Les détails du plan égyptien pour Ghaza
Mustapha Benfodil, El Watan, 4 mars 2025
Le Caire accueillera aujourd’hui un Sommet arabe d’urgence visant à «formuler une position arabe forte sur la question palestinienne et présenter une proposition complète pour contrer la proposition américaine de déplacer les Palestiniens de Ghaza», indique un communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères.
Pour rappel, le président américain, Donald Trump, a proposé rien de moins que de placer l’enclave palestinienne sous contrôle américain et d’en faire la «Riviera du Moyen-Orient», a-t-il dit, après avoir expulsé 2,4 millions de Palestiniens vers l’Egypte et la Jordanie en échange de logements neufs.
Cependant, devant le rejet unanime de sa proposition, aussi bien par les Palestiniens que par la majorité écrasante des pays arabes et musulmans, Trump a tempéré ses propos, assurant qu’il n’imposerait pas son plan pour Ghaza, le présentant désormais comme une simple «recommandation» en attendant de voir ce qui va sortir du sommet du Caire.
En prévision de ce conclave décisif pour l’avenir de la bande de Ghaza et de la Palestine en général, plusieurs réunions préliminaires se sont tenues en Egypte, et les préparatifs se sont intensifiés hier, comme le rapporte le quotidien Al Ahram. «Les réunions préparatoires au Sommet arabe d’urgence au Caire ont commencé lundi, en coordination avec le Conseil de la Ligue arabe», a indiqué le journal égyptien dans son édition d’hier, avant d’ajouter : «En marge des réunions, le ministre des Affaires étrangères, Badr Abdelati, a rencontré ses homologues palestinien, yéménite et irakien pour discuter de la situation actuelle en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza, ainsi que des efforts de l’Egypte pour assurer la durabilité de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza ; du plan en cours d’élaboration pour la reconstruction (de l’enclave palestinienne) et de la nécessité de rechercher une solution politique durable et juste à la question palestinienne.»
«Le plan égyptien est prêt»
Selon un communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelati a reçu hier, soit la veille de l’ouverture du Sommet arabe d’urgence, le Premier ministre palestinien, Mohammad Mustafa, qui est également ministre des Affaires étrangères. Les deux hommes ont «discuté des préparatifs en cours pour la tenue du sommet arabe» en s’attardant sur la proposition «qui concerne la reconstruction de la bande de Ghaza en maintenant les Palestiniens sur leur terre», affirme le communiqué.
Il a été également question, au cours de ces entretiens, de «soutenir les efforts visant à stabiliser l’accord de cessez-le-feu à Ghaza et affirmer les constantes de la position arabe sur la question palestinienne». Le chef de la diplomatie égyptienne et son hôte ont, en outre, évoqué une conférence internationale sur la reconstruction de Ghaza qui serait organisée ultérieurement par l’Egypte conjointement avec les Nations unies.
A noter par ailleurs que le ministre égyptien des Affaires étrangères a annoncé avant-hier, lors d’une conférence de presse tenue avec la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica, que le plan égyptien était prêt et que Le Caire cherchait désormais à obtenir un soutien et un financement internationaux, notamment du côté de l’Union européenne. «Nous aurons des discussions intensives avec les principaux pays donateurs une fois que le plan aura été adopté lors du sommet arabe», a précisé M. Abdelati.
L’agence Associated Press a assuré avoir sondé «deux responsables égyptiens et des diplomates arabes et occidentaux», à propos du plan égyptien pour Ghaza. Ce plan «prévoit un processus de reconstruction en trois phases qui prendra jusqu’à cinq ans, sans expulser les Palestiniens de Ghaza, ont déclaré les responsables égyptiens», affirme AP. «Trois zones de sécurité» seront aménagées à l’intérieur de Ghaza pour reloger provisoirement les Palestiniens au cours d’une première «période de redressement précoce» de six mois. «Ces zones seront équipées de maisons mobiles et d’abris, et l’aide humanitaire y affluera», poursuit AP.
Des zones de vie «équipées de maisons mobiles»
A en croire l’agence de presse américaine, «plus d’une vingtaine d’entreprises égyptiennes et internationales participeront au déblaiement des décombres et à la reconstruction des infrastructures de la bande de Ghaza». Ce gigantesque chantier «fournira ainsi des dizaines de milliers d’emplois à la population de Ghaza, ont déclaré les responsables», rapporte encore Associated Press.
La même source nous apprend que «les autorités égyptiennes ont discuté de ce plan avec des diplomates européens ainsi qu’avec l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis». Les autorités égyptiennes ont également discuté avec leurs partenaires «des moyens de financer» cet immense chantier, «et notamment d’une conférence internationale sur la reconstruction de Ghaza», soutient AP.
«le Hamas disposé à céder le pouvoir à Ghaza»
Pour ce qui est de l’administration de Ghaza et sa reconstruction institutionnelle et politique, Associated Press souligne : «La proposition égyptienne prévoit essentiellement la mise en place d’une administration palestinienne non alignée sur le Hamas ou l’Autorité palestinienne pour diriger la bande de Ghaza et superviser les efforts de reconstruction.»
L’Egypte recommande par ailleurs «la mise en place d’une force de police palestinienne composée principalement d’anciens policiers de l’Autorité palestinienne restés à Ghaza après la prise de contrôle de l’enclave par le Hamas en 2007, avec le renfort de forces égyptiennes et de forces formées par les pays occidentaux».
Hamas ne serait visiblement pas contre l’idée de se retirer de la gouvernance de Ghaza si l’intérêt du peuple palestinien l’exigeait. Abdul Latif Al Qanou, un porte-parole du Hamas, a déclaré récemment à l’agence AP que le mouvement de résistance palestinien «a accepté soit un gouvernement d’unité palestinienne sans la participation du Hamas, soit un comité de technocrates pour diriger le territoire».
De son côté, l’Autorité palestinienne rejette catégoriquement tout scénario qui l’exclurait de l’administration de Ghaza.
Associated Press rappelle que «la campagne israélienne de 16 mois à Ghaza, (…) a dévasté le territoire. Environ un quart de million de logements ont été détruits ou endommagés, selon les estimations de l’ONU. Plus de 90% des routes et plus de 80% des installations sanitaires ont été partiellement ou totalement détruites.
Les dégâts causés aux infrastructures ont été estimés à quelque 30 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent environ 16 milliards de dollars de dégâts causés aux habitations».