Etat général de la répression et des arrestations d’étudiants de la faculté des sciences politiques et de la communication
(Ce présent rapport est établi selon les déclarations et les témoignages des étudiants membres du Collectif autonome des étudiants de l’Université d’Alger ainsi que sur la base des documents officiels en leur possession).
« D’une génération à l’autre, la lutte pour les libertés démocratiques, la justice sociale et le rejet de l’arbitraire fissurera le carcan dictatorial »
Liste des étudiants accusés de « destruction de l’administration » de la Cité Universitaire TALEB Abderrahmane (Ben Aknoun-Alger), le 12/12/2004 :
– Merzouk HAMITOUCHE : 3ème année en sciences politiques
– Achour BABI : 3ème année en Sciences Politiques
– Farid LADJIMI : 2ème année en Sciences Politiques.
– Mustapha AIT BESSI :
– Moh el mouloud DELAL :
– Belkacem MEHDI : 2ème année Sports.
1-Etudiants arrêtés et mis sous mandat de dépôt à la prison d’El Harrach :
1.HAMITOUCHE Merzouk, arrêté le 13/12/2004 à L’ITFC
2.LADJIMI Farid, arrêté le 10/01/2005 à l’intérieur de la faculté à 21H30
3.BABI Achour, arrêté le 11/01/2005 à l’ITFC
– DELLAL Moh el Mouloud, a été convoqué par le juge d’instruction du tribunal de Bir-Mourad-Rais le16/01/2004 à 10H00, et mis en liberté provisoire.
– Pour les deux autres accusés (Aït Bessi et Mehdi), ils n’ont officiellement pas reçu de convocations et sont considérés en état de fuite.
2-Etudiants arrêtés puis mis en liberté provisoire :
Arrêtés le 10/01/2005 à l’intérieur même de la faculté à 21h 30 et libérés le12/01/2005 à 17h 30
Accusation portée contre eux : attroupement illégal
1.RAHMANI Hocine
2.BELDJENA Younes
3.OUNESLI Smail
4.SADAK Abderahim
5.SEIDANI Redouane
6.ISSOUANE Yassine
7.MAMMERI Kaci
8.BOUDJEMI Hamid
9.HAMMED Omar
10.DEBALI Ibrahim
11.MHAMED Chafaâ
12.BOUDHIL Mohamed
13.BEN SIDHOUM Saïd
14.MOUSSOUNI Lakhdar
15.NAIT MBAREK Mohand Ouchabane
16.BELAHDJEL Arezki
17.BOUCHLIL Karima
18.AYACHI Samia
19.MADJOUR Kamel
20.MADJOUR Adlane
Etudiants accusés d’avoir pris en otage des personnes :
1.AMMOUR Salah
2.TALBI Madjid
3.AIT ZEYANE Makhlouf
4.LIFI Ali
5.HADJEM Ahcene
6.BEN TAYEB Chafik
7.MEFTAH Mourad
8.AOUCHICHE Youcef
9.SAHOUI Sofiane
10.OUMOUHENDE Dhrif
Ces dix derniers étudiants sont considérés en état de fuite, et n’ont pas encore reçu de convocations des autorités judiciaires.
Cette liste a été établie sur la base du procès-verbal de la réunion tenue le 05/01/2005, en présence de ces dix (10) étudiants et les représentants de l’administration de la faculté en l’occurrence Mr HAMDI Ahmed, doyen de la faculté, Mr BENZAOUI vice-doyen chargé de la pédagogie, Mr DRIDI chef du département des sciences politiques, Mr BOUDJIMI Ahmed, chef du département de journalisme, Mr GHARS, responsable de la bibliothèque et Mr LACHEB Messaoud, secrétaire général. Cette réunion avait initialement pour but de trouver une issue à la crise. Ces responsables avaient demandé aux représentants des étudiants de suspendre la grève (déclenchée depuis le 14 /12/2004 au niveau de la faculté) avant toute négociation. Le lendemain, ces représentants des étudiants ont présenté un refus écrit à l’administration après consultation de leurs camarades lors d’une assemblée générale.
NB : le collectif d’étudiants détient les deux écrits signés par l’administration.
CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
Dimanche 12 /12/2004 :
Aux environs de 18h00, un rassemblement de 600 étudiants environ, s’est tenu au niveau de la cour de la cité universitaire TALEB Abdérrahmane de Ben-Aknoun, en face de la direction générale et cela en présence du directeur. Des clarifications ont été demandées à ce dernier au sujet de la plateforme de revendications remise au début de l’année universitaire, portant les points suivants :
1-Ouverture du club Internet dans la cité.
2-Enrichissement de la bibliothèque de la cité (nouveaux ouvrages …).
3-Sécurité et protection des résidants.
4-Amélioration des conditions de vie à l’intérieur de la cité, notamment la restauration.
5-Mise à la disposition de l’association sportive « Karaté Do » présidée par HAMITOUCHE Merzouk, de repas froids et cela après les entraînements quotidiens.
Le directeur refusera de prendre en charge les revendications et de recevoir les délégués des étudiants au sein de son bureau. Au même moment, une coupure de courant surviendra, plongeant la cité dans le noir. Cette situation due à la défaillance électrique, profitera à un groupe d’étudiants non identifiés pour saccager les bureaux et le matériel de l’administration alors que les représentants réels des étudiants et qui encadraient ce rassemblement pacifique perdaient le contrôle de la situation.
Dans la nuit même, une enquête a été déclenchée par la police scientifique, suivie d’une plainte déposée par le directeur, contre notre camarade HAMITOUCHE Merzouk, étudiant en 3e année de Sciences politiques, l’accusant d’être le premier responsable de ce dérapage, ainsi que contre cinq autres étudiants dont les noms sont les suivants :
BABI Achour : membre de l’association
LADJIMI Farid : membre de l’association
DELLAL Moh-El-Mouloud : absent depuis quinze (15) jours avant ces évènements.
MEHDI Belkacem : blessé transféré sur place par l’ambulance de la cité
AIT-BESSI Mustapha : résidant de la cité.
Lundi 13/12/2004 :
A la mi-journée et plus précisément à 12h30, les services de sécurité ont procédé à l’arrestation de l’étudiant HAMITOUCHE Merzouk, devant le portail de la faculté des sciences politiques et de la communication qui sera mis en garde à vue au commissariat de Bouzaréah.
Juste après cette arrestation, les étudiants se rassembleront à l’intérieur de l’enceinte universitaire et décideront d’occuper les lieux jusqu’à la libération de leur camarade. Réunis en assemblée générale, ils se constitueront en Collectif Autonome des Etudiants de l’Université d’Alger.
Mardi 14/12/2004 :
L’étudiant Hamitouche Merzoug, est présenté après sa garde à vue, devant le procureur puis le juge d’instruction du tribunal de Bir-Mourad-Rais. Il sera mis sous mandat de dépôt et immédiatement incarcéré en fin de journée à la prison d’El-Harrach. Cette arrestation arbitraire suivie d’incarcération de leur camarade provoquera la colère des étudiants. Ils décideront alors de maintenir l’occupation de l’enceinte universitaire et désigneront des délégations afin de prendre attache auprès du ministère de l’enseignement supérieur, de l’ONOU, du rectorat, de la presse, des partis politiques et de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH).
Mercredi 15/12/2004 :
Tôt dans la matinée, les étudiants en grève ont été surpris de la présence d’un important dispositif de sécurité à l’intérieur même de la faculté, intimant l’ordre aux étudiants d’évacuer les lieux suite à la décision surprenante du recteur d’avancer les vacances d’hiver d’une journée alors qu’elles étaient prévues pour le jeudi 16 décembre 2004.
Du jeudi 16/12/2004 jusqu’au samedi 02/01/2005, c’est-à-dire durant les vacances, une délégation d’une vingtaine d’étudiants de la cité universitaire TALEB Abderrahmane était restée mobilisée, afin de poursuivre les contacts avec les différents organismes contactés ainsi qu’avec le collectif d’avocats qui s’était constitué juste après l’arrestation de notre camarade et qui était constitué de :
Me BOUCHACHI Mustapha.
Me BEN ISSAD Nourreddine.
Me BENHMIDA Mohamed.
Me GUENANE Abd-El-Moumene.
Me RAMDANI Mohand-Arezki.
Me MEDANI Yahia.
Me SAHLI Youcef.
Me BERKAINE Noureddine.
Dimanche 02/01/ 2005 au 09/01/2005
Le collectif des étudiants maintiendra la grève illimitée au niveau de la faculté des Sciences politiques et de l’Information, multipliant les appels à la solidarité auprès des autres facultés d’Alger (notamment de Bouzaréah, l’université Benyoucef Benkhedda), mais aussi auprès des universités de Tizi-Ouzou, Boumerdes, Bejaia et Sétif, par l’organisation de rassemblements de soutien et de signature d’une pétition exigeant la libération des détenus arbitrairement incarcérés.
Lundi 10/01/2005 : « nuit d’horreur et de bastonnades »
11H : les étudiants organisent une marche à l’intérieur de l’Institut des Sciences politiques, suivie d’un sit-in devant l’entrée principale de l’administration.
17H : une délégation se rend à l’administration pour demander la venue du recteur en vue de dialoguer.
17h20 : sortie de la délégation pour informer les étudiants de la réponse négative et du refus du recteur de se déplacer sur les lieux. Suite à cela, les étudiants décident à l’unanimité d’occuper les lieux jusqu’à la venue du recteur.
Premières interventions de policiers en civil sollicités par le doyen de l’Institut. Ils tenteront une diversion et essayeront de manipuler des étudiants. Ils se présenteront tout d’abord comme médiateurs, ce que les étudiants refuseront, considérant que le conflit est entre eux et les responsables de l’université et que la police n’a pas à intervenir dans ce conflit. Devant l’échec de cette diversion, les policiers commenceront à intimider verbalement les étudiantes et les étudiants, rassemblés à l’intérieur de l’enceinte universitaire.
20h40 : Intrusion de fourgons des CNS à l’intérieur de l’Institut des Sciences politiques. L’officier chargé de la sécurité de l’arrondissement de BEN AKNOUN fixe un ultimatum de 10 minutes aux étudiants afin d’évacuer les lieux. Trois minutes plus tard un imposant dispositif de policiers se déchaînera avec une sauvagerie inouïe sur ces étudiants rassemblés pacifiquement dans la cour de l’Institut, arrêtant vingt un d’entre eux, dont deux (02) étudiantes et quatre (04) étudiants de Tizi-Ouzou venus en délégation de la cité universitaire Oued-Aissi pour s’enquérir de la crise qu’a connue cette faculté depuis le 13 décembre 2004. Cette violente répression causera de nombreuses blessures chez les étudiants (ecchymoses, contusions, hématomes, entorses…) et provoquera un véritable traumatisme psychologique chez les étudiantes de la cité universitaire Djillali Liabès, mitoyenne de l’Institut des Sciences politiques.
La répression de cette nuit d’horreur se terminera par la mise en garde à vue de dix neuf étudiants au commissariat de BOUZAREAH et deux (02) étudiantes blessées, transférées à l’hôpital BIRTRARIA puis au commissariat central.
Mardi 11/01/2005 :
09H45 : la police arrête un autre étudiant accusé, en l’occurrence BABI Achour.
Pendant la journée, les vingt deux (22) étudiants arrêtés sont présentés devant le procureur puis devant le juge d’instruction qui décide de mettre en liberté provisoire vingt parmi eux, accusés d’attroupement illégal et d’incarcérer deux autres en l’occurrence BABI Achour et LADJIMI Farid accusés de destructions de biens publics et cela sans la présence de leurs avocats. Ces deux derniers rejoindront leur camarade Hamitouche Merzouk à la prison d’El Harrach.
Devant la gravité de la situation, le collectif autonome d’étudiants lancera un appel à une grève générale à l’université d’Alger et des marches pacifiques et des rassemblements seront organisés au niveau de l’Institut de Sciences Politiques, de l’université de Bouzaréah, de l’université Benyoucef Benkhedda d’Alger (ex-fac centrale), ainsi que l’université de Boumerdés. Les étudiants de Tizi-Ouzou quant à eux, ont entamé une grève générale suivie d’un grand rassemblement au niveau de l’université Mouloud MAMMERI exigeant la libération de tous les étudiants détenus arbitrairement.
Mercredi 12/01/2005 :
Le collectif d’avocats, affirme qu’un autre groupe de dix étudiants serait accusé de séquestration du doyen de l’Institut et serait considéré en état de fuite. Nous rappellerons encore une fois que cette liste a été établie sur la base du PV de la réunion tenue le 05/01/2005, en présence de ces dix (10) étudiants et des représentants de l’administration de l’Institut en l’occurrence Mr Ahmed HAMDI doyen de la faculté, Mr BENZAOUI vice-doyen à la pédagogie , Mr DRIDI chef de département des sciences politiques, Mr BOUDJIMI Ahmed chef du département du journalisme, Mr GHARS responsable de la bibliothèque et Mr LACHEB Messaoud secrétaire général.
Samedi 15/01/2005 :
Le recteur de l’université d’Alger, Mr Tahar HADJAR organise une conférence de presse, « voulant réparer la fausse image donnée à l’opinion publique par la presse », accusant cette dernière d’avoir dramatisé la situation et d’avoir donné de fausses informations. Il affirmera que cette affaire ne le concerne pas, accusant les étudiants d’avoir violé les franchises universitaires (!!!). Il accusera des « extra-universitaires » et certains partis politiques, d’avoir manipulé les étudiants et justifiera la répression sauvage qui s’était abattue sur les protestataires en affirmant que « la violence appelle à la violence ».
Dimanche 16 au mercredi 19/01/2005
La communauté estudiantine maintient le mouvement de grève. Des rassemblements sont organisés dans les facultés d’Alger, à université de Tizi-Ouzou et de Sétif pour exiger la libération des étudiants arrêtés.
Des déclarations et des appels de soutien, de dénonciation et des demandes de libération des étudiants arrêtés, sont publiés par différents partis politiques tels que le FFS et le MDS, ainsi que par la LADDH, des syndicats d’enseignants (CNES, CLA …) et sont adressés aux autorités du pays, ainsi qu’à l’opinion publique nationale et internationale.
Fait à Alger, le 17 janvier 2005