Algérie-Union européenne Un accord à revoir

A. Maktour, Le Soir d’Algérie, 9 décembre 2020

Le bilan des échanges commerciaux illustre on ne peut mieux le déséquilibre qui caractérise l’association Algérie-Union européenne. Entre 2005 et 2019, l’Algérie a importé d’Europe pour plus de 300 milliards de dollars de biens, alors que cette dernière, en dehors du pétrole et du gaz, n’a dépensé qu’une quinzaine de milliards de dollars pour ses approvisionnements en Algérie.
Depuis son entrée en vigueur, il y a quinze ans, l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne ne peut se targuer de constituer le modèle dont des États, des groupes régionaux ou encore d’autres entités pourraient s’inspirer. Les deux parties n’ont jamais été sur un pied d’égalité, pour tout dire. Il suffirait, par exemple, de recenser les investissements productifs que les pays de l’Union ont initiés en Algérie pour comprendre pourquoi les autorités algériennes se sont, depuis quelques mois, mises à grogner pour ensuite remettre carrément en question l’accord, notamment la veille de ce qui constitue une étape majeure de l’accord : la Zone de libre-échange, à partir de septembre dernier, soit en plein dans la tourmente produite par la pandémie de nouveau coronavirus. Une échéance à laquelle l’Algérie n’était pas prête déjà bien avant ces deux malheurs que constituent la crise pétrolière de 2014 et la crise sanitaire, pour des tas de raisons encore dont celles évoquées depuis de longues années par les patrons algériens, eux qui mieux que quiconque ont enduré les affres d’une orientation économique faisant des hydrocarbures l’unique réelle source de richesse du pays. Des voix se sont élevées, donc, depuis des années sur la nature de l’accord d’association presque dans son intégralité, jusqu’à ce qu’enfin au début de cette année qui s’achève, le nouveau pouvoir à la tête du pays appelle à «une évaluation de l’accord d’association et l’accord de libre-échange ratifiés avec l’Union européenne», tout autant d’ailleurs que d’autres accords engageant le pays avec d’autres entités tels les pays arabes et africains, ainsi que l’accord préférentiel passé avec la Tunisie.
Une réévaluation des accords qui a pris des allures d’urgence pour un pays qui n’a pas fini de payer les contrecoups de la crise induite par la baisse des cours du pétrole en 2014 avant d’endurer les conséquences de la pandémie qui frappe depuis le début de cette année. Une succession d’effets, entre d’autres, qui se sont révélés désastreux sur l’économie nationale qui, dès lors, n’avait plus d’atouts à faire valoir pour affronter la concurrence européenne dans le cadre de la Zone de libre-échange instituée par l’accord d’association. Une conjoncture qui n’a fait, en réalité, qu’accentuer le déséquilibre flagrant de l’accord en défaveur de l’Algérie qui désormais a décidé de prendre les choses à bras-le-corps et de faire entendre son avis de manière officielle lors de la tenue, par visioconférence, des travaux de la 12e session du Conseil d’association Algérie-UE, non sans avoir tenu à rassurer que l’accord est d’une importance majeure pour l’Algérie notamment en termes d’investissement. «L’Algérie et l’Union européenne vont continuer dans la mise en œuvre de l’accord d’association», a confié le chef de la diplomatie algérienne, Sabri Boukadoum, à J. Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et ses assistants, tout en précisant que «l’accord ne concerne pas que l’aspect commercial mais d’autres aspects globaux».
Selon le partenaire européen, plusieurs parmi les dossiers auxquels l’Algérie tient à ce qu’ils soient revus ont été discutés lors de cette 12e session du Conseil d’association, tels la question des droits de l’Homme, la coopération économique et les échanges commerciaux, l’environnement, l’énergie et la migration. Selon son communiqué, à l’issue des discussions avec les Algériens, l’UE considère par exemple pour la question des échanges commerciaux que ceux-ci interviennent dans «le respect de l’Accord d’association, cadre qui offre la prévisibilité et la stabilité nécessaire» pour ensuite informer que la Commission européenne a transmis récemment une proposition visant à résoudre le différend en la matière et «l’UE espère trouver très prochainement un accord dans le cadre de l’article 100 de l’Accord d’association». Quant à la question de l’investissement en Algérie, le communiqué de la délégation s’est contenté d’une réponse un peu laconique axée sur «l’amélioration du climat des affaires», ce qui sous-entend que l’Algérie n’offre pas encore les conditions idoines pour voir les capitaux européens affluer. En tous les cas, pour le moment, l’UE espère «trouver très prochainement un accord dans le cadre de l’article 100 de l’Accord d’association». Quant à l’autre question de l’accord d’association qui retient l’attention de la partie algérienne, celle de la mobilité des personnes, soit la question des visas, du retour des migrants clandestins algériens, l’UE a rétorqué que le souci est de garantir le retour de personnes séjournant de manière irrégulière sur le territoire d’une des parties dans le respect des engagements internationaux, de renforcer la gouvernance et de progresser dans la lutte contre les réseaux criminels. Des réponses de la part des représentants de l’UE qui ont de quoi laisser augurer de longues discussions puisque le cadre auquel se réfèrent ces derniers pour aplanir les différends, c’est-à-dire l’accord d’association, est justement celui-là même que la partie algérienne entend que l’on revoie.
Azedine Maktour