Colin Powell tâte le pouls de l’Algérie
En visite hier à Alger
Colin Powell tâte le pouls de l’Algérie
Le Quotidien d’Oran, 4 décembre 2003
Le chef de la diplomatie américaine a salué le caractère «exceptionnel» des relations entre Alger et Washington. Il a indiqué que les Etats-Unis appuieront le mandat de l’Algérie au Conseil de sécurité. Cependant, il s’est montré très prudent sur les dossiers clés tels le Sahara Occidental ou l’avenir du Maghreb.
Les dirigeants algériens doivent pavoiser d’avoir eu Colin Powell à Alger. La raison est très simple et s’explique par le fait que toutes les constructions politiques et diplomatiques que le pouvoir algérien établit depuis plus d’une décennie-en particulier depuis la venue aux affaires du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika – ont presque une seule logique: replacer l’Algérie sur la scène internationale et cultiver les meilleures relations possibles avec les Occidentaux, les Etats-Unis en particulier.
Cette motivation a été confirmée hier en partie par le secrétaire d’Etat américain qui s’est «félicité d’avoir visité l’Algérie pour la première fois» et «regretté que sa visite ait été si brève». Le chef de la diplomatie américaine a déclaré la disponibilité des Etats-Unis d’appuyer le prochain mandat de l’Algérie au sein du Conseil de sécurité. Il s’est dit également très réjoui du niveau des discussions qu’il a eues avec le président de la République ainsi qu’avec son homologue algérien, M. Abdelaziz Belkhadem. Les dossiers évoqués par les deux parties ont laissé transparaître – au plan géostratégique – une convergence de points de vue, dont la traduction la plus indiscutable réside dans l’agenda diplomatique et politique que Colin Powell et les dirigeants algériens ont abordé. Ces derniers, a-t-on appris durant la conférence de presse, ont bien évidemment abordé le dossier irakien, discuté du Sahara Occidental et ont également fait état de la coopération que les deux entretiennent depuis plusieurs mois dans la perspective de régler le conflit au sud du Soudan (John Garang, doit-on signaler au passage, est attendu à Alger).
Au plan économique, le discours de Colin Powell a été d’un optimisme qui doit être concrétisé, selon lui, par un «appui plus ferme» des Etats-Unis aux réformes économiques entreprises par l’Algérie depuis plusieurs années. Et par une «coopération exceptionnelle» qui devrait aboutir à une diversification du niveau des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays. En parlant «d’assistance» américaine au processus de réforme économique, Colin Powell n’a pas manqué d’indiquer son intention de défendre le dossier Algérie auprès des investisseurs américains; un fond de garantie est actuellement à l’examen.
Et de l’assister efficacement dans ses négociations avec l’OMC. Il en est de même en ce qui concerne la défense et la sécurité: Washington, a déclaré M. Powell, salue la «coopération exceptionnelle» qui existe avec l’Algérie dans ce domaine et souhaite qu’elle devienne plus importante. En parlant d’économie et de sécurité, le chef de la diplomatie américaine a néanmoins rappelé l’impératif de la bonne gouvernance, du respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse, ainsi que celui des libertés politiques collectives et individuelles. Un bémol qui, selon le secrétaire d’Etat américain, ne devrait pas altérer la nouvelle tonalité caractérisant les relations entre son pays et l’Algérie puisque, a-t-il rajouté, le président Bouteflika a donné des assurances sur ce plan et l’a convaincu de la nécessité du «progrès démocratique».
Le beau message de Colin Powell aux dirigeants algériens a, toutefois, été quelque peu troublé par son extrême retenue sur les sujets sur lesquels Alger souhaite -secrètement – un engagement plus franc de la part de Washington.
«Il n’y a pas de concurrence entre nous, les Européens et la France en particulier», a déclaré M. Powell aux «américanophiles», qui jurent qu’un des objectifs de Washington est de renforcer sa présence au Maghreb.
A propos du Sahara Occidental, M. Powell a déclaré que la Maison-Blanche ne propose aucune solution» à ce conflit et au contentieux opposant l’Algérie et le Maroc. «Nous encourageons le rapprochement des deux pays par la voie du dialogue», a-t-il ajouté, en précisant tout de même que, pour Washington, le soutien au plan Baker ne change pas.
Les premières déductions que l’on peut faire des déclarations de Colin Powell est que ce dernier est venu tâter le pouls de l’Algérie pour que les laboratoires de stratégie et d’industrie politique à Washington décident ensuite de la conduite à tenir à l’égard de notre pays. L’objectif étant le Maghreb, il s’agit de le créer, mais pas avant de savoir où va l’Algérie. Une question que d’autres ont déjà posée avant !
Noureddine Azzouz