BOUSOUS

BOUSOUS

Jacques Vergès, Lettre ouverte à des amis algériens devenus tortionnaires, Paris 1993

Je suis détenu à la prison militaire de Blida.

Un jour, on m’a demandé de me mettre en position, c’est-à-dire de tourner la tête vers le mur et de ne plus bouger. On m’a bandé les yeux et j’ai été ensuite emmené vers une destination inconnue. C’était un mercredi à midi.

Le lendemain vers 4 heures du matin, menottes aux poings, je fus conduit en fourgon à la montagne. Le trajet a duré approximativement deux heures. Nous avons ensuite marché pendant quatre heures. Ils m’ont demandé de leur indiquer la cachette des rebelles dont j’ignore complètement l’existence. Nous avons marché de jeudi, 4 heures du matin, jusqu’au vendredi 4 heures du matin. Pendant tout ce temps, ils m’ont fait porter des caisses de munitions. Arrivés au sommet de la montagne, ils m’ont menacé plusieurs fois de mort. En présence d’agents de la Sécurité militaire, un brigadier de la gendarmerie m’a poussé dans le vide.

J’ai été blessé aux genoux, au coude, et j’ai eu une déchirure musculaire à la cuisse gauche. Évanoui, je fus transporté à la caserne de la Sécurité militaire où j’ai repris connaissance. je suis resté treize jours du mercredi 18 mars au 30 mars 1992. Jusqu’à la guérison de mes blessures.

A mon retour à la prison militaire de Blida, je n’arrivais plus à parler. je bégayais et je pleurais sans cesse. je n’arrivais plus à distinguer entre le jour et la nuit, tellement je souffrais de maux de tête atroces.

A la prison, j’ai appris que mon absence avait été justifiée officiellement comme étant un transfert à l’hôpital !

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