil du temps, on a largement l’impression que l’idée du traité d’amitié a été lancée sur la base d’une vision euphorique, qui a cru imprudemment pouvoir hâter le chemin d’une perception commune d’une histoire qui n’est pas encore passée…