Retraite pour le général major Mohamed Touati
RETRAITE POUR LE GENERAL MAJOR MOHAMED TOUATI
Le «cerveau» s’efface
Le Quotidien d’Oran, 7 août 2005
«El-Mokh» s’en va. Le général major Mohamed Touati, considéré comme une des éminences grises de l’armée algérienne, a quitté officiellement toutes ses fonctions au sein de la présidence et de l’ANP. Son départ marque la fin d’une époque au sein de l’armée algérienne.
Le général major Touati a ainsi pris sa retraite à sa demande de toutes les fonctions qu’il occupait, dont celles de conseiller à la sécurité à la présidence de la République et de conseiller à l’état-major de l’ANP. A bientôt 68 ans, celui que les observateurs qualifient de «cerveau» de l’ANP durant les années de feu, se retire dans la discrétion.
Pourtant, même si le rôle du général Touati n’est pas très connu pour l’opinion publique, son activité et ses contributions ont fait de lui le «politique» de l’armée algérienne. Apparu au grand jour lors de l’installation de la commission du dialogue nationale en 1984, en compagnie de Mohamed Bensalah, le général major Touati a été l’un des artisans de l’idée de l’arrêt du processus électoral qui empêcha le FIS d’accéder au pouvoir et à la République de sombrer dans l’islamisme. Sa faculté d’analyse et ses projections politiques ont souvent servi l’armée dans ses prises de décisions stratégiques, notamment à l’époque où le MDN avait à assumer la sauvegarde de l’Etat. Entre 1990 et 1999, les cercles politiques voient sa main partout.
Dans l’encouragement des partis démocratiques tels que le RCD, dans la création du CNSA, dans la venue de Mohamed Boudiaf ou Liamine Zeroual, le général major Touati a été le véritable architecte de la stratégie des militaires algériens.
Pourtant, rien ne prédisposait ce gendarme de carrière à incarner la tête pensante de l’armée. Jeune capitaine, il se fait remarquer en tant que juge d’instruction auprès du tribunal militaire d’Oran dans le jugement des putschistes de 1967 de Tahar Zbiri. Ancien moudjahid, faisant partie de l’ALN en 1960, ce natif d’Azzefoun a intégré le corps de la Gendarmerie nationale en 1963 en pleine crise de la Kabylie avec le FFS.
Son détour par la justice militaire allait lui ouvrir les portes de l’armée de terre, corps qu’il ne quittera pas jusqu’à son départ en retraite. En 1982, il devient chef d’état-major de la Gendarmerie nationale, poste qu’il quittera pour revenir aux forces terrestres en 1984. Après un passage en tant que directeur de la santé militaire en 1987, il intègre définitivement l’état-major de l’ANP, dans le staff de Khaled Nezzar, en 1989, en tant que chef du département emploi et réparation.
Mais c’est son parcours «politique» qui fit de Touati un personnage incontournable dans la hiérarchie militaire, sur lequel se sont appuyés tous les chefs d’état-major de Guenaïzia à Nezzar en passant par Zeroual et Mohamed Lamari. Tel un joueur d’échecs, celui qu’on surnomme «El-Mokh» avait travaillé sans relâche sur les scénarios politiques, éliminant l’option de cohabitation avec les islamistes et en prônant un retour de l’armée au premier plan politique pour gérer la déliquescence de l’Etat à la fin de règne de Chadli Bendjedid.
Personnage affable et plein d’humour, il a également incarné le visage de l’armée à l’extérieur du fait de sa participation à toutes les concertations et rencontres internationales au début de l’ouverture de l’armée vers l’étranger. Connu à Bruxelles, au siège de l’OTAN, il est apprécié par les partenaires étrangers pour avoir expliqué dans les colloques et séminaires internationaux, le sens de la lutte antiterroriste que mène l’armée algérienne contre les mouvements terroristes, ce qui a fini par le cataloguer comme un éradicateur pur jus. Après l’élaboration de la plate-forme de 1998 où il y prône un retour vers une transition politique de 18 mois et un verrouillage partisan autour de la résurgence programmée du FLN, signant l’échec du processus démocratique des années 90, le général major Touati a été appelé par le président Bouteflika à occuper le poste de conseiller à la sécurité. Un rôle qu’il assuma assez bien, surtout dans la période où l’on prêtait à l’état-major de l’ANP et à la présidence, un conflit d’autorité. Avec son départ, l’ANP abandonne définitivement le rôle politique qui lui incombait.
Mounir B.