Après les postiers, les enseignants menacent de faire grève : Tension dans l’éducation

Isma Bersali, El Watan, 25 avril 2021

Excédés par les conditions socioprofessionnelles lamentables, les enseignants des trois paliers, en protestation depuis plus d’une semaine, vont vers une grève illimitée. Cette action, prévue dès aujourd’hui, intervient dans un contexte de polémique provoquée par les dernières déclarations du ministre Mohamed Ouadjaout sur la déperdition scolaire.

Le mouvement de protestation lancé dans la capitale de l’Ouest, il y a une dizaine de jours, prend des proportions inquiétantes. Beaucoup d’établissements sont fermés.

En plus de la forte mobilisation au sein même de la wilaya, la contagion a gagné plusieurs régions du pays, telles que Khenchela, Oum El Bouaghi, Mila, Mostaganem, Aïn Témouchent et Souk Ahras. Des informations circulent déjà quant à l’adhésion des enseignants de Béjaïa et des autres wilayas de la Kabylie à ce mouvement de protestation. A Alger, quelques écoles primaires suivent déjà le mouvement. Cette protestation éparse devrait devenir plus intense dès aujourd’hui avec une grève générale illimitée.

Sur les raisons de ce mouvement, les enseignants grévistes citent le pouvoir d’achat érodé, les salaires bas qui ne suffisent à rien, la surcharge horaire et les conditions socioprofessionnelles détériorées. Les protestataires mentionnent dans un communiqué une série de revendications, à leur tête la protection du pouvoir d’achat et la revalorisation du point indiciaire pour qu’il passe de 45 à 90 DA.

Ils demandent aussi le classement de l’enseignement comme un métier pénible et bénéficier de la retraite sans condition d’âge. Sans aucune couverture syndicale, cette grève, qui rassemble les enseignants des trois paliers de l’éducation, témoigne d’un profond malaise et d’un ras-le-bol général dans le département de Ouadjaout.

Les syndicats en soutien

La forte mobilisation a incité les autres corps syndiqués à annoncer des grèves. Le Syndicat national des corps communs de l’éducation nationale (SNCCOPEN) annonce une grève nationale pour aujourd’hui et demain. Les directeurs des lycées protestent à leur manière. Ils boycottent les opérations d’acquisition et de vente de livres scolaires, de préparation de la prime scolaire et des examens de fin d’année, à savoir le baccalauréat. De leur côté, les membres de l’Intersyndicale de l’éducation devraient se réunir, aujourd’hui, au siège de l’Union nationale du personnel de l’éducation et de la formation (Unpef). Des décisions seront certainement prises à la fin de cette rencontre.

Entre-temps, certains syndicats annoncent déjà la couleur. Sur la question de soutenir ou pas le mouvement d’Oran, Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapeste), estime que cette action a été menée sans aucune couverture syndicale bien que plusieurs de ces meneurs sont affiliés à des syndicats. «Au Satef, nous considérons que nous ne pouvons pas être en marge de ce mouvement, dit spontané. Nos camarades des différentes wilayas de l’Ouest sont impliqués et nous demandent de les accompagner. Nous le ferons, bien que certaines revendications ne soient ni réglementaires ni exécutables sur le terrain.

Il faut savoir revendiquer», souligne Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef). Il estime que tout mouvement sans organisation est voué à l’échec.

Pour Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapest), il est impossible de prendre des décisions rapides. «Nous sommes actuellement en train de suivre ce qui se passe et évaluer la situation. En temps opportun, nous appellerons pour une session extraordinaire du conseil national.

Il est évident que nous ne pouvons pas appeler à un soutien de nos confrères d’Oran sans l’aval de notre base syndicale», souligne ce syndicaliste. Le Syndicat national des enseignants de l’éducation (syndicat nouvellement agréé) a également appelé à une grève illimitée à partir de demain. Elle sera accompagnée de sit-in devant les directions de l’éducation du pays.

Aucune déclaration de la tutelle n’a été faite pour apaiser la colère des travailleurs du secteur. Une attitude qui risque de faire empirer la situation à quelques jours des examens du dernier trimestre. D’ailleurs, des enseignants, notamment du primaire, agitent déjà la menace du boycott.