Alors que Bamako leur tend la main : Les djihadistes veulent un Etat islamique au Mali
par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 23 septembre 2012
Se dirige-t-on vers un dialogue de sourds au Mali qui risquerait d’hypothéquer fortement un statu quo décrié de toutes parts ? De plus en plus de voix discordantes se font entendre au sujet des événements au Nord-Mali brouillant un peu plus une situation déjà compliquée. Au Sud, le président par intérim derrière qui se cachent des putschistes engagés. Au Nord, des djihadistes sous plusieurs bannières. Aux frontières, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest et à l’étranger, Paris et Washington qui poussent pour une intervention militaire. Dans tout cet embrouillamini, l’Algérie, un pays qui attend venir. Vendredi soir, Dioncounda Traoré, le président malien par intérim, et après avoir pris connaissance des exigences de la Cédéao, a réaffirmé son souhait de voir la situation au nord du Mali se régler à travers le «dialogue» et la «négociation». Il adressera un message de paix appuyé et sans équivoque aux groupes armés islamistes, sans distinction, qui occupent tout le nord du Mali depuis le 22 mars dernier, tout en appelant les Maliens à se solidariser avec leur armée si guerre il y avait. Ce message à la nation diffusé à la télévision nationale, à la veille du 52ème anniversaire de l’indépendance du pays, se confond presque avec une ultime tentative de solutionner le problème entre Maliens et de fermer la porte aux forces combattantes de la Cédéao qui frappent avec insistance aux portes de Bamako. Depuis le coup d’Etat militaire qui a renversé le régime d’Amadou Toumani Touré, les voisins du Mali ne cessent d’appeler au retour d’une légitimité institutionnelle et voient dans la présence des forces combattantes de la Communauté un gage de sécurité pour cette transition. Une initiative refusée par Bamako et par les putschistes qui voient d’un mauvais œil un déploiement armé des troupes ouest-africaines. Le discours présidentiel, très attendu du reste pour éclaircir la position du Mali qui avait formellement requis, début septembre, l’appui de la Cédéao pour la reconquête de ses territoires du Nord, ne s’est franchement pas étalé sur les conditions de la Communauté pour le déploiement d’une force africaine. En effet, la Communauté a demandé à Bamako de revoir sa copie pour permettre une intervention armée ouest-africaine dans le nord du Mali. Deux des conditions posées par le président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, semblent poser problème à Abidjan pour une entrée en guerre effective dans cette région du Sahel. Si le Mali cherche un appui logistique et une présence «policière» des troupes de la Communauté, la Cédéao veut, par contre, un engagement total sur le terrain des opérations militaires. Bamako s’oppose donc à une présence d’unités combattantes sur son sol, allant contre les propositions de la Cédéao qui veulent, à travers une présence militaire dans la capitale malienne, sécuriser les institutions de transition. Dioncounda Traoré a aussi souligné qu’il ne veut pas que des troupes ouest-africaines s’engagent dans les combats mais qu’elles se confinent à un soutien logistique et aérien, ainsi qu’une participation au maintien de l’ordre, une fois les villes du Nord reconquises. La Cédéao, qui a mobilisé 3.300 soldats pour la circonstance, estime qu’une aide à la formation de l’armée malienne et un appui logistique et aérien ne sont pas suffisants et que ses troupes ne doivent pas être confinées dans une position passive.
La réponse des djihadistes à l’appel de Bamako ne s’est pas fait attendre puisque, moins de 24h plus tard, Alioune Touré, un responsable local de Gao, sous contrôle du Mujao, a affirmé à l’AFP que les islamistes acceptent de négocier avec le gouvernement de Bamako à condition que «le Mali applique la charia» et d’ajouter que les islamistes sont également prêts à répondre aux tambours de la guerre. Alors que Dioncounda Traoré a souhaité l’organisation, d’ici à un an, d’un scrutin présidentiel, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est dit prêt, vendredi, à examiner «une proposition réaliste» pour le déploiement d’une force panafricaine au Mali. Un plan de charge «faisable», qui détaillerait les différentes étapes du déploiement d’une telle force régionale dans la région. Rappelons qu’un premier projet de la Cédéao avait été jugé beaucoup trop imprécis par le même Conseil. En juin dernier, lors d’une audition au Congrès, le secrétaire d’Etat adjoint chargé des Questions africaines, Johnnie Carson, avait apporté son appui à la Communauté en estimant, toutefois, que ce contingent devrait plutôt sécuriser le sud du pays et ne pas s’aventurer dans le Nord. Par ailleurs, le diplomate américain avait mis en doute les capacités militaires de la Cédéao, soulignant qu’une éventuelle mission dans cette partie du pays devrait être préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence.