Bouguerra Soltani« Le terrorisme est une manifestation de la mafia financière »
Bouguerra Soltani à Aïn Témouchent
« Le terrorisme est une manifestation de la mafia financière »
El Watan, 11 novembre 2006
C’est avec les égards d’un homme d’un parti au pouvoir que le numéro un du MSP a été reçu jeudi à Aïn Témouchent. C’est également en cet habit que Bouguerra Soltani s’est présenté, évitant le propos politiquement sulfureux et éludant les questions qui fâchent ses partenaires, ce qui n’a pas empêché le tribun qu’il est d’user du ton caustique et du trait d’esprit dont il sait user habilement.
Durant la matinée, il avait accompli un périple à travers trois communes, prenant attache directement avec la population comme en campagne électorale. L’après-midi, il fut reçu au siège de la wilaya, avant de se diriger vers la salle de la Maison de la culture toute voisine, où il devait tenir un meeting. A l’approche, il est accueilli aux sons du baroud, de la ghaïta et du t’bal de troupes folkloriques habituellement engagées lors des visites officielles. Le rassemblement a regroupé pour moitié des militants du parti et pour une autre une nombreuse assistance d’invités d’autres partis et institutions. Le discours s’est conformé au thème de la rencontre, dédiée au soutien au peuple palestinien et à la célébration de novembre. C’est au cours de son point de presse que le chef du MSP s’est quelque peu éloigné du propos lénifiant. Relativement au recyclage des politiques du FIS lors des prochaines échéances électorales, Bouguerra évita de s’impliquer, indiquant que s’il y a « des noms qui sont considérés sujets à caution, pour d’autres il n’y a pas d’empêchement ». A cet égard, il cite le cas de partis qui, « selon la presse », se proposent d’inclure dans leurs listes des militants du parti dissous ; « cela va donc dépendre de la flexibilité avec laquelle l’Etat va gérer la question ». Quant au scénario consistant à supputer que le FIS puisse infiltrer un parti « sanafir », lui insuffler vie et en prendre le contrôle, « là aussi, cela relève du ministère de l’Intérieur ». Pour ce qui est des sénatoriales, l’orateur indique que « là où nous aurons des chances de prendre un siège, nous nous présenterons. Autrement, nous opterons pour une alliance avec nos partenaires de la coalition. Il reste que ces derniers ont introduit une sunna hassana (une bonne initiative) en Kabylie en optant pour d’autres alliances. Nous allons en tenir compte à notre avantage ». Pour ce qui est d’une nouvelle candidature de ses élus ayant deux mandats successifs à leur actif, Bouguerra précise qu’il ne l’interdit pas, mais qu’il recommande le renouvellement des élites. Relancé sur la question de savoir si ce faisant il n’y a pas risque de freiner la formation d’une classe politique constituée de professionnels de la politique et non plus d’amateurs, il répond : « Nous ne voulons pas de parlementaires professionnels, mais des politiciens professionnels, qui eux n’hésitent pas à aller au feu, vers les gens. » Le retard pris dans la révision constitutionnelle n’émeut pas le MSP dans la mesure où « il n’a pas milité pour son amendement car la crise est une crise de ‘‘loussous’’ (voleurs) et non de ‘‘noussous’’ (textes) ». A ce propos, et concernant la corruption, le conférencier se félicita du fait que les immunités qui protégeaient l’impunité soient en train de tomber : « Il y a des dossiers qui s’ouvrent avec des walis ou des gradés incriminés. C’est la bataille que l’Etat se devait d’engager dans la suite de l’après-terrorisme. » De ce fait, et répondant à une autre question, Bouguerra estima que « la recrudescence des actes terroristes n’est pas un retour du terrorisme. Le terrorisme est fini ! Il était confiné en des endroits isolés. Ce qui se passe est une manifestation de la mafia financière. Il est à mettre sur le compte de la jonction entre cette dernière et des groupes violents depuis qu’il y a eu l’ouverture de dossiers mettant en danger quelques poids lourds. En représailles, la mafia financière est en train d’user de sa capacité de nuisance ». Quant à son appréciation du classement de l’Algérie à la 84e place dans le hit-parade mondial de la corruption, Bouguerra usa de l’ironie pour dire qu’il correspond à celui du classement de notre pays en matière de football. Il ajouta avoir entendu « parler de la ‘‘rachoua fiqhya’’, une bizarrerie qui consiste pour certains islamistes à prétendre qu’ils ne la pratiquent pas mais qu’ils ne font que verser un licite pourcentage ». Enfin, relativement à l’ordre du jour de la rencontre d’aujourd’hui avec ses partenaires du FLN et du RND, le n°1 du MSP éluda la question à propos du bilan de la coalition. Il répondra plutôt à une question subsidiaire quant aux divergences qui opposent les trois partis. « Mais vous remarquerez que ce qui nous oppose ne figure pas dans le pacte d’alliance qui nous lie. »
M. Kali