La mise à nu de Chakib Khelil

Révélations sur les comptes offshore de son épouse

La mise à nu de Chakib Khelil

El Watan, 11 mai 2016

L’enquête publiée hier par Le Desk, qui a eu accès aux Panama Papers, établit des connexions entre la création de sociétés offshore et l’affaire Sonatrach. Près de 200 millions d’euros ont été versés par Saipem à Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président du Conseil constitutionnel, Mohamed Bejaoui.

La nouvelle livraison de Panama Papers a apporté, avant-hier en début de soirée, une révélation de taille. Najat Arafat, l’épouse de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, possède deux sociétés offshore au Panama, «servant de paravent à des comptes bancaires en Suisse», selon le site marocain Le Desk, qui a consulté les documents.

L’épouse de Chakib Khelil — qui serait toujours, avec ses enfants, sous le coup d’un mandat d’arrêt international et n’a pas quitté les Etats-Unis depuis deux années environ — a recouru, indique la même source, «aux services du cabinet panaméen Mossack Fonseca pour créer deux sociétés offshore : Carnelian Group Inc. et Parkford Consulting Inc. La première en mai 2005 et la deuxième en octobre de la même année. Pourtant Najat Arafat était ‘‘officiellement sans activité’’, précise Le Desk.

Mais ce qui ajoute plus de doute sur les activités de l’épouse de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, en tournée dans les zaouïas, clamant qu’il a été victime d’une machination et se disant prêt à «répondre à l’appel du pays et à jouer un rôle», c’est l’apparition du nom de Omar Habour auquel les pouvoirs dans ces deux sociétés ont été transmis en 2007, indique la même source. Ce proche de la famille Khelil, visiblement un habitué du circuit des sociétés offshore (il en possède lui-même plusieurs), a été cité dans les premières révélations de Panama Papers.

Pas seulement, il est aussi impliqué dans le scandale de corruption Sonatrach 2, aux côtés de Farid Bedjaoui, recherché par la justice italienne qui a ouvert, depuis 2011, une enquête sur les contrats passés entre la filiale Saipem du géant pétrolier italien Eni et Sonatrach. L’enquête publiée hier par Le Desk, qui a eu accès aux Panama Papers, établit des connexions entre la création des sociétés offshore et l’affaire Sonatrach.

Près de 200 millions d’euros ont été versés par Saipem à Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président du Conseil constitutionnel, Mohamed Bedjaoui. Le Desk, qui cite un arrêt du Tribunal pénal fédéral suisse du 14 janvier 2015, expose au grand jour des liens insoupçonnés entre les différentes parties impliquées dans le scandale de corruption qui a touché Sonatrach.

«L’instruction, indique la même source, a établi qu’une partie de l’argent encaissé par la société de Farid Bedjaoui, Pearl Parteners Ltd, domiciliée à Hong Kong, a été reversée à d’autres lobbyistes algériens et à des responsables de Saipem via des sociétés-écrans». Mieux encore, «le Tribunal pénal fédéral helvète souligne que les magistrats instructeurs algériens ont identifié des versements qui ont profité à Najat Arafat, épouse de Chakib Khelil».

Selon les documents et courriels obtenus par Le Desk dans le cadre du scandale Panama Papers associant le Consotium international des journalistes d’investigation (ICIJ), le journal allemand Süddeutsche Zeitung et leur partenaire dans le monde arabe, Arab Reporters for Investigative Journalism, c’est Multi Group Finance, une société fiduciaire établie à Lausanne et à Montreux (Suisse) qui a tissé le réseau de comptes et de compagnies offshore dissimulant les fonds de Najat Arafat, Omar Habour et Farid Bedjaoui.

Le Desk révèle un incroyable «échafaudage» pour cacher l’argent de la corruption. «Multi Group Finance a sous-traité la domiciliation des compagnies offshore au cabinet panaméen Mossak Fonseca, qui a créé ces sociétés et fourni les prête-noms pour les administrer», écrit la même source, en soulignant que toutes «ces sociétés ont été constituées avec un capital social réparti en actions au porteur (donc anonymes) pour gérer des comptes bancaires domiciliés en Suisse».

Le Desk s’appuie, par ailleurs, sur un mail envoyé au correspondant de la filiale suisse de Mossak Fonseca, en date du 14 février 2008, par Ludovic Guignet, financier et gestionnaire de fortune pour Multi Group Finance en charge de la gestion du patrimoine de l’entourage de Chakib Khelil.

Le document révèle, affirme la même source, que Carnelian Group Inc. et Parkford Consulting Inc. ont été créés pour gérer des portefeuilles placés dans des banques suisses. «Pouvez-vous me faire parvenir ‘un certificate of good standing (lettre de bonne conduite), copie notariée des statuts en vigueur avec apostille, ainsi qu’un power of attorney (POA, mandat de représentation) confirmant la procuration accordée à Omar Habour. Les banques demandent un Poa datant de moins de 3 mois.» Le Desk brandit cette correspondance comme preuve des liens entre Najat Arafat et son prête-nom, Omar Habour.
Said Rabia