Un tournant politique ? Au Mazafran, l’opposition algérienne a fait le plein
HuffPost Maghreb | Par May Sammane Publication, Huffington Post, 10 juin 2014
C’est le grand rassemblement des oppositions algériennes y compris celles qui ne s’imaginaient jamais se rencontrer. Islamistes, laïcs, nationalistes, réformateurs étaient, ce mardi au rendez-vous de la Conférence du dialogue national initié par la Coordination Nationale pour la transition démocratique (CNLT) qui regroupe les partis et personnalités qui avaient appelé au boycott de l’élection présidentielle du 17 avril 2014.
Ahmed Benbitour, premier chef de gouvernement après l’accession de Bouteflika au pouvoir en 1999 et qui a démissionné en raison des atteintes à ses prérogatives a lu le discours inaugural après la lecture de la plateforme de la conférence nationale. S’exprimant au nom du bureau de la CNLTD; il a dit que l’objectif était de «sauver la nation» avant de céder la parole aux personnalités présentes.
Ali Benhadj a choisi de ne pas venir afin de ne pas donner, a expliqué Ali Djeddi, dirigeant du FIS, de prétexte au pouvoir de gâcher la rencontre. Ali Djeddi, qui avait à ses côtés Kamal Guemmazi et Abdelkader Boukhemkhem, a en effet expliqué qu’on a signifié à Ali Benhadj, l’interdiction de participer à cette réunion politique et qu’il a choisi de ne pas venir pour ne pas fournir d’excuse au pouvoir pour empêcher la réunion.
Une proposition de l’ex-FIS
Mais Ali Djeddi ne s’est pas contenté d’expliquer l’absence du très remuant Ali Benhadj, il est venu porteur d’une proposition politique : l’organisation d’un Congrès pour « l’ajustement national », d’une Commission de vérité et de justice pour aller vers une vraie réconciliation nationale. Le Congrès en question élira un conseil de transition pour aller vers l’élection d’une Constituante. Mais les dirigeants de l’ex-FIS n’étaient pas le centre d’intérêt unique d’un rassemblement, sans précédent depuis la réunion de l’opposition algérienne à Rome en 1995, de l’opposition algérienne.
Saïd Saadi, ancien président du RCD et ennemi juré du FIS durant les années 90, était également présent dans cette rencontre œcuménique de l’opposition algérienne. Ali Yahia Abdennour, président d’honneur de la Ligue Algérienne de défense des droits de l’homme, un des acteurs du contrat de Rome et un défenseur résolu d’une convergence des oppositions au-delà des clivages idéologiques, était aussi présent. « Ce système doit partir » a-t-il dit saluant ceux qui ont boycotté le scrutin du 17 avril.
Un jour « historique »
Outre Benbitour, deux autres anciens chefs de gouvernement étaient aussi de la partie. Mouloud Hamrouche, le chef des files des réformateurs qui ont engagé, après les évènements d’octobre 1988, les grandes réformes qui se sont heurtés à une forte et réussie résistance du système s’est dit heureux de participer à une réunion qui discute de l’avenir du pays.
« Ce n’est qu’aujourd’hui que nous pouvons parler de pluralisme politique en Algérie (…) L’armée doit être un support pour l’État et non pour le gouvernement. Nous avons besoin d’un consensus mené par l’armée, les partis politiques et le peuple » a-t-il déclaré. Abdallah Djaballah, président du Parti de la Justice et du développement (PJD – Islamiste) s’est réjoui d’une réunion où « pour la première fois, tous les courants de différentes obédiences se réunissent (…) Le système ne prenait pas au sérieux le peuple, les élites (…) Nous sommes des citoyens et on doit profiter des droits de notre citoyenneté.
Il y a plus qu’une nécessité pour que l’opposition se réunisse de différents horizons ». Et enfin, l’ancien premier ministre et deux fois candidats malheureux à la présidentielle Ali Benflis est revenu sur le projet qu’il défendait pour le renouveau national et la démocratisation du pays. Il insiste sur le fait que le « projet de la révision de la Constitution est une magouille de plus du pouvoir.
Le Front des Forces Socialistes (FFS) était bien là. Ahmed Bettache, son premier secrétaire se disant satisfait d’être là et de voir les partis de l’opposition adopter la démarché préconisé par le 5ème congrès de son parti.
Abderrazak Makri président du MSP évoque un « jour historique » car il montre la « capacité de l’opposition d’organiser ce genre d’événements ». « Cette rencontre va participer à changer l’image de l’opposition, construite par le système ». Les intervenants continuaient en fin de journée de relayer. La conférence prendra fin en début de soirée par la lecture de recommandations. Et des suites à donner à cette e réunion inédite.