Sonatrach 1: L’ex-responsable de Saipem Algérie entendu comme témoin
L’ex-responsable de Saipem Algérie entendu comme témoin
«Le recrutement du fils du PDG est une stupidité»
El Watan, 16 janvier 2015
Jeudi en fin de journée, le tribunalcriminel d’Alger, entame l’audition des témoins cités dans le procès Sonatrach 1, concernés par le dossier de réalisation du gazoduc GK3 par Saipem.
Le premier à être entendu est Antonio Callidou, qui a remplacé Tullio Orsi à la tête de Saipem Contracting Algérie en 2010, à la suite de l’éclatement du scandale. Assisté d’un interprète, il s’exprime en français. D’emblée, il déclare : «Nous avons fait un rabais de 15%. Le projet a été achevé avec une perte de 150 millions d’euros. J’ai tous les documents prouvant cette perte et les dépenses effectuées.
J’ai même le rapport du commissaire aux comptes et l’étude réalisée par le bureau KPMG qui démontre le préjudice subi. Mais l’ouvrage est là et il transporte du gaz.» Le juge le ramène aux faits, en lui demandant de parler calmement. Il lui demande si «le fait d’être resté avec une société seulement» a encouragé Saipem à décider des prix. Le témoin s’énerve, hausse le ton et gesticule. «Ce n’est pas vrai. Si c’était le cas, nous aurions gagné plus.» Le juge : «Vous parlez très fort comme nous, pas comme les Européens.» La remarque détend l’atmosphère.
Le magistrat revient à la charge, mais cette fois en interrogeant le témoin sur les surcoûts relevés par des études comparatives. Callidou conteste et justifie les prix du marché par plusieurs paramètres : «La complexité du projet, son importance, les difficultés du relief, du sol, des régions par où il passe, etc.» Le juge lui demande alors si les prix de ce projet sont les mêmes que ceux appliqués ailleurs dans le monde.
Le témoin donne l’exemple de la pose d’un pipe de 48 pouces en Sicile et en Australie, mais le président veut des réponses précises. «Quel est le coût de la réalisation d’un kilomètre linéaire de pipe de 48 pouces ?» demande-t-il.
Le témoin : «Nous n’avons pas de prix du kilomètre linéaire. Le puits est construit avec des équipements annexes, des études techniques, des marges de risque, etc. C’est en prenant en compte tous ces paramètres que nous faisons le calcul du coût.» Le juge rappelle les propos du témoin Yahia Messaoud, selon lequel un kilomètre de pipe de 48 pouces a été facturé par Saipem à 2 millions de dollars, alors que sur le marché, son coût est de 1,2 million de dollars. Le témoin conteste avec colère : «C’est une erreur !»
«IL Y A DES GENS QUI ATTIRENT LES PROBLÈMES»
Le juge appelle Benamar Zenasni, vice-président de l’activité transport par canalisation, qui déclare : «L’erreur est d’avoir fait une simple opération de division. Ils ont divisé le montant du projet par le kilométrage. Obligatoirement, le prix est élevé.» Le juge : «Combien coûte le kilomètre de pipe ailleurs ?» Zenasni : «100 DA le mètre. Saipem l’a facturé 120 DA.» Il rejoint le box et le juge se retourne vers le témoin : «Le contrat de consulting que Saipem a signé avec Réda Meziane est qualifié de fictif.
Qu’avez-vous à dire ?» Callidou explose : «C’est une stupidité de mon prédécesseur. Ces gens ne ramènent rien. Ils attirent les problèmes. La loi l’interdit.» Le juge : «Tullio Orsi, votre prédécesseur, a déclaré lors de l’instruction que Réda Meziane a intercédé auprès de son père pour régler le problème des pénalités de retard.
Qu’en dites-vous ?» Le témoin : «Nous avons payé les pénalités de retard. Cela est certain.» Le juge : «Alors pourquoi demander l’intervention de Reda Meziane ?» Le témoin s’emmêle les pinceaux, puis lance : «Peut-être qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt. Chez nous, il y a séparation des pouvoirs. ENI est une société étatique.
Les choses ne fonctionnent pas comme cela. Si Réda Meziane avait de l’influence, nous aurions gagné de l’argent. Or, nous avons perdu 150 millions d’euros.» Le juge : «Quel travail faisait Reda Meziane ?» Le témoin : «Il était consultant. Il connaissait le milieu, les pratiques. Rien que cela.» Le juge veut plus de détails sur la facturation des services effectués par Réda Meziane et le témoin répond : «Quand j’ai pris mes fonctions en 2010, j’ai trouvé des factures et des accusés réception. Je n’ai trouvé aucun document portant sa signature. Cela peut être des informations.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas influé sur l’obtention du marché.» Le juge : «Est-il possible qu’un consultant soit payé sans présenter de travaux ?» Le témoin : «Il a remplacé un autre consultant.» Le magistrat : «Lorsqu’on voit le salaire mensuel de 140 000 DA et le montant de 4 millions de dinars viré sur son compte, nous sommes en droit de penser qu’il s’agit d’honoraires fictifs…» Le témoin : «Nous avons cherché dans la comptabilité et nous n’avons trouvé aucune trace de ces 4 millions de dinars.
Je ne connais pas les relations personnelles qu’il y avait entre Tullio Orsi et Réda Meziane. La règle, chez nous, est de ne pas rester plus de 3 ans. Orsi est resté 6 ans. C’était trop. Depuis le scandale, il était très perturbé. Il venait de divorcer et sa fille avait des problèmes dans ses études. Il est reparti en Italie. Quelque temps après, il a été muté à Dubai, puis rappelé en Italie avant qu’il démissionne.» Les avocats prennent le relais. L’un revient sur le coût du marché et le témoin s’énerve : «Il était trop bas.
Nous avions perdu 150 millions d’euros. Si nous avions quitté, nous aurions perdu encore 2 millions d’euros», Puis il précise : «Nous ne considérons pas Sonatrach comme un client, mais comme un partenaire. Lorsque les responsables nous ont demandé de baisser les prix, Milan a accepté. L’usine était stratégique pour l’Algérie. Le contrat de la station électrique d’El Kala était attribué aux Américains et le gaz était déjà vendu.» Le témoin perd le contrôle et revient sur certains marchés que Saipem a perdus : «Nous avions soumissioné pour la raffinerie d’Alger, mais elle a été attribuée à Technip pour 2,8 milliards de dollars, qui a abandonné les travaux avant la fin et qui réclame aujourd’hui plus de 500 millions de dollars.
La raffinerie a coûté 3,8 milliards de dollars. Plus que nous avions proposé.» Callidou dément avoit sous-traité avec une autre société pour la réalisation du GK3 et affirme que si Sonatrach avait annulé le marché, «elle aurait rendu un grand service» à Saipem. Il note cependant que «le projet est un grand gain pour l’Algérie, qui lui permet aujourd’hui de vendre le gaz par bateau à tout le monde. Le pipe relie l’Algérie à la Sardaigne et peut même être utilisé pour vendre à la France.
Nous avons eu d’énormes pressions pour l’achever. Ils nous ont obligé à faire un tronçon de 8 pouces pour alimenter des lignes de Sonelgaz. Nous étions contraints de changer le planning du projet». Interrogé sur les pertes occasionnées à Saipem, il affirme qu’elles sont liées à la couverture des risques. «Il y a eu le match Algérie-Egypte qui a poussé de nombreux ouvriers égyptiens à partir, la situation en Syrie qui a eu des répercussions, mais aussi des difficultés à trouver des soudeurs, qui sont de véritables chasseurs de primes, qu’il faut bien payer», explique-t-il.
LA VALSE DES RABAIS
Revenant sur le contrat de consulting de Réda Meziane, Callidou affirme que c’était le même que celui obtenu par son prédécesseur pour le même salaire, 140 000 DA, et la même durée, 3 ans. Interrogé par un avocat sur la baisse que Saipem a consentie sur le prix, le témoin déclare : «Lorsque Sonatrach nous a demandé pour la première fois de revoir le prix à la baisse, cela a été une surprise pour nous. Nous avions soumissionné et versé des cautions. Le fait que nous soyons retenus c’était une acceptation des prix. A la fin, on nous demande de baisser le montant… Nous avons accepté un rabais de 3%». Un autre avocat demande à Callidou si Réda Meziane a informé Saipem du taux de 12% de baisse que Sonatrach voulait négocier.
Le témoin : «A ma connaissance non. Si c’était le cas, c’est que mon prédécesseur était très stupide !» Un autre avocat : «Y a-t-il un lien entre ce dossier et celui ouvert par la justice italienne à Milan ? Quelles sont les personnes citées ?» Le juge juge intervient : «La première partie de votre question est acceptable, mais pas la seconde, elle est rejetée. Elle n’a aucun lien avec les faits», dit-il, avant de se tourner vers le témoin qui répond : «ENI a été acquittée dans ce procès.
D’après ce que je sais, le procès n’est pas encore terminé. Je ne dirais pas plus et je ne sais pas s’il y a un lien entre ce dernier et cette affaire.» A la question de savoir comment les employés de Saipem étaient payés en Algérie, le témoin surprend l’assistance par sa réponse : «En Algérie, les constructions nécessitent beaucoup d’ouvriers, qui veulent tous être payés en espèces, avant que leur sueur ne sèche», suscitant des éclats de rire dans la salle.
Hamid Hamlat, qui exercait à Saipem et remettait ses honoraires à Reda Meziane a, lui aussi, surpris par ses propos : «C’est Tullio Orsi qui m’a chargé de remettre chaque mois ses honoraires à Réda Meziane. Je mettais 140 000 DA dans une enveloppe que je les remettais à Tullio Orsi avec une décharge. Il se chargeait de les lui remettre, et me restitue la décharge signée.»
Le juge : «C’est un personnage important alors, puisque c’est le responsable qui lui remet le salaire en mains propres. Les autres employés sont-ils payés de la même manière ?» Le témoin : «Ils recevaient tous leur salaire en espèces à mon niveau.» Interrogé sur les 4 millions de dinars virés à Reda Meziane, le témoin jure qu’il n’en a jamais entendu parler. «Cette somme n’est pas sortie de la comptabilité», répète-t-il.
L’audience reprendra demain, avec une autre liste de témoins.
Salima Tlemçani
Procès Sonatrach 1 : Le chargé de la sécurité interne n’a rien vu venir
El Watan, 16 janvier 2015
Le procès Sonatrach 1 s’est poursuivi jeudi avec l’audition d’une vingntaine de témoins liés aux marchés de télésurveillance.
Le premier à être entendu est Ali Bakhouch, membre puis président de la commission technique d’ouverture des plis relatifs au marché de télésurveillance.
Le juge : «Le partage en trois lots et l’affectation aux trois sociétés retenues ne violent-ils pas la R15 ?» Le témoin se défend en évoquant une «situation exceptionnelle», avant d’affirmer : «C’est le comité exécutif qui a pris cette décision.» Selon lui, le retrait de Siemens de la soumission est lié au fait que la commission a refusé de l’informer des affectations des lots «pour éviter toute situation de surenchère sur les prix».
A propos de l’instruction du ministre de l’Energie de décembre 2005, il pense qu’«elle est venue après la lettre du wali de Béjaïa évoquant des menaces terroristes contre le pipe et la nécessité de protéger les installations pétrolières». «La première réunion sur la sécurisation des sites a été tenue juste après», dit-il.
Slimane Ghezli, membre des commissions technique et commerciale, mais aussi chargé du projet de la télésurveillance prenne sa place à la barre : «Le 29 décembre, Belkacem Boumedienne, qui n’était pas encore vice-président, m’a informé du soit-transmis du ministre où il est écrit « combien de fois devrais-je vous rappeler que tous les sites de Sonatrach doivent être dotés de systèmes de protection. Me faire la liste des directeurs qui refusent d’exécuter les instructions pour les sanctionner ».
Il m’a dit qu’il existait deux circulaires du ministre, l’une de 2003, après l’acccident de Skikda, et l’autre de 2005, qui évoquait la sécurisation des sites. Il m’a parlé d’un plan d’action que je devais récupérer auprès de Mme Boudemagh. Il comportait une présélection de 8 sociétés.» Le juge : «Qui a eu l’idée d’une consultation restreinte ?» Le témoin : «C’est le comité exécutif, mais sur proposition de la commission technique.
Même s’il n’était pas permis, ce mode de passation de marché était utilisé à Sonatrach sur dérogation du PDG. Depuis les amendements du 29 juillet 2005, l’usage de la consultation a pris racine.» Le juge : «Vous aviez déclaré que le lotissement du marché était une décision du PDG.» Le témoin : «Le comité exécutif nous a demandé de faire des propositions et la commission a proposé le lotissement. L’idée a été approuvée le jour même…»
Interrogé sur la non-publication de l’avis d’appel d’offres au Bulletin des avis d’appel d’offres du secteur de l’énergie et des mines (Baosem) comme le stipule la R15, le témoin explique qu’il avait préparé le placard, mais qu’il n’avait «pas de compte analytique pour payer la publication. Si je l’avais eu, je l’aurais publié». Selon lui, c’est la direction HSE, au niveau de l’activité Amont, «qui est responsable» de cette publication, précisant : «avec Mme Boudemagh, nous avons posé le problème à Belkacem Boumedienne, qui nous a dit, « ce n’est pas grave. Ce sont des marchés urgents. Ils relèvent de la sécurité. Ils doivent rester confidentiels »». Le juge : «Ces caméras ne sont-elles pas visibles ?» Le témoin : «Certaines oui, mais les systèmes anti-intrusion ne doivent pas être visibles.»
«La répartition des lots s’est faite avant les offres commerciales»
A en croire le témoin, les 123 sites n’étaient pas dotés de système de protection. Le juge : «Sur quelle base avez-vous réparti les marchés ?» Le témoin : «C’est le comité exécutif qui a arrêté le partage…» Une réponse qui fait réagir le président : «Quel est votre rôle, alors ?» Le témoin se tait. Sur le quatrième lot, resté sans soumissionnaire après le retrait de Siemens, il dit avoir proposé une consultation restreinte «parce que l’appel d’offres aurait nécessité au moins deux ans, alors que les consultations restreintes ont pris deux mois seulement».
Le magistrat : «Pourquoi trois lots ont été attribués de gré à gré sous prétexte qu’il y avait urgence et, subitement, pour le quatrième lot, cette urgence disparaît pour passer à un avis d’appel d’offres international ? Est-ce parce que Contel n’était pas concerné ?» Le témoin : «Je ne pouvais proposer autre chose que l’appel d’offres. Belkacem Boumedienne l’a validé.» Sur l’étude comparative des prix, il affirme l’avoir effectuée sur la base des offres des trois sociétés Martech, Vsat et Funkwerk.
«Vsat et Martech étaient moins-disantes dans les lots qu’elles ont pris et Funkwerk était plus-disante dans son lot. L’étude a été faite sur ce lot. J’ai trouvé que les prix de Funkwerk étaient plus chers. J’ai saisi le vice-président, et ce dernier en a informé le PDG, lequel a demandé une négociation pour une baisse de 15%.» Ghezli souligne toutefois que cette comparaison des prix n’a pas pris en compte les carractéristiques techniques. Selon lui, celles de Funkwerk étaient les plus développées.
L’avocat de Sonatrach : «Pouvons-nous dire que que l’objectif assigné par Sonatrcah pouvait être réalisé par les trois sosciétés ?» Une question qui suscite une réaction collective des avocats, mais le juge recadre le débat autour des faits. Le témoin affirme avoir fait une autre étude comparative des prix sur les offres pour les 123 sites, où il a relevé des hausses tantôt dans l’offre de Martech, tantôt dans celle de Funkwerk, tantôt dans celle de Vsat. «Raison pour laquelle je me suis limité à l’étude comparative du lot attribué à Funkwerk et qui montrait une légère hausse par rapport aux deux autres sociétés», affirme t-il. Le lot 4, souligne-t-il, a fait l’objet d’«une consultation restreinte avant d’être réparti, lui aussi, entre les sociétés Cegelec, Alstom, Thales, Spie et SW».
Au procureur général qui lui demande pourquoi n’avoir pas pris la décision dès le départ de lotir le projet, Ghezli répond : «Cette répartition a été faite le 23 janvier 2006 alors que les offres commerciales ont été reçues en juin, soit six mois après.» Le procureur général exhibe une lettre de Siemens annonçant son retrait de la commission. Le témoin est formel : «Siemens n’a pas les capacités de prendre les 123 sites. Son représentant a demandé à deux reprises la prolongation des délais pour envoyer ses offres, nous avons accepté. Mais à la veille de la réuniond’ouverture des plis, elle nous annonce par fax son retrait.» Sur les montants des contrats, il avance 53 millions d’euros, pour le lot 1 attribué à Martech, 64 millions d’euros pour le lot 2 attribué à Vsat.
Interrogé par un avocat sur l’attribution du CIS de Hassi Messaoud à Contel-Funkwerk, il répond : «Le CIS a été attribué par le ministre. Il y a un écrit dans ce sens, que j’ai lu. C’étais avant que je sois nommé chef de projet. C’était un gré à gré, de même que pour la base du 24 Février.»
A propos des délais impartis par le ministre pour la réalisation du projet de sécurisation des 123 sites, il déclare qu’ils ont été repris et réaffirmés par l’intérimaire du PDG, M. Feghouli, et le secrétaire général, M. Zitouni. «Sont-ils compatibles avec les dispositions de la R15 ?», demande un avocat. Le témoin dit «jamais» et explique : «Si on donne tout le projet à une seule société et même si celle-ci a tous les moyens nécessaires, il lui faut 35 ans pour le terminer.»
«La consultation restreinte était justifiée par l’urgence»
Revenant sur les raisons qui ont fait que le vice-président Belkacem Boumedienne n’a pas autorisé la publication au Baosem, Ghezli indique avoir été convaincu des raisons avancées par son supérieur qui, selon lui, sont «liées à la sécurité de la compagnie». Il confirme à un autre avocat l’existence au début de 5 lots, réduits à 4, précisant toutefois que «cette répartition était faite avant mon arrivée». Lui aussi justifie la consultation restreinte par «l’urgence» du projet, ajoutant «l’appel d’offres ouvert n’était pas possible dans les condition de délais». Selon lui, le PDG n’a joué aucun rôle dans ces marchés.
Le juge appelle Abdelkrim Bonatero, représentant de la banque BNP Parisbas, qui explique à propos des mouvements de fonds vers les comptes d’El Hachemi Meghaoui et de son fils Yazid, qu’ils proviennent de Contel et non pas du holding, précisant avoir remis au juge d’instruction un PV de l’assemblée générale et une attesttion de Contel holding.
Lotfi Merazi, commissaire aux comptes de la société Contel, qu’il dit avoir rejoint en 2006, reçoit une cascade de questions. Le chiffre d’affaires de la société qui a grimpé de 45 millions de dinars en 2006, à 330 millions en 2007 avant d’atteindre 2,6 milliards de dinars en 2008, suscite une série de questions lancées par le juge. «Cette hausse n’est-elle pas liée aux contrats de Sonatrach ?» Le témoin : «Une partie grâce aux contrats et une autre générée par les études effectuées pour le compte de Funkwerk…»
A propos de Fawzi Meziane, il affirme que ce dernier est entré dans le capital de Contel avant la création du holding. «Lorsqu’il a acheté ses parts en 2005, la société était bénéficiaire, mais en 2006, elle était déficitaire. Fawzi n’a jamais pris de dividendes. Réda Meziane a obtenu ses dividendes en 2008 du holding, distribués en 2009», note le témoin, qui atteste avoir validé les comptes de la société. Le procureur général l’interroge sur les activités du holding : «La seule tâche du holding est de gérer administrativement les deux sociétés qui le composent.
C’est une structure qui gère et redistribue les dividendes», dit-il. Il précise que Reda Meziane a pris des actions lors de la création du holding et les a cédées en 2009, soit une année après. Les Meghaoui, ajoute-t-il, étaient déjà présents à Contel avant d’être associés dans le holding. Selon lui, ni le holding ni le groupement ne génèrent de bénéfices. «Le holding peut-il corrompre des personnes physiques», lui demande le juge. «Pas en tant que personne morale. Du point vue comptable, il doit justifier toute dépense», répond-il. Le juge insiste sur la question et le témoin perd la voix. Le juge lui fait remarquer qu’il n’a pas obtenu de réponse.
Un des avocats d’Al Smaïl Djaafar : «Avez-vous remarqué des opérations douteuses ou non justifiées ?» Lotfi Merazi répond négativement, précisant que «même s’il y a des actes illégaux, ils doivent être maquillés avec des factures. Je le dis en général, mais je n’ai pas eu à le constater dans ce cas précis». A propos des documents justifiant le virement des dividendes, il s’agirait, selon lui, du PV de l’assemblée générale et de l’attestation des impôts :
«Le holding a ses spécificités. On ne peut même pas parler de dividendes. Ce n’est pas lui qui les génère. Elles appartiennent aux activités des sociétés qui le composent», répète-t-il. Interrogé sur le montant de 64 millions de dinars viré sur le compte de Réda Meziane en 2009, le témoin déclare qu’«il s’agit des dividendes de 2008. Il n’avait pas encore cédé ses parts».
20 millions de dinars de dividendes pour 300 000 DA d’actions
Rachid Ourabah, associé dans le holding Contel, explique, quant à lui, avoir perçu ses dividendes en 2010, sans pour autant être capable de révéler leur origine. Devant l’étonnement du juge, il lâche : «Ils viennent du groupement Contel-Funkwerk. Je ne sais pas s’ils proviennent des contrats de Sonatrach.» Le juge : «Pourquoi n’avez-vous pas de contrat de consulting avec Funkwerk comme les autres actionnaires ? N’êtes vous pas proche d’Al Smaïl ?» Le témoin a un large sourire et dit : «Je ne sais pas.» Au procureur général, il révèle être entré dans le holding avec 300 000 DA pour lesquels il a perçu 20 millions de dinars de dividendes.
Le juge réplique : «Dieu lui a donné…», provoquant des éclats de rire dans la salle. Mohamed Guerrar, directeur central de la sécurité et la sûreté interne de Sonatrach, passe à la barre. Il parle d’une dizaine de réunions restreintes consacrée à la télésurveillance tenues entre 2005 et 2010, période où il était chargé de faire le reporting sur tout ce qui se faisait à ce sujet. Il affirme que la première présentation technique de Contel a été faite vers la fin de 2004 avec TVI. «Je ne sais pas comment et pourquoi Contel a fini avec Funkwerk.
Et je ne peux dire comment Contel, Funkwerk et TVI se sont retrouvées à l’activité transport par canalisation.» Sur les retards enregistrés dans la réalisation, il affirme que «toutes les sociétés n’étaient pas dans les délais. J’étais chargé de faire les états de situation qui me parvenaient de l’ensemble des activités, mais aussi de sources personnelles».
Pourtant, cette situation de «responsable bien informé» ne lui a pas permis d’être au fait de la présence des enfants du PDG dans le capital de Contel. Tout comme il «ne savait pas» que les marchés n’étaient pas publiés dans le Baosem et, de ce fait, il dit n’avoir pas informé le ministre. Mais à une autre question d’un avocat, il répond être au courant «de tous les projets et de leur avancement». Interrogé sur l’application des pénalités de retard à Saipem, le témoin affirme : «Jusqu’en 2010, ces pénalités n’étaint pas appliquées.» Ces réponses du témoin suscitent une série de questions sur ses attributions. Il se limite à citer des textes de manière à éviter l’essentiel.
«Etiez-vous au courant des instructions du ministre», lui demande un avocat. Le témoin déclare qu’elles sont au nombre de deux : celle du 5 janvier 2005 où «il dénonce certains gestionnaires qui justifient les retards par la nécessité d’un avis d’appel d’offres». «Le 27 septembre 2005 j’ai écrit au PDG pour l’informer que depuis cette instruction, je n’ai pas senti d’avancement des travaux. Il a fallu la seconde instruction du ministre pour que ça bouge.» L’avocat revient à la charge et lit la lettre du témoin adressée au PDG où il fait état de retard et ajoute qu’à son avis, il faut faire pression sur les responsables. L’avocat demande ce qu’il voulait dire par «faire pression».
Le témoin : «Je voulais juste rappeler l’importance de ces projets, le retard et la tenue d’une réunion du comité exécutif pour prendre des décisions.» L’avocat : «Avez-vous fait des propositions au sujet du projet des 123 sites ?» Le témoin dit non. L’avocat exhibe une correspondance confidentielle signée par le concerné, qui propose une autre consultation restreinte après le retrait de Siemens du lot 4. «Je peux proposer des solutions pour aider le PDG.
Ce ne sont que des propositions. Elles peuvent être prises en compte tout comme elles peuvent être rejetées.» Sur une autre lettre qu’il avait transmise au PDG, sur proposition du vice-président Amont, il dit avoir «avancé quelques idées». Le juge : «Vous vous êtes aligné sur la position du comité exécutif qui a décidé de passer par une consultation restreinte pour le lot 4.» Le témoin aquiesce : «Si le PDG suit mes propositions, c’est qu’elles sont bonnes.»
Il reconnaît avoir attiré l’attention du PDG sur la non-signature de 13 contrats de l’activité Amont. «Mon rôle se limite au reporting adressé au PDG et au ministère et dans le cas où il y des dysfonctionnements j’alerte et je fais des propositions», ne cesse-t-il de répéter. En dépit du fait, révèle la défense, que le contenu du courrier que Guerrar a échangé avec le PDG «montre son rôle actif». Il dit avoir quitté la compagnie en 2010 et qu’à cette époque, tous les projets accusaient du retard.
Salima Tlemçani
Procès Sonatrach 1 : Des ordres et des interrogations
par M. Aziza, Le Quotidien d’Oran, 16 janvier 2016
L’entreprise Contel Algérie et le holding géré par Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl , accusés dans l’affaire Sonatrach 1, dont un des actionnaires, Mohamed Réda Meziane, est le fils de l’ex P-DG de Sonatrach , a vu son chiffre d’affaires passer de 45 millions de DA en 2005 à 2,59 milliards de DAs en 2008, grâce aux 5 contrats signés avec Sonatrach. Le commissaire aux comptes de l’entreprise, Merazli Lotfin, entendu par le juge comme témoin dans le procès de Sonatrach 1, a confirmé jeudi, que l’entreprise Contel a connu une hausse importante de son chiffre d’affaires, après avoir décroché, dans le cadre du groupement Contel Funkwerk, les 5 contrats avec Sonatrach. Deux ont été octroyés au gré-à-gré et les 3 autres, décrochés dans le cadre d’une consultation restreinte, pour un montant de 11 milliards de dinars.
Le juge Mohamed Reggad s’est interrogé, depuis le début du procès, auprès de tous les cadres et les témoins déjà entendus, comment Contel Funkwerk a pu présenter ses offres (équipement) au sommet de la pyramide pour descendre, ensuite, à la base pour la signature finale des contrats ? Le juge, la partie civile, et les avocats de la défense ont beaucoup insisté, auprès du commissaire aux comptes, sur le partage des dividendes sur les actionnaires, où Mohamed Réda Meziane au même titre que le reste des actionnaires a eu le droit à 30 % des bénéfices. Ils ont, également, demandé pourquoi, l’entreprise a effectué un ordre de virement de 64,8 millions de DA, en 2010, dans le compte de Mohamed Réda Meziane, alors que ce dernier avait cédé, ses 460 actions à Al Ismaïl Réda Djaâfar et 20 actions à un autre actionnaire, un certain Fertas, en tenant compte de la distribution des dividendes des résultats des investissements de 2008. Les avocats ont voulu savoir à quel titre et en quelle qualité, Mohamed Réda Meziane a eu le droit à ce virement, en 2010, dans son compte, sachant qu’il n’était plus actionnaire à Contel Holding, en cette date et qu’il n’avait pas demandé un remboursement. Le commissaire aux comptes répond : « il se peut qu’il s’agissait de sommes cumulées durant son exercice dans l’entreprise». Un des associés de Contel Holding est appelé par le juge, il s’agit de Bourabah Rachid. Ce dernier semblait ignorer, totalement, le fonctionnement du holding. Il affirmé qu’il a déposé un apport personnel de 300.000 DA, prix des actions, à Contel Holding, pour gagner 10 millions de DA de dividendes. Le juge lui demande « d’où provient cet argent ? ». Le témoin répond avec certitude : « ce sont les bénéfices du groupement Contel Funkwerk ». Le juge lui pose une autre question : « savez-vous que cet argent provenait des contrats signés avec Sonatarach ?»
Il répond : « Ah là, je ne sais pas». Le juge pose autrement la question : « vous êtes associé et en principe vous assistez à l’assemblée générale».
Il répond par l’affirmative, mais il dit ignorer la source des bénéfices. L’autre associé à Contel, Bentabet Dorbani Ali, appelé comme témoin, était absent.
«L’OFFRE DE CONTEL FUNKWERK ETAIT LA PLUS CHERE»
Le témoin Ghezali Slimane, membre de la Commission des offres techniques et commerciales a affirmé que le mode de passation des marchés, relatifs à la sécurisation des sites de Sonatrach, a été fixé d’office. Il a expliqué que la commission a été déjà informée, par l’ex- vice-président de l’amont, Belkacem Boumediene, d’une circulaire du ministre, leur donnant un délai au 31 janvier, afin qu’ils entament rapidement la sécurisation des sites. «Une circulaire émise après l’incident enregistré à Skikda», a-t-il précisé. Il persiste en affirmant qu’ils ont eu un plan d’action élaboré par la hiérarchie, et qu’ils devaient l’appliquer. Mais il affirme, en même temps, qu’il avait proposé à Belkacem Boumediene de lancer un appel d’offres national et international ouvert, en précisant que sa proposition n’a pas eu d’échos. En ce qui concerne les offres financières présentées par les trois soumissionnaires retenus : à savoir Contel Funkwerk, Serpe et VSAT Martec, Ghezali Slimane confirme que l’offre de Contel Funkwerk était la plus chère. Mais, le témoin a mis l’accent sur la qualité supérieure des équipements présentés par Funkwerk. «Il n’y a aucun doute, elles sont d’une haute qualité».
«SIEMENS N’AVAIT PAS LA CAPACITE DE SECURISER LES 132 SITES »
Il a précisé qu’il a été décidé la répartition de 132 sites en 4 lots pour éviter qu’il y ait un monopole d’un soumissionnaire, sur l’ensemble des sites. Et de lancer : « si on avait donné les 123 sites à un seul soumissionnaire, en exhaussant le vœu de Siemens, les travaux auraient été achevés, en pas moins de 35 ans ! » Il explique que 3 lots ont été accordés, au gré à gré et le 4ème lancé sur la base d’un appel d’offres ouvert, après le retrait de Siemens. Et Pourquoi Siemens s’est-elle retiré, et pourquoi le quatrième lot n’était pas concerné par le « caractère urgent » ? Ghezali Slimane a affirmé que Siemens n’avait les capacités pour sécuriser le quatrième lot. Il dira qu’elle n’a pas présenté son offre après moult convocations et prolongements de délai. « Les responsables de Seimens demandaient, à chaque fois, de prolonger le délai, sous prétexte que les Européens et les membres de Siemens prennent leur congé au mois d’août ». Ce qu’on peut conclure des déclarations d’une partie de témoins, déjà entendus par le juge, est le fait que Sonatrach n’est soumise ni au code des marchés publics ni à ses propres règles qui devaient s’inspirer dudit code. Cela s’explique par le fait que la R15, une directive propre à Sonatrach, et conçue par le staff dirigeant du groupe pétrolier, peut être modifiée pour certains marchés dits «d’exception» ou « urgents », et s’il y a un accord d’opportunités, ou un accord de dérogation, qui est recommandé, selon l’appréciation du P-DG de Sonatrach. Le témoin Arar Boualem, président de la Commission d’ouverture des plis, a affirmé que l’attribution des marchés relatifs à la sécurisation des sites, au gré à gré, a été consentie par le P-DG de la Sonatrach, Mohamed Meziane. L’autre témoin, Ghezali Slimane, membre de la Commission d’ouverture des plis des offres techniques et commerciales, a affirmé que le mode de passation était déjà fixé. La plupart des cadres et les témoins, qui ont défilé devant le juge, ont affirmé qu’ils risquaient leur poste, s’ils n’exécutaient pas les ordres du ministre