Ali Drif, expulsé illégalement de France, a disparu à son arrivée en Algérie
Observatoire des droits humains en Algérie
Ali Drif, expulsé illégalement de France, a disparu à son arrivée en Algérie
Le 4 mars 2005
Le 26 février 2005, à cinq heures du matin, deux heures avant sa libération de prison, Ali Drif, ressortissant algérien né en France, est extrait de la prison Saint-Paul à Lyon par des fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) et emmené à Marseille, où il est embarqué dans un bateau en direction d’Alger. C’est la préfecture de Lyon qui avait engagé la procédure d’expulsion sans en informer le concerné et son avocat. Cet enlèvement a privé Ali Drif de toute possibilité de s’adresser à un juge afin de contrôler cette décision de l’administration.
Une fois sur le bateau, M. Drif a pu passer un très bref coup de téléphone à sa femme, lui demandant d’avertir la famille en Algérie de son arrivée. C’est ainsi qu’à Alger une avocate a pu se rendre sur place pour le recevoir, mais n’a pu obtenir aucune information à son sujet. Il est à craindre qu’il ait été tout de suite récupéré par les services de renseignements algériens (DRS).
Retour sur une affaire scabreuse
Ali Drif, 44 ans, marié et père de quatre enfants est ingénieur en informatique. En 1995, il est arrêté sur la base de soupçons avec dix-sept autres personnes pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Il passe vingt mois, du 13 septembre 1995 au 24 octobre 1997, en détention préventive avant d’être libéré sans jugement. Le 30 juin 1998, finalement, le tribunal correctionnel de Paris le relaxe, faute de preuves matérielles.
Le 22 octobre 1999, la cour d’appel de Paris le condamne cette fois-ci à trois ans de prison et une interdiction définitive du territoire français. Mais il n’a pas été convoqué par le juge d’application des peines pour purger le reste de sa peine de prison. Et depuis sa relaxe, il travaille à Decines, comme entrepreneur en menuiserie.
En septembre 2004, un gendarme à la retraite grille un feu et percute la voiture de M. Drif. Toute la famille est hospitalisée et Ali Drif est convoqué par la police. C’est alors que son dossier judiciaire est réouvert. Il est tout de suite incarcéré, le 20 septembre 2004, sur ordre du Parquet de Paris afin d’effectuer son reliquat de peine. Il devait être libéré samedi 26 février 2005. Son avocat, Me Jacques Debray, avait introduit auparavant un recours auprès de la cour d’appel de Paris pour suspendre l’interdiction de territoire. La décision doit être prise le 24 mars prochain.
Mais entre-temps, Ali Drif est expulsé vers Alger. Arrivé le 27 février, il est détenu au secret et ni sa famille ni son avocat ne savent où il se trouve. En Algérie, la garde à vue dure officiellement douze jours depuis la promulgation du décret du 30 septembre 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme, et durant ce délai il encoure le risque d’être torturé et de disparaître.
Nous demandons que les autorités algériennes fassent libérer immédiatement M. Drif, étant donné qu’aucune charge ne pèse contre lui en Algérie.
Nous nous élevons avec vigueur contre la décision française d’expulsion, exécutée illégalement sans que M. Drif ait pu bénéficier des garanties prévues par la loi. Nous demandons que les autorités françaises lèvent la mesure d’interdiction du territoire, application d’une « double peine » en contradiction avec l’esprit de la loi du 26 novembre 2003, et fondée en l’espèce sur des allégations dont la véracité semble sujette à caution.
Nous demandons que M. Drif, s’il le désire, puisse revenir sans délais en France, où il a sa famille, son travail et toutes ses attaches.