Le relookage de la CNCPPDH: une authentique manœuvre

Association Nationale des Familles de Disparus
ANFD

DECLARATION

Le relookage de la CNCPPDH: une authentique manœuvre

Annoncé déjà lors du Conseil des ministres du 13 mai dernier, juste après la reconduction de Bouteflika au poste de chef de l’Etat, le relookage de la CNCPPDH pour « parachever » la politique d’impunité et d’amnésie se précise. Il faut parer au refus de la commission des droits de l’homme de l’ONU d’abriter en son sein un instrument qui, jusque là, n’a servit que ceux qui l’on mit en place et le financent.

« C’est donc pour asseoir davantage la place et le rôle de cette Commission que le Chef de l’Etat a instruit le gouvernement d’élaborer un projet de texte législatif destiné à en consolider l’assise juridique et à en renforcer l’audience internationale, notamment auprès du système des Nations unies. Notait le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 26 aout 2009.

En effet, l’enjeu est double. En présentant, sur le plan interne, cette reconfiguration, comme une nouvelle étape, il s’agit de faire avaliser de facto le travail déjà accompli dans la voie du processus d’impunité ; cela est particulièrement vrai sur la question des disparitions forcées. La caution onusienne doit servir le projet d’amnistie sans vérité et justice que le candidat Bouteflika sorti lors de la dernière compagne électorale. Pour ce faire, cette commission sera désormais régit par un dispositif législatif et se verra incorporer « des compétences algériennes qui activent dans les ONG internationales ».

En vérité les griefs de l’ONU à l’encontre de l’organisme confié à Farouk Ksentini ne s’arrêtent pas à des problèmes de forme aussi importants soient-ils. Il est vrai que la conception spécifique des droits de l’homme n’est pas de l’invention de la CNCPPDH. De tout temps, la dénonciation des défenseurs des droits de l’homme, personnalités, ligues et associations confondues et les attaques contre les ONG internationales ont constitué une constante du pouvoir. A travers cette commission, ce dernier s’était doté d’un moyen pour le faire. Bien plus encore, les membres appointés font la promotion de l’action de l’Exécutif, parasitent les voix des défenseurs des droits de l’homme et des victimes et, polluent tout débat à ce sujet.

Car, affirmer que la torture n’est pas la règle mais procède de comportements individuels d’agents, que nos prisons répondent aux normes de la dignité humaine ou que les libertés d’association et de presse ont progressé ou alors, sur un autre niveau, que la pauvreté est une invention des médias ou que le chômage est vaincu par la grâce de formules qui relèvent plus de la combine que de l’économie participent de la même démarche de mépris qui érige la fameuse méthode Coué en mode de gestion et de communication.

Le zèle de l’identification au pouvoir est parfois poussé jusqu’au ridicule. Quand Ouyahia, lui-même, dit, dans son intervention à l’APN, que le traitement des dossiers des disparus demande du temps, Maitre Azzi Merouane président de la cellule d’assistance juridique pour la mise en œuvre de la charte dite « pour la paix et la réconciliation nationale » affirme lors de son dernier passage au Forum d’El Moudjahid qu’il ne reste que quelques cas en ajoutant cyniquement que « certaines familles avaient déposé des plaintes face aux lourdeurs de l’administration pour le règlement de leurs cas » alors que l’écrasante majorité refusent la démarche de la délivrance des certificats de décès et de l’indemnisation en contrepartie de l’oubli. Le président de la CNCPPDH, quant à lui, a déjà pris plusieurs longueurs d’avance en se positionnant en faveur de l’amnistie dans le sillage de Bouteflika.
Dans cette jungle, au sens figuré, pour la circonstance, la visibilité est pour le moins difficile pour les victimes, les citoyens et…les experts de l’ONU mais personne n’est dupe.

Sur le dossier des disparitions forcées spécifiquement, c’est en septembre 2003 que Bouteflika a mis en place une commission ad hoc, sans aucun pouvoir d’investigation, présidée par Farouk Ksentini.

Le rapport transmis au chef de l’Etat en mars 2005 n’a jamais été rendu public. Cette absence de transparence n’est évidement pas fortuite. Il semble que le rapport soit opportunément tombé pour se défaire de certaines « lignes rouges » loin des droits des victimes.

L’ANFD rappelle que la charte dite pour « la paix et la réconciliation nationale » viole le droit des victimes et codifie l’impunité. Elle mine la vie sociale et porte les germes de conflits futurs. Pour toutes ces raisons nous réaffirmons, une fois de plus, que toute commission qui traiterait de la question des disparus ne peut être ni crédible ni efficace si:

1 Elle n’a pas accès à tous les documents et archives civiles et militaires sur les disparitions forcées. Nous nommons par archives les notes internes, les dossiers déposés par les victimes au ministère de l’intérieur, les dossiers des victimes déposés auprès de la commission des nations unies pour les droits de l’homme, les auditions de la justice, les plaintes des familles, les précédentes auditions de la CCNPDH , le rapport de cette commission au président de la république, les bilans chiffrés et détaillés des opérations d’indemnisations, les nombreux rapports d’enquête fait par la gendarmerie.

2- Il n’y pas la levée de l’obstruction de l’action judiciaire prévue a l’article 45 des décrets portant application de la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale. Ceci pour garantir le droit de la victime de recourir soit à un système de réparation administrative qui se limite à la connaissance de la vérité, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat et l’obtention d’une compensation matériel soit de recourir à la justice.

3-Il n’y a pas de mise en place d’un mécanisme qui garantit les investigations sur les disparitions forcées, notamment la possibilité de convoquer et d’entendre toute personne pour la manifestation de la vérité, l’écoute et la protection des plaignants, l’accès aux centres de détention par lesquels la majorité des victimes a transité avant leur disparition, l’ouverture des charniers et la disponibilité des moyens d’identification comme les tests ADN….

4- La commission n’a pas la liberté de recourir à toute expertise nationale et internationale jugée utile pour la manifestation de la vérité, les prérogatives d’élaboration d’une proposition d’un mécanisme de réparation qui permet aux victimes de faire le deuil dans la dignité et les prérogatives de rendre public les conclusions de ses travaux

Seules la vérité, la justice et l’amorce d’un processus démocratique peuvent garantir de tourner la page du conflit par un nécessaire travail de mémoire pour les familles des victimes et la Nation.

 

Le Bureau National de l’ANFD
Réuni le vendredi 28/08/2009