Territoires occupés du Sahara Occidental : Washington lance le processus d’ouverture d’un consulat

Amnay Idir, El Watan, 11 janvier 2021

Le Sahara occidental est inscrit en 1963 sur la liste des territoires non autonomes, établie par la IVe Commission générale des Nations unies.
En 1965, la résolution 2072 de l’Assemblée générale de l’ONU le place sur la liste des régions à décoloniser et fait référence à la résolution 1514 sur le droit à l’autodétermination des peuples colonisés.

Les Etats-Unis ont lancé, hier, le processus d’ouverture d’un consulat américain au Sahara occidental, territoire sous occupation marocaine, rapporte l’AFP. L’annonce de l’ouverture d’un consulat s’inscrit dans le cadre de l’accord de normalisation des relations entre le Maroc et Israël, qui doit s’accompagner de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur l’ancienne colonie espagnole. Le processus «prendra des mois», a reconnu hier l’ambassadeur américain au Maroc, David Fischer, après avoir visité un des bâtiments proposés pour abriter le consulat à Dakhla, ville située dans les territoires occupés. Au cours d’un point de presse, le secrétaire d’Etat adjoint américain pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, David Schenker, a rappelé qu’il y a un mois, le président Donald Trump annonçait à la fois la reconnaissance de «la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental» et que «le Maroc et Israël (…) allaient améliorer leurs relations diplomatiques».

De son côté, D. Fischer soutient que Washington a «travaillé avec les Nations unies pour trouver une solution pacifique à ce conflit gelé, et le mois dernier le président Trump a reconnu l’inévitable et formulé l’évidence : cette région est marocaine et le Maroc a la seule solution fiable et durable pour résoudre le destin de ce territoire».

Le président américain élu Joe Biden, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, n’a pas encore pris position sur ce dossier. Le Maroc est le quatrième pays à normaliser ses relations avec Israël, après les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, tout en légitimant sa présence au Sahara occidental. La nouvelle carte du Maroc intégrant ce territoire a été adoptée par Washington trois jours après l’annonce de l’accord.

Le premier vol commercial entre Tel-Aviv et Rabat a été affrété dix jours plus tard. Un consulat «virtuel», destiné à dynamiser les échanges bilatéraux, a aussi été créé la semaine dernière, selon l’ambassade américaine. L’accord inclut une enveloppe de trois milliards de dollars (2,4 milliards d’euros), débloquée par la Banque américaine de développement (DFC) pour le «soutien financier et technique de projets d’investissements privés» au Maroc et en Afrique subsaharienne. A cette enveloppe s’ajoutent quelque 818 millions d’euros de la DFC pour l’entrepreneuriat féminin dans la région.

Quand la force lamine le droit

Le processus d’ouverture du consulat américain se situe aux antipodes de la position de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur ce territoire occupé. Le Sahara occidental est inscrit en 1963 sur la liste des territoires non autonomes établie par la IVe Commission générale des Nations unies. En 1965, la résolution 2072 de l’Assemblée générale des Nations unies le place sur la liste des régions à décoloniser et fait référence à la résolution 1514 sur le droit à l’autodétermination des peuples colonisés.

En décembre 1973, la résolution 3162 de l’Assemblée générale des Nations unies réaffirme son attachement au principe d’autodétermination et demande à la puissance coloniale, l’Espagne, de prendre les mesures nécessaires pour l’organisation d’un référendum. En octobre 1974, un débat est lancé à l’ONU sur la question du Sahara occidental. En octobre 1975, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye rend son arrêt consultatif qui réaffirme le droit des Sahraouis à l’autodétermination. Mais en novembre de la même année, Hassan II a appelé à une «marche verte» pour marquer l’appartenance de ce territoire au Maroc.

Cette marche a mobilisé 350 000 Marocains, qui ont traversé la frontière du Sahara occidental. Le 14 du même mois, l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie signent à Madrid un accord tripartite sur l’avenir du Sahara occidental. Cet accord prévoit le retrait de l’Espagne le 28 février 1976. Le mois suivant, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution 3162, réaffirmant son attachement au principe d’autodétermination.

Aussi elle demande à l’Espagne de prendre les mesures nécessaires pour l’organisation d’un référendum. En août 1979, le Front Polisario et la Mauritanie signent un accord de paix : Nouakchott renonce au sud du Sahara, mais Rabat annexe la totalité du Sahara occidental. Le 11 novembre, la Commission de décolonisation de l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution «demandant instamment au Maroc de s’engager lui aussi dans une dynamique de paix et de mettre fin à l’occupation au Sahara occidental». Résolution entérinée le 21 novembre par l’Assemblée générale de l’ONU.

En novembre 1980, l’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution réclamant la fin de l’occupation marocaine et l’ouverture de négociations entre le Maroc et le Front Polisario. En août 1988, le Maroc et le Front Polisario acceptent un plan de l’ONU prévoyant un cessez-le-feu et un référendum d’autodétermination. En avril 1991, l’ONU crée une Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Le 6 septembre de la même année, elle décrète l’instauration d’un cessez-le-feu entre les deux belligérants.

En mars 1997, l’ex-secrétaire d’Etat américain, James Baker, est désigné envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. En 2003, il propose un plan qui prévoit un régime d’autonomie pour une durée de 5 ans, suivi d’un référendum comportant l’option de l’indépendance. Accepté par le Front Polisario, il est rejeté par Rabat. D’où la démission de Baker en 2004.

En mars 2012, lors des discussions aux Etats-Unis, Rabat a plaidé pour une large autonomie du territoire sous souveraineté marocaine, alors que le Front Polisario tient au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Dans son rapport annuel rendu public en avril de la même année, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a observé que le Maroc «entrave le travail de la Minurso jusqu’à entamer sa crédibilité».

Un mois après, Rabat retire un temps sa confiance à Christopher Ross, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, l’accusant de «partialité». Ross finit par démissionner en mars 2017. Son successeur, l’ancien président allemand, Horst Köhler, a réussi à relancer des pourparlers au point mort depuis 2012, en convoquant les parties concernées à deux tables rondes à Genève, en décembre 2018 puis en mars 2019. Néanmoins, il a démissionné en mai 2019 «pour raisons de santé».