Octobre 1988 en Algérie: le tournant
Octobre 1988 en Algérie
L’analyse de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire
Extrait de : Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire , Françalgérie, crimes et mensonges d’États, La Découverte, Paris, 2004 (édition de poche : La Découverte, Paris, 2006).
Chapitre 5 : Octobre 1988, le tournant
La jeunesse algéroise hachée à la mitrailleuse lourde
Le mercredi 5 octobre, vers dix heures du matin, Alger explose avec une violence inouïe. « Des écoliers d’une douzaine d’années, certains en blousons et gants noirs, ont dévalé les rues par petits groupes de dix (1) », raconte Corinne Bensimon dans Libération . Frédéric Fritscher, le correspondant du Monde , en rend compte en ces termes : « Plusieurs centaines de jeunes, dont certains de dix ans, envahissent les artères du centre-ville vers 11 heures. Très rapidement, ces vagues extrêmement fluides déferlaient rue Didouche-Mourad, cassant tout sur leur passage. [.] Les forces de l’ordre, qui apparemment avaient reçu des instructions pour ne pas intervenir sur-le-champ, ont pris position vers 13 heures. [.]
« Comme une nuée de criquets, ces milliers de jeunes, pour la plupart des écoliers et des lycéens, mais aussi de nombreux désouvrés, exclus du système éducatif et apprentis-chômeurs, se sont abattus sur la ville, choisissant souvent avec soin les objectifs, et plus particulièrement ceux qui représentent l’État, le parti ou l’opulence. [.] Hurlant des cris hostiles au chef de l’État, ils sont une cinquantaine serrés dans la benne d’un camion, volé sur un chantier, pour aller prendre Ryadh-El-Feth, encerclé par plusieurs cordons de CNS. Deux hélicoptères de l’armée, apparemment munis de bombes anti-émeutes, [le] survolent à basse altitude (2). » Les forces de police se contentent de protéger les édifices stratégiques : télévision d’État (RTA), présidence, ministère de la Défense nationale, agence centrale d’Air Algérie. Partout ailleurs, la ville est livrée à la furie destructrice.
Le jeudi 6 octobre en début d’après-midi, un communiqué de la présidence fait savoir que l’état de siège est décrété en raison « des développements graves que connaît l’Algérois et en exécution des dispositions de l’article 119 de la Constitution. [.] Toutes les autorités civiles, administratives et de sécurité sont immédiatement placées sous commandement militaire ».
Théâtre depuis deux jours de ravages indescriptibles, Alger connaît dès le vendredi matin un retour au calme. La population qui découvre sa ville défigurée prête main-forte aux agents du nettoyage. Selon Le Monde , « les seuls attroupements visibles se font devant les rares boulangeries ouvertes, qui sont prises d’assaut par les Algérois encore sous le choc ». El-Moudjahid confirme que la ville commence à « panser ses blessures » et annonce un « retour au calme progressif à Alger ».
On pense alors l’orage passé. Mais la prière du vendredi donne lieu à des rassemblements d’une autre nature. La mosquée de Belcourt est notamment le point de départ d’une grande marche pacifique. Si cette première manifestation des islamistes se déroule dans l’ordre, il en va autrement les jours suivants, où une violente répression s’abat sur la population. L’émeute se propage alors à Oran, Mostaganem, Tiaret, Annaba ; partout, « l’armée a répondu au harcèlement des manifestants par la mitrailleuse », rapporte Gilles Millet dans Libération (3). « La répression a été terrible, renchérit Frédéric Fritscher, du Monde . Après une journée d’émeutes, l’appel à l’armée a été fatal. Sans état d’âme, les soldats, dont beaucoup venaient de la région militaire de Béchar (4), ont obéi aux ordres. Ils ont tiré sauvagement sur d’autres Algériens, au pistolet, au fusil à pompe, au fusil à lunette, au pistolet-mitrailleur, au fusil-mitrailleur, à la mitraillette lourde de 23 mm montée sur char. [.] Alger et sa banlieue ont versé le plus lourd tribut : plus de deux cent cinquante morts, dont une centaine dans la seule journée du 8 octobre et la nuit qui a suivi (5). »
C’est dans cette atmosphère d’effroi que le quotidien officiel El-Moudjahid annonce le 10 octobre que « le président Chadli Bendjedid s’adressera ce soir à la nation ». Mais, loin de susciter l’expectative, cette annonce semble encourager la mobilisation des islamistes. Quelques heures avant le discours présidentiel, un grand rassemblement se forme devant la mosquée de Belcourt, à l’initiative de l’imam de la mosquée de Bab-el-Oued, un certain Ali Benhadj. Pour éviter de subir les pertes des jours précédents, les chefs religieux intiment aux manifestants – dont la plupart sont simplement venus protester contre le refus des autorités de leur restituer les corps de leurs proches – de rentrer chez eux (6). Le rassemblement commence à se disloquer en direction de Bab-el-Oued.
Le journaliste du Monde qui couvre la fin de la marche témoigne : « Les militaires en faction se retiraient sous les applaudissements des manifestants qui, un peu plus loin, faisaient le signe de la victoire aux fonctionnaires de la wilaya d’Alger, tandis qu’un hélicoptère soviétique MI-8 tournoyait au-dessus du cortège pacifique. Les manifestants, dont quelques femmes, s’engageaient place des Martyrs et se disposaient à emprunter la rue de Bab-el-Oued pour pénétrer dans le quartier populaire. Ils butaient alors sur le dispositif de la DGSN [Direction générale de la Sûreté nationale] après avoir longé les cinq chars et le cordon de sécurité de la Direction du Trésor. [.] Un face à face s’engageait qui allait durer : d’un côté des chars, des gendarmes, des soldats et des commandos de parachutistes armés de kalachnikov. À plat ventre au milieu de la chaussée, un para avait l’oil rivé sur la hausse de son fusil-mitrailleur RPK. Les frères musulmans des premiers rangs agitaient le bras en criant allahou akbar , un gendarme tirait alors une rafale de sommation en l’air et la foule commença à essaimer dans toutes les ruelles de la basse Casbah. Mais le para au fusil-mitrailleur choisit ce moment pour ajuster sa première rafale de balles meurtrières : il tenait en enfilade toute la rue Bab-el-Oued. Des corps tombaient à droite, à gauche (7). » Les ambulances et les pompiers sont arrivés « très vite » note Gillet Millet dans Libération . « On embarque les corps. On fait place nette. » Pourtant, s’indignent les jeunes, « c’était fini, on rentrait tranquillement chez nous à Bab-el-Oued, on n’avait rien cassé, on n’a même pas crié. Ils nous ont tirés comme des chiens, sans raison (8) ».
Du coup, plusieurs reporters se demandent si la répression de Bab-el-Oued n’a pas été « froidement préméditée (9) ». « Les parents n’oublieront jamais que les militaires ont utilisé des armes réservées à la guerre pour tuer leurs enfants, sans avoir essayé préalablement l’efficacité d’une panoplie anti-émeutes pourtant complète en Algérie », note également le correspondant du Monde , qui ajoute : « Les canons à eau ont été utilisés contre les ouvriers de Rouïba. Les mitraillettes de 23 mm montées sur chars ont déchiqueté les enfants d’Alger (10). »
Le discours historique du président Chadli
Au soir du 10 octobre, à 20 heures, le président Chadli prend la parole sur l’unique chaîne de télévision du pays. Il justifie l’état de siège, affirme ne pas comprendre que les manifestants aient saccagé des lycées et des centres de santé, rappelle qu’il n’a pas voulu de ce poste en 1979, invite à ne pas croire ceux qui tenteront de « dénaturer » son intervention en la « prenant pour le début d’une campagne électorale pour un troisième mandat » et exhorte le citoyen à le soutenir « en cette étape difficile », pour la « patrie, pour la Révolution et pour le peuple ». En échange, il s’engage à « contrecarrer la hausse des prix des produits de consommation et [à] assurer leur disponibilité » et assure que « des mesures ont été prises dans tous les domaines au profit des [.] revenus bas [et] de la jeunesse ».
Si de telles promesses sont classiques, la population a la surprise de découvrir que cette fois, elles seront tenues : dès le lendemain du discours présidentiel, les Algérois découvrent des étals remplis à ras bord : « Beurre, fromage, semoule, lentilles, café, sucre et riz », tous produits introuvables auparavant, à profusion et à des prix abordables (11). Fait encore plus rarissime, l’eau coule sans discontinuer des robinets. « À l’aube du mercredi 12, à Belcourt, au Champ de manouvres et dans bien d’autres quartiers, militaires, gendarmes et blindés ont disparu comme par enchantement (12). »
Mais ce qui a particulièrement marqué les Algériens dans le discours présidentiel, c’est une petite phrase selon laquelle « on ne peut procéder à des réformes économiques, agricoles, éducatives et administratives sans aborder les réformes politiques, [qui] seront soumises prochainement ». Ces réformes, poursuit Chadli comme pour couper l’herbe sous les pieds de ses détracteurs, « doivent s’opérer dans un climat de calme et de sérénité. [.] Toute autre manière serait sans aucun doute rejetée par les citoyens sincères. »
Deux heures à peine après le discours présidentiel, les journalistes étrangers, jusque-là empêchés de travailler (13), sont sollicités à leur hôtel : « Descendez dans le hall, un minibus va vous emmener suivre les manifestations de soutien au président Chadli. » Le guide officiel leur fait traverser des barrages, fait faire au bus le tour de la ville dans tous les sens. Rien. Une petite virée dans Bab-el-Oued se solde même par une pluie d’objets de tous ordres lancés des balcons. Fuite en catastrophe. « Où sont les manifestants ? », interrogent les journalistes. « Je ne sais pas, on les attend, ils sont en retard », répond le guide. Puis, « tout à coup, un début de manifestation de soutien : trois Golf Volkswagen portant des plaques d’immatriculation militaires klaxonnent à qui mieux mieux en tournant autour de nous », raconte Gillet Millet (14). Le fiasco.
Le lendemain, les autorités tentent de nouveau de mobiliser des militants du FLN en faveur de Chadli. Convoqué à 10 heures au stade de Ben-Aknoun, un rassemblement de soutien au président est finalement annulé, faute de monde. El-Moudjahid , fidèle à sa tradition de langue de bois, n’en affirmera pas moins que le discours de Chadli a suscité un « soutien massif [et un] élan spontané d’adhésion au contenu du message du chef de l’État (15) ».
Élan de soutien ou pas, il faut bien admettre que c’est l’Eldorado, impensable cinq jours plus tôt, quand la population se serait enthousiasmée que l’eau coule aux robinets ne serait-ce que deux heures par jour. Une population stupéfaite de se voir gratifier de tout, même d’une ouverture politique servie sur un plateau, sans avoir eu le temps d’élaborer la plus petite revendication.
Comment expliquer cette blitzkrieg victorieuse, menée par des gamins et des laissés-pour-compte, dans un pays où l’immobilisme est la norme ? Il est assurément fort étrange que quelques jours de manifestations, assimilées par un officiel algérien en France, Mohamed Ali Amar (16), à un « chahut de gamins [.] sans conséquence », parviennent, du jour au lendemain, à faire basculer le régime militaire algérien vers la démocratie. Si étrange en fait que la thèse de la manipulation est évoquée par tous alors que les fumigènes ne sont pas encore dissipés.
Bien sûr, on l’aura compris, tout cela est planifié, rigoureusement exécuté par des équipes qui agissent depuis la présidence, avec comme chef d’orchestre Larbi Belkheir. Mais, au moment des faits, les Algériens sont dans la stupéfaction totale, sonnés par la vague meurtrière qui a déferlé sur eux. Au-delà du nombre incroyable de victimes, ce sont surtout les méthodes employées par les forces de l’ordre qui soulèvent l’indignation. Les témoignages affluent bientôt auprès des divers comités autonomes qui se forment, faisant état d’innombrables cas de torture, de disparitions, de morts par balles explosives, de liquidations sommaires. Le Comité national contre la torture, formé dans la foulée de ces événements, publiera l’année suivante un exceptionnel recueil de témoignages (17), dont on ne peut ici que citer quelques extraits.
L’usage systématique de la torture
Depuis le début des émeutes, les forces de l’ordre se sont livrées à une curieuse occupation. Par milliers, de simples passants sont arrêtés, sans motif. D’autres sont appréhendés chez eux, parfois en pleine nuit, dans des conditions rocambolesques. Il y a des berbérophones et des arabophones, des adolescents de quatorze ans et des vieillards de plus de soixante-dix ans, des cadres d’entreprises, des ingénieurs, des enseignants, des travailleurs du secteur médical, des employés de sociétés nationales, des coiffeurs, des peintres, des pêcheurs, des épiciers, des étudiants, des commerçants, des bouchers, des chômeurs, des mécaniciens, des ouvriers. Du tout-venant. Même des cris de femmes et d’enfants sont entendus durant les interminables nuits endurées par les suppliciés. Car l’usage de la torture par les forces de sécurité est massif, systématique.
Mohamed N., commerçant, père de trois enfants, interpellé par deux gendarmes dans son magasin, raconte : « À l’intérieur des locaux de la brigade, j’ai été sauvagement torturé. Ils m’ont mis un chiffon dans la bouche et forcé à mettre la tête dans la cuvette des WC qui était pleine de merde. Ils m’ont fait asseoir sur une chaise et m’ont obligé à manger. » Hamid M., vingt-cinq ans, épicier, relate ses supplices qui ont duré plus d’une semaine : « Ils m’ont sodomisé à l’aide d’une bouteille et ont introduit dans mon anus tout ensanglanté de la harissa . Ils m’ont fait manger 500 grammes de harissa ; ils m’ont suspendu avec des chaînes et m’ont donné des coups de pieds et de manches de pioche ; ils m’ont déplacé la mâchoire. [.] Je n’arrive pas à décrire tous les sévices que j’ai subis. » Comment en effet traduire avec des mots un insoutenable calvaire, vécu intimement comme pire qu’une injustice, une méprise ? Car il se croit innocent, Hamid M. Mais innocent de quoi ? Il ignore que ce dont on l’accuse est inconcevable : de se prétendre être humain !
Dès leur arrestation, les raflés sont délestés de tous leurs biens, argent, montres, bijoux, et soumis par les agents du commissariat local à des bastonnades en règle. Après ce premier passage à tabac, on leur propose généralement un marché : être libéré et travailler pour le compte des services, ou dénoncer dix à quarante personnes ayant participé aux émeutes. Ignorant ce qui les attend, la plupart refusent de céder au chantage. Ils sont alors transférés dans les commissariats de Chéraga, Cherchell, Boufarik ou Blida. Pendant le trajet, dira l’un d’eux, « l’agent Griche Mohamed a pris son casse-tête et me l’a enfoncé dans l’anus en me déchirant le pantalon, et il a fait le mouvement de va et vient à plusieurs reprises ».
Parvenus à destination, ils découvrent le degré supérieur de la torture : coup du « tiroir » que l’on ferme brutalement sur les testicules, noyade dans des baignoires, électricité sur les organes génitaux, les oreilles, les seins (cette méthode de torture, la « gégène », était déjà massivement utilisée par les Français entre 1954 et 1962), serpillière imbibée de grésil, d’urine et de matière fécale en guise de bâillon, coups de fouet, brûlures du sexe au briquet avec interdiction de réagir à la douleur sous peine d’être fouetté au moyen d’un câble électrique, coups de matraque sur les mains placées sur la tête, balafres à coups de baïonnette, échelle sur laquelle on attache le supplicié, puis qu’on bascule tête en avant vers le sol,. Autant de techniques opérées à répétition pour forcer les suppliciés à. rien du tout, une fin en soi.
Physiquement démolis, déboussolés, les suppliciés sont de nouveau déplacés dans un véhicule, allongés et serrés au sol, avec interdiction de lever la tête, piétinés par des paras en rangers, recevant sans interruption des coups de matraque et de crosse. Nombre d’entre eux sont alors dirigés vers un centre de colonie de vacances à Sidi-Fredj, à quelques kilomètres à l’ouest d’Alger. Est-ce la fin du martyre ? Que leur reproche-t-on au juste ?
Arrivés au centre, ils sont déshabillés à l’entrée et forcés à ramper sur un sol jonché de gravier et de tessons de bouteille pendant 200 à 500 mètres. De part et d’autre, deux haies de paras et de civils déchaînés, qui assènent avec rage des coups de matraque, de tuyau, de câbles électriques, de rangers, de crosses, de baïonnettes, de manches de pioche, tandis que d’autres renversent sur eux des seaux d’eau glacée et souillée.
À l’issue de cette sauvagerie, on leur intime d’enfiler à la hâte des habits qui ne sont pas les leurs. Ils sont ensuite parqués pendant plusieurs jours, à quelque cinq cents personnes dans une cave au plafond bas (1,50 mètre), sanctionnés d’une salve de coups pour toute manifestation – « Pour faire ses besoins, il fallait être tabassé. » Après quatre jours de supplice sans boire, un para arrive avec un seau crasseux rempli d’eau dans laquelle il se lave les mains et les bottes, avant de le tendre aux assoiffés. Pour toute nourriture, ce sont quelques morceaux de pain qu’on jette sur les corps souillés, pour les humilier plus que pour les alimenter. Entassés les uns sur les autres dans le froid, sur un sol tapissé d’un mélange d’urine et d’excréments qui s’échappent d’une conduite d’égout cassée, ils sont appelés à tour de rôle pour être soumis à l’abomination.
Avec sa baïonnette, le lieutenant Guezati « scalpait les jeunes qui avaient les cheveux longs. [.] Les officiers de la DGPS torturaient dans deux salles : la salle du supplice de la baignoire et du chiffon et la salle de sodomisation », raconte un homme. Un autre est reçu dans un bureau avec un violent coup de menottes, soumis à la gégène pendant qu’il est aspergé d’eau, puis mis contre le mur et frappé violemment d’une barre de fer plate, de coups de pieds. Un autre encore est matraqué par trois équipes de quatre policiers en civil, qui se relaient sans interruption, au moyen de manches de pioche et de planches en bois. Puis ils lui menottent les pieds et les mains pour l’empêcher de se protéger et reprennent leur ouvre méthodique. Ils le suspendent ensuite au plafond, avec une barre de fer passée sous ses genoux fléchis, lui bouchent le nez et lui font ingurgiter un mélange d’eau et de grésil par une bouteille enfoncée dans la gorge. Puis ils le suspendent par les pieds au moyen d’un câble électrique et le rouent de coups de pieds, de planche et de poings au visage.
Ramenés dans la cave, ne pouvant même plus s’asseoir, tant leur corps est meurtri, ils sont laissés dans l’immondice, le froid, la faim et toujours l’insoutenable incompréhension.
Puis c’est le retour aux centres de regroupement de Chéraga, Staouéli, Cherchell ou Tipaza, où, après deux à trois jours de géhenne et ayant vu revenir leurs camarades d’infortune dans un état pitoyable, on les présente à tour de rôle à un officier en civil qui leur intime de signer, avec interdiction de le lire, un procès-verbal de huit feuillets.
Les malheureux s’exécutent souvent sans demander leur reste. Ils apprendront plus tard que cette liasse recueillait l’aveu de leur « culpabilité » et atteste qu’ils ont été « bien traités » durant leur détention. Pour avoir esquissé un geste pour lire le papier, un détenu est « pratiquement battu à mort par un parachutiste ». Un autre est contraint à des relations sexuelles avec l’un de ses compagnons d’infortune : « On a obligé [X, un autre détenu] à me frapper, il m’a frappé et je suis tombé. Puis après ça on nous a obligés à faire des actes contre nature, moi et [X]. Après intervention d’un policier, cela s’est arrêté. »
Un autre relate cet épisode : « Ils m’ont demandé de dire que c’est B. qui a brûlé le Monoprix. Sous la douleur, j’ai dit que c’était lui. Comme il niait, ils ont commencé à le tabasser en lui demandant d’avouer. Alors il a avoué [.]. Ils lui ont demandé de signer huit feuilles. Alors ils m’ont demandé de frapper B. vu qu’il avait brûlé les biens de l’État. Comme je n’avais qu’à obéir, j’ai frappé B., mais doucement. Voyant cela, l’un des civils m’a dit que ce n’est pas comme cela qu’on frappait et il m’a montré en me frappant dessus. Le coup était tellement fort que je suis tombé. Il m’a relevé et m’a donné encore un coup de bâton. Ils m’ont demandé d’enfoncer mon doigt dans le derrière de B., alors je l’ai fait. Ils ont demandé à B. de faire la même chose envers moi. Ensuite ils nous ont demandé de nous baiser à tour de rôle (moi et B.). Nous l’avons fait de peur. Puis ils m’ont demandé de sucer le sexe de B. et qu’il me fasse la même chose lui aussi. »
Les victimes sont ensuite présentées, après leur avoir permis de se laver, de se raser et de s’habiller convenablement, devant le procureur de la République. Là, croyant leur cauchemar terminé et persuadés de se retrouver en terrain de droit, certains croient pouvoir dénoncer le traitement qu’on leur a infligé.
Ils découvrent un homme insensible, qui refuse, dit l’un deux, « de prendre en considération nos blessures [et] les tortures que nous avons subies ». Parfois, le représentant de la justice va même à l’encontre de l’avis d’un médecin qui prescrit une hospitalisation d’urgence, comme pour cet asthmatique profond, souffrant d’un traumatisme crânien, d’une surdité totale d’une oreille et partielle de l’autre, de maux pulmonaires, rénaux, du larynx et des mollets, et portant des blessures sur tout le corps. Il préférera l’envoyer à la prison d’El-Harrach, où il restera huit jours sans couverture ni matelas. À un autre, qui se présente avec un début de gangrène à la jambe, consécutive à quatre jours de « traitement » par neuf tortionnaires, le procureur dira qu’il sera soigné à l’infirmerie de la prison d’El-Harrach, où il passera dix-huit jours.
Incarcérés à El-Harrach, où les gardiens de prison les « frappaient de temps en temps », la plupart des détenus sont remis en liberté provisoire début novembre, lorsque le président Chadli ordonnera leur libération. La plupart, car quelques-uns inaugurent les listes des « disparus », qui s’allongeront jusqu’à la nausée quelques années plus tard.
Épidémie d’ hypocrisie et de mensonge
Le 18 octobre, minimisant l’étendue de la répression et alors que la torture se déchaîne, le ministre de la Justice, Mohamed Chérif Kherroubi, déclare que « 3 743 personnes ont été présentées devant des juridictions ». Il affirme en outre que « l’armée, à ce jour, ne détient rigoureusement aucune personne (18) ». Tout démontre pourtant que les arrestations se poursuivent. Ce jour-là, Le Monde rapporte en effet le cas de ces « hommes des services algériens se présentant en compagnie de témoins, le visage couvert de cagoule, qui désignent sans être reconnus leurs camarades complices censés avoir participé aux émeutes. Cette méthode, connue sous le nom bouchkara , ou l’homme au sac, rappelle de tristes souvenirs aux Algérois. Le général Massu l’utilisait au moment de la bataille d’Alger ». Réagissant à ces informations, le ministre de l’Intérieur El-Hadi Khédiri affirmera que « la police n’utilise pas le procédé colonial des cagoules et qu’il a ordonné de tirer sans hésitation sur tous ceux qui [le] pratiquent (19) ». Après la brutalité, le cynisme.
Ces mises en cause, tout comme les questionnements formulés par les médias français sur la forte probabilité d’une manipulation des émeutes (20), suscitent une très violente réaction de la presse officielle. Dès le 12 octobre, avec son style inimitable, El-Moudjahid les met vertement en cause : il dresse le « constat d’une malveillance qui constitue l’expression d’un mépris flagrant de la déontologie et d’une volonté de détruire, [.] preuve que certaines haines défient le cours de l’histoire ». Dans l’édition du lendemain, les journalistes français sont traités de « charognards [en proie à] une véritable hystérie, froidement calculée dans une volonté manifeste de nuire par le biais d’une immense entreprise de désinformation [dessinée] dans les bureaux de certaines officines malodorantes ».
L’amalgame est double et payant : du côté algérien, d’abord, qui semble ainsi parler d’une seule voix suintant la haine des Français ; du côté français, ensuite, qui doit apparaître comme une entité indissociable, unissant État, intérêts financiers particuliers et peuple français dans son intégralité, coupables solidairement d’avoir un jour été colonisateurs. L’offensive semble en tout cas atteindre son objectif, bloquant les critiques en Algérie et accentuant le mutisme de Paris (21) : « Nous avons un million de citoyens algériens présents sur le territoire français, déclare le Premier ministre Michel Rocard sur TF1. [.] Tout commentaire excessif pourrait les inciter à se battre entre eux [ sic ] sur notre propre territoire. [.] Nous avons la troisième colonie française à l’étranger, qui est en Algérie. Aucun mot de trop ne peut être prononcé qui les mettrait en danger dans un sens ou dans l’autre, par rapport à la population, par rapport au gouvernement. [.] Le fait que moi-même, dont la vie militante s’est déclenchée à propos de la lutte contre la guerre d’Algérie, je ne me sois pas senti en situation d’apporter un appui chaleureux au gouvernement d’Algérie est déjà un signe fort. N’en demandons pas plus (22). »
De fait, une fois encore sur le dossier algérien, considéré comme une « affaire intérieure française » par la communauté internationale, ces quelques phrases de Michel Rocard vont donner le « la » et les États démocratiques n’en demanderont pas davantage. Mieux, au lieu des condamnations attendues, ce sont les messages de compréhension et de sympathie qui affluent à la présidence algérienne en provenance de tous les continents (23).
Dix ans plus tard, en 1998, les principaux acteurs de la répression d’octobre reviendront sur la question de la torture dans un livre d’entretiens, Octobre, ils parlent (24). À l’époque chef de cabinet du président Chadli, le général Larbi Belkheir y affirme sans sourciller que c’est par le courrier que lui adresse la population que le président apprend les faits ; il en aurait été « outré ». « Il était impensable pour lui que des Algériens torturent des Algériens », poursuit-il contre toute évidence, avant de diluer les torts et les complicités en les multipliant : « Deux problèmes s’étaient posés à la présidence : celui de la torture et celui des voitures banalisées. Le président a demandé des explications, mais nous n’avons jamais eu de suite. [.] Chadli avait discuté de la torture avec la LADH [Ligue algérienne des droits de l’homme] de Brahimi. Les choses sont restées en l’état et les enquêtes n’ont pas abouti. [Les tortures] ne sont pas le fait des unités de l’armée. » À titre personnel, il ne paraît même pas se sentir concerné par les accusations.
Dans ce livre, le général Khaled Nezzar, principal responsable et organisateur de la répression (25), est également interviewé. Il affirme qu’à sa connaissance, il n’y a eu qu’un seul centre de torture. Ce qui l’inquiétait, affirme-t-il, « c’étaient les témoignages selon lesquels les responsables des sévices revêtaient des uniformes de parachutistes dans un centre à Alger [qui] était rattaché à la présidence », tout comme l’étaient les « auteurs des sévices et des brutalités ». Quant au carnage, il le déplore bien sûr, mais il était selon lui inscrit dans la fatalité des événements. Avec un parfait cynisme, il se livre dans cette interview à un incroyable exercice de négationnisme. Contredisant les centaines de témoignages recueillis par le Comité national contre la torture, il affirme : « Les militaires n’ont pas tiré dans le tas. Tirer dans le tas, vous vous rendez compte ? » Et il ose ajouter, comme si tous ceux – y compris les correspondants de la presse étrangère – qui avaient vu ses hommes tirer à la mitrailleuse lourde sur les jeunes manifestants avaient rêvé : « Beaucoup de victimes des événements d’octobre ont d’ailleurs été fauchées par des balles perdues. On a aussi tiré par terre pour disperser la foule. Les noyaux et les enveloppes de balles, en ricochant, ont mortellement atteint des personnes. Nous n’avons pas tiré pour tuer et les instructions n’ont jamais été données dans ce sens (26). »
À la tête de la principale branche de la SM (alors nommée DGPS) jusqu’au moment où il est sacrifié en octobre 1988, le général Medjdoub Lakhal Ayat affirme, lui aussi contre toute évidence, que « la DGPS n’a rien à voir avec la torture ni avec le centre de Sidi-Fredj ». Quant au général Mohamed Betchine, directeur de la DCSA (Direction centrale de la sécurité de l’armée), l’autre branche de la SM, également sévèrement mis en cause, il sera le seul, douze ans après les faits, à reconnaître du bout des lèvres la responsabilité de l’un des clans du pouvoir dans la préparation des émeutes et dans la répression : « Les manifestations d’octobre 1988 et les séances de torture qui ont suivi ont été programmées à l’intérieur d’appareils. » Il déclarera qu’outre Sidi-Fredj, existait un autre centre de torture, « l’école Tamentfoust [où] 1 267 personnes ont été emprisonnées (27) ».
On a là un aperçu édifiant des méthodes des généraux algériens. Alors qu’ils partagent tous notoirement la responsabilité de la répression sauvage d’octobre 1988, ils se renvoient les uns aux autres, à demi-mots, celle des massacres et de la torture de masse : Belkheir, qui était à la présidence, met en cause la Sécurité militaire (DGPS et DCSA), Nezzar incrimine la présidence, le patron de la DGPS accuse celui de la DCSA, et réciproquement. Cette méthode éprouvée – que l’on pourrait appeler l’organisation de la confusion, nous aurons l’occasion d’y revenir – leur permet de « noyer le poisson » et d’occulter le fait qu’ils sont en vérité tous solidaires dans le recours aux pires exactions.
Cette conclusion nous sera confirmée en 2002 par un officier dissident, le capitaine Hacine Ouguenoune (28). En octobre 1988, il travaillait au CPMI (Centre principal militaire d’investigation, dépendant de la DCSA) de Ben-Aknoun, dans la banlieue d’Alger. Selon lui, il s’agissait du principal centre de torture et c’est de là qu’était pilotée toute l’opération (29). C’est l’exiguïté des lieux, explique-t-il, qui a amené la DCSA du général Mohamed Betchine à réquisitionner le centre de colonies de vacances de Sidi-Fredj, pour le métamorphoser en laboratoire de l’immonde.
En tout état de cause, la terrible répression des émeutes d’octobre 1988 dénote, de la part de la poignée de généraux qui viennent de franchir un pas décisif vers le pouvoir total, un absolu mépris de la vie humaine, une complète indifférence à la pratique routinière de la barbarie. Il ne s’agit pas hélas d’un accident de l’histoire. Ces généraux ne font que reproduire, sans complexe, les méthodes que leur ont léguées leurs aînés de l’époque coloniale, qu’ils ont eux-mêmes expérimentées durant la deuxième guerre d’Algérie (et qu’ils porteront à incandescence, on le verra, au cours de la troisième guerre d’Algérie, à partir de 1992). Reste à comprendre comment cette équipe, dont la méthode porte la signature de Larbi Belkheir, s’y est prise pour conduire cette formidable machination.
Le complot d’Octobre
Dès la fin 1987, et surtout à partir de l’été 1988, les signes que le congrès du FLN prévu pour décembre n’aura pas lieu se multiplient : en juillet, Chadli Bendjedid suspend les travaux de la commission chargée de le préparer, qui est présidée par Mohammed Chérif Messaâdia, secondé de Mouloud Hamrouche et d’Abdelhamid Brahimi. Dans la rue, une rumeur persistante annonce une grève générale pour le 5 octobre – ce que confirmera plus tard le propre chef de la SM, Medjdoub Lakhal Ayat, en prétendant qu’il se serait agité en vain pour la prévenir (30).
Le 19 septembre, un discours présidentiel provoque la stupeur des Algériens : Chadli Bendjedid accuse FLN et gouvernement de l’avoir « empêché de travailler » et d’avoir « entravé sa démarche », il fustige les « fainéants », raille les « applaudisseurs » professionnels, brocarde les « incapables », met à l’index les « spéculateurs [qui] accumulent des richesses colossales en un temps limité », dénonce les « incompétents », met en garde les « irresponsables », soit vaille que vaille tout ce que le FLN a drainé comme personnel au fil de son inexorable décrépitude. « Ceux qui ne peuvent plus assumer leurs responsabilités doivent se démettre », conclut-il (31). En somme, il tient le discours d’un parfait opposant, comme pour se démarquer du bilan d’un FLN n’ayant plus que quelques semaines de prééminence devant lui.
Dans un pays où, comme le soulignera le sociologue Lahouari Addi, « la révolte est dans l’air » en permanence (32) et où le régime mobilise des moyens considérables pour l’empêcher d’éclater, les propos présidentiels ne peuvent être perçus par la population que comme une incitation à la révolte. Il suffira dès lors de retirer au moment opportun les dispositifs répressifs et le tour sera joué.
Soigneusement tenu à l’écart de ces préparatifs, le Premier ministre Abdelhamid Brahimi expliquera plus tard comment la montée de la tension a été encouragée : « Pendant plus de trois mois, entre juillet et le 5 octobre 1988, des pénuries de produits alimentaires essentiels tels que la semoule, l’huile de table, le lait, etc., apparues dans quelques-unes des wilayate d’abord, se répandent ensuite rapidement dans tout le pays au fil des semaines (33). » Parallèlement, Larbi Belkheir instrumentalise les syndicats, noyautés par le PAGS, qui déclenche de nombreux conflits sociaux. Dans ce contexte explosif, le pouvoir prend une mesure qui va être perçue comme une provocation : la suppression d’une prime annuelle pour les salariés de l’industrie. Le syndicat unique lié au FLN, l’UGTA, incite alors les travailleurs, dont le pouvoir d’achat est gravement atteint, à protester, ce qui accrédite l’idée que le FLN est à l’origine du mot d’ordre de grève et donc de ses répercussions.
Dans la banlieue d’Alger, la zone industrielle située entre Rouïba et Reghaïa est paralysée. Un imposant dispositif anti-émeutes est mis en place, pour empêcher les manifestants de se rendre à Alger. Parfaitement organisées, les forces de police gèrent les affrontements avec des canons à eau et des chiens. Aucun coup de feu n’est tiré. Mais rien n’est négligé pour maintenir la pression : le 29 septembre, les banques sont ainsi avisées par télex de la suppression de l’allocation dite « touristique », versée en devises aux rares Algériens encore capables de voyager à l’étranger (34). Le 1 er octobre, une rumeur commence à se propager dans Alger : tout le monde va sortir dans la rue le 5 et cela va « barder » !
Le 2 octobre, en prévision des événements, les principaux dirigeants du FLN sont « réquisitionnés » et « protégés » par des commandos parachutistes. Le 4 octobre, veille du déclenchement des émeutes, des forces spéciales de l’armée bouclent le siège du parti unique : « En treillis camouflage, kalachnikov baïonnette au canon, ils veillent depuis mardi soir [la veille des émeutes], rapporte Le Monde . Des chars sont venus dans le courant de la journée prendre position au bas des escaliers conduisant à l’esplanade d’Afrique. De l’autre côté, des automitrailleuses légères interdisent l’entrée principale (35). »
Le 5 octobre, « à dix heures pile », précisera Khaled Nezzar, commencent les émeutes. Le président réunit une cellule de crise dès dix heures du matin, à laquelle participent Larbi Belkheir et El-Hadi Khédiri, les premiers planificateurs de cette tempête. Présents également, par nécessité, Abdelhamid Brahimi, Premier ministre, qui trouve ses partenaires étrangement « détendus et souriants (36) » étant donné les circonstances, et Mohamed Chérif Messaâdia, le secrétaire général du FLN, qui, lui, n’en mène pas large. « Après un échange d’informations, raconte Abdelhamid Brahimi, Chadli conclut en disant que si jamais des dépassements sont signalés, il donnera l’ordre à l’armée d’intervenir. » Le général Khaled Nezzar affirmera plus tard que c’est dès l’après-midi du 5 octobre, c’est-à-dire bien avant que la situation ne dégénère réellement, qu’on le sollicite (37).
La signature du décret d’état de siège est un moment crucial dans la planification, puisqu’elle revêt le putsch du sceau de la « légalité ». Ce sera ainsi en vertu de la loi que tous les fondements constitutionnels du pays seront violés. Car en réalité, les troupes de Khaled Nezzar n’ont pas attendu ce moment pour agir : elles sont sur les lieux bien avant, pour neutraliser, on l’a vu, les dirigeants du FLN.
Officiellement, l’état de siège est décrété le 6 octobre (en vérité, il avait été décidé dès le 5), et le couvre-feu instauré. Dès lors, la « cellule de crise » qui coordonne la suite des opérations ne comprend plus ni Brahimi, ni Messaâdia ; mais Nezzar la rejoint. Le soin de « rétablir l’ordre » est confié à un commandement militaire à la tête duquel se trouve en principe le général Abdellah Belhouchet, chef d’état-major de l’ANP. Mais Belhouchet, qui n’est pas membre du clan Belkheir, rechigne à réprimer trop sauvagement la population. C’est à son second, le général Khaled Nezzar, alors commandant des forces terrestres (et ancien de l’armée française), que Chadli – en fait Belkheir, qui manipule ce dernier – confie en pratique le soin de coordonner la répression. Le piège se referme sur Chadli, il ne reste plus qu’à faire beaucoup de morts.
« J’ai été désigné responsable du rétablissement de l’ordre, racontera Nezzar quelques années plus tard. Il y a eu des morts. J’ai affronté une situation moralement et psychologiquement difficile. Mais j’étais un militaire qui devait assumer son rôle jusqu’au bout. [.] [Le] chef d’état-major fut beaucoup plus un frein dans le déroulement de notre travail. Son action paraissait tellement suspecte que j’ai dû le tenir à l’écart (38). »
Nezzar « tient donc à l’écart » son chef direct, le général Belhouchet, pour ne pas qu’il « freine » la répression. Mais il y a peu de chance que ce dernier, fidèle parmi les fidèles de Chadli, ait eu à « freiner » quoi que ce soit. Sa mise à l’écart symbolise donc plutôt la puissance du clan français, qui, après avoir tissé discrètement sa toile au fil des années 1980, se permet désormais de court-circuiter le haut commandement militaire. Pour obtenir que des troupes montent sur Alger, Khaled Nezzar décide de contourner les chefs de régions militaires : « La centralisation du commandement a notamment permis de faire venir les troupes (39) », expliquera ingénument Nezzar, avouant implicitement que son chef lui aurait refusé ce transfert. Sous d’autres cieux, cela s’appellerait insubordination, voire haute trahison. Mais la justice appartient aux vainqueurs.
Pour réprimer les manifestants, le général Nezzar fait appel à des troupes stationnées dans le sud, comme la 12 e brigade motorisée stationnée de Djelfa, à trois cents kilomètres d’Alger : « Monte dans ton premier char, je te veux demain à l’aube à Alger », ordonne-t-il au commandant Kamel Abderrahmane. Puis il inonde la capitale de dix mille soldats, ramenés laborieusement de Béchar et de Tindouf, à plus de mille kilomètres au sud, en réquisitionnant des avions civils d’Air Algérie, qui opèrent plusieurs rotations au cours de la nuit. Si Nezzar fait appel à des troupes stationnées au Sahara, dans la 3 e région militaire, c’est parce qu’il y fut en poste de fin 1977 à 1982, et qu’il y a gardé de nombreux contacts.
Officiellement, le calme ne revient à Alger que le 11 octobre. Mais en réalité, on l’a vu, les émeutes ont cessé dès le soir du 6. Problème : le calme est revenu trop vite pour justifier l’énorme opération militaire qui s’annonce. Il paraîtrait en effet assez louche qu’un tel déploiement de moyens, dépêchés de si loin, ne soit intervenu que pour faire fuir de vulgaires pillards et quelques lycéens déchaînés. De surcroît, pour justifier la neutralisation du FLN et le maintien au pouvoir du président Chadli, celui-ci doit apparaître comme pliant sous la pression de la rue, « concédant » la démocratie pour préserver le pays d’un désastre. Il faut donc redonner de la consistance à une révolte qui s’est délitée un peu trop vite.
Pour y parvenir, Larbi Belkheir et ses collègues vont instrumentaliser un courant politique d’opposition qui, loin d’avoir été à l’origine des émeutes, n’avait fait que « prendre le train en marche (40) » : l’islamisme radical. Coordonnateur des services de sécurité à la présidence, le colonel Toufik Médiène, prend langue avec les leaders islamistes et leur demande d’organiser une manifestation pour ramener le calme (41). Dès lors, plus de scènes de pillage, plus d’édifices étatiques qui brûlent : la révolte sociale se mue en manifestations islamistes. Après qu’une première marche s’est déroulée sans heurts le 7 octobre, tout va basculer. Les 8 et le 9 octobre, c’est l’escalade : d’étranges provocateurs en civil sillonnent les manifestations islamistes et tirent dans la foule (42). Révoltés, les manifestants s’en prennent alors à tout ce qui symbolise l’État et plusieurs centaines d’entre eux tombent sous les rafales des mitrailleuses de l’armée. Mais cette « islamisation » de la révolte n’apparaît pas encore évidente aux yeux de la presse étrangère qui couvre les événements. Cela va changer le 10 octobre, quelques heures à peine avant le discours charnière de Chadli.
La veille, Ali Benhadj légitime dans un prêche la révolte des jeunes – l’une de leurs demandes est de pouvoir récupérer les corps de leurs proches abattus. Il les invite à manifester le lendemain à partir de la mosquée de Sidi M’hammed (Alger). Mais une cellule de crise réunie autour du cheikh Ahmed Sahnoun, l’un des leaders historiques de la mouvance islamiste, flaire la provocation. De fait, des hommes armés seront repérés parmi les manifestants, comme en attestera notamment le journaliste Abed Charef (43). Le 10, le cheikh Sahnoun se rend donc à la mosquée et enjoint les manifestants de se disperser. L’appel est entendu et les militants islamistes quittent la mosquée pour refluer vers leurs quartiers. Hélas, la ligne de démarcation est mince entre des marcheurs rentrant paisiblement chez eux et des manifestants, dans une ville surpeuplée comme l’est Alger, surtout si la plupart sont habillés de kamis blancs. Ambiguïté facile à exploiter pour qui veut tendre une embuscade meurtrière.
Sur le chemin du retour, les milliers de « manifestants » longent plusieurs édifices sensibles, comme le Commissariat central de police, le siège de l’Assemblée nationale et celui de la wilaya, sans qu’aucun incident ne soit à signaler. Mais à proximité du siège de la police, la DGSN, ils trouvent le passage barré par plusieurs cordons de la police, de l’armée, de la gendarmerie et des forces anti-émeutes et ils doivent bien malgré eux s’arrêter. Ceux qui sont derrière continuant d’affluer, cette digue provoque tout naturellement un attroupement. Les forces de sécurité tirent alors dans la foule, provoquant un véritable massacre qui fera au moins trente-quatre morts et plus de deux cents blessés.
À Bab-el-Oued, « un des marcheurs a commencé à tirer, c’est un élément de Ali Benhadj (44) », expliquera Khaled Nezzar pour justifier cette fusillade criminelle. Selon El-Hadi Khédiri, il y aurait eu « un coup de feu, mais on n’a jamais pu le prouver. On dit aussi que ce n’était qu’un pétard lancé sciemment ». Une provocation en somme, avoue-t-il à demi-mot. Aucune enquête ne sera conduite pour établir le déroulement des faits, mais force est de constater qu’ils serviront parfaitement le calcul de Khaled Nezzar, Larbi Belkheir et leurs hommes pour amener les islamistes en première ligne, justifiant a posteriori l’état de siège, condition sine qua non du succès du putsch.
La neutralisation de la Kabylie
Avant de lancer l’« opération Octobre », Larbi Belkheir a pris le soin, par diverses mesures, d’assurer ses arrières pour maîtriser autant que faire se peut, les risques de débordement liés au déchaînement, par la provocation, de la violence populaire. Mais il a sous-estimé la rage de la jeunesse : l’ampleur des manifestations du 5 octobre à Alger, à l’évidence, a dépassé ses prévisions. D’où l’importance, pour éviter l’embrasement du pays, de neutraliser la Kabylie, qui risque fort d’exploser à son tour : dès le 6 octobre, des camions équipés de hauts-parleurs sillonnent les villages kabyles pour asséner à la population qu’elle ne doit pas se sentir concernée par les émeutes d’Alger, rappelant que les populations arabophones ne s’étaient pas mobilisées pour soutenir les Kabyles en 1980.
Toujours dans l’idée de désamorcer par avance une éventuelle révolte kabyle, Belkheir prend contact avec celui qui est alors considéré comme l’un des principaux leaders de l’opposition sur le terrain, à savoir le docteur Saïd Sadi, plusieurs fois emprisonné pour son combat pour la démocratie et la culture berbère. Le 8 octobre 1988, Saïd Sadi et trois de ses compagnons informent l’avocat Abdennour Ali Yahia, qui fonda avec eux la Ligue des droits de l’homme, qu’ils se rendent à la présidence où ils ont « rendez-vous » (45). Sadi avise ensuite Ali Yahia qu’il a été reçu par Larbi Belkheir et que celui-ci lui a donné « carte blanche » pour tenter de contrôler la Kabylie. Larbi Belkheir, qui confirmera la rencontre (46), lui aurait cependant demandé d’apporter la preuve de son influence en Kabylie en y organisant une grève de deux jours.
Suite à cette manouvre, les commentaires de la presse retiendront que la Kabylie aura manifesté une timide solidarité avec les émeutiers des autres régions par deux jours de grève, sans plus. Le Monde relève que les Algérois qui sollicitent le soutien de leurs frères kabyles se font, « à leur grand étonnement, [.] poliment éconduire (47) ». La réalité est évidemment aux antipodes de cette thèse. Car passés les premiers moments de surprise, la plupart des villages de Kabylie se portent solidaires de la révolte, les émeutes se poursuivant même au-delà du 12 dans des villes comme Aïn-el-Hammam (48), Azazga, Boghni, Béjaïa, Bouira, Larbaâ, Oudhias, Tizi-Ouzou, etc. (49), alors que le reste du pays a retrouvé le calme le 11 octobre.
Mais la bonne foi des journaux étrangers n’est, à cette occasion, pas à mettre en doute. Larbi Belkheir a en effet parié sur un mélange de paresse et de contraintes matérielles auxquelles sont confrontés les envoyés spéciaux qui couvrent les événements. Le foyer des émeutes étant à Alger, pourquoi envoyer une équipe de reporters à Tizi-Ouzou, où rien n’est censé se passer ? Cette présentation tronquée de la réalité étant relayée par l’entourage de Saïd Sadi, opposant confirmé, personne ne la met en doute. Quinze ans après, la plupart des Algériens pensent toujours qu’en 1988, la Kabylie ne s’est pas mobilisée contre le régime.
À l’époque, un article du Monde avait pourtant révélé ingénument l’intoxication en donnant la parole à Noureddine Aït-Hamouda, l’un des bras droits de Saïd Sadi (soupçonné de longue date par les militants du Mouvement culturel berbère d’être proche des « services ») : « On est passé par cette étape de la violence en 1980. Il ne s’agit plus pour nous de jouer les casseurs [.]. Nous devons maintenant avoir une attitude plus responsable, devenir une force de proposition, d’autant que les intégristes musulmans avancent des projets politiques et parlent de « république islamique » (50). » Pour lui, « les réformes annoncées par le président Chadli portent en elles la liquidation de tout le système politique de 1962 à nos jours. [.] Le chef de l’État peut être soutenu par tous les Algériens qui aspirent à la démocratie ». Confirmant implicitement le deal secret passé entre Larbi Belkheir et Saïd Sadi, Aït-Hamouda concluait : « Nous avons montré que nous étions capables de mobiliser la population. »
Bref, le matraquage commence : le « péril intégriste », que les observateurs les plus avisés n’évoquent à ce stade que de façon accessoire (51), doit s’imposer dans tous les esprits. Bien sûr, ni Saïd Sadi, ni a fortiori Noureddine Aït-Hamouda – dénoncé à l’époque dans la revue du Mouvement culturel berbère, Tafsut (52) -, ne sont porte-parole de la Kabylie. Mais leurs discours visant à dramatiser la « menace intégriste » s’adressent aux Français, sur lesquels la revue Tafsut n’a aucun impact.
Le clan Belkheir rafle (presque) la mise
Le calme revenu, Larbi Belkheir et ses alliés s’empressent de parachever leur succès en éliminant leurs principaux adversaires au sommet du pouvoir. Dès la fin octobre, on y reviendra dans le chapitre suivant, la presse révèle deux limogeages spectaculaires : celui du secrétaire général du FLN, Mohammed Chérif Messaâdia, remplacé par Chadli lui-même ; et celui du chef de la branche principale de l’ex-Sécurité militaire (alors nommée, on l’a vu, « DGPS »), le général Mejdoub Lakhal Ayat. Et en novembre 1988, un remaniement de la hiérarchie militaire consacre la mise à la retraite forcée de presque tous les officiers récalcitrants de l’aile « orientaliste » : la purge frappe une dizaine de généraux, qui n’ont d’autre choix que d’accepter les réformes « dans le calme », sous peine de paraître aller à l’encontre de la volonté des « citoyens sincères » chers au président – lequel, pour reprendre l’expression de Noureddine Aït-Hamouda, « doit être soutenu par tous les Algériens qui aspirent à la démocratie (53) ».
Même si son scénario initial ne s’est pas exactement déroulé comme prévu, le clan Belkheir rafle ainsi l’essentiel de sa « mise » criminelle. Et le général Khaled Nezzar, qui avait si efficacement court-circuité son chef, le général Belhouchet, pendant la sauvage répression des émeutes, le remplace comme chef d’état-major de l’armée.
Manifestement convaincu que l’Algérie est confrontée à un grave péril intégriste, le président François Mitterrand se garde toutefois, non sans moult circonvolutions, de soutenir ouvertement les fusilleurs, mais aussi de les condamner – ce qui, en langage diplomatique, vaut soutien. Le 12 octobre, alors que plusieurs centaines de jeunes Algérois viennent d’être fauchés à la mitrailleuse lourde, il s’exprime au conseil des ministres : « Bien sûr, il n’est pas supportable qu’un pouvoir frappe ainsi son peuple. Mais nul ne sait, si Chadli partait, quel pouvoir lui succéderait. C’est comme l’Iran, le régime du Shah n’était pas supportable, mais la révolution ne l’est pas plus, même si ses objectifs sont plus sympathiques. [.] Que va-t-il se passer en Algérie, je n’en sais rien. Mais en tout cas, il y a une hypothèse à laquelle il est interdit, pour l’heure, de penser : l’établissement de la démocratie (54). » La hantise d’un intégrisme islamiste exerçant son influence néfaste sur les jeunes déshérités algériens continue bel et bien de tarauder Paris.
Le message est clair : pour barrer la route à l’islamisme, le péril suprême, il faut soutenir un système décrié, quitte à ne lui consentir qu’un soutien du bout des lèvres. Dans Le Monde du 17 octobre, Bruno Frappat écrit de façon prémonitoire : « Quand, enfin, on nous présenta ce « redoutable tribun » qu’est le jeune imam de Kouba, Ali Benhadj, on le vit dans une inquiétante pénombre, tous projecteurs éteints, comme s’il s’agissait de souligner le côté redoutable de cet agent de l’islam en marche », concluant qu’« il n’y a pas de hasard dans la communication ». Le politologue – et excellent spécialiste de l’islam politique – François Burgat écrit quant à lui que « l’Algérie louche : elle a un oil dirigé vers Paris, l’autre vers Le Caire (55) ».
Quant aux réformes, tout semble aller pour le mieux : le système de parti unique est jugé unanimement responsable de tous les déboires de l’Algérie, il sera aboli. Multipartisme, presse « indépendante », liberté d’expression, liberté d’association, liberté d’entreprendre, l’avenir s’annonce radieux. Mais le fonctionnement du réseau Belkheir, dont le patron est officiellement modeste conseiller à la présidence, toujours discret, obéissant « au garde-à-vous », est-il compatible avec l’instauration d’une véritable démocratie ? Quel avenir est promis à cette Algérie « démocratique » enfantée dans le leurre, la provocation, le carnage ?
Notes du chapitre 5
1.Corinne Bensimon , Libération , 8-9 octobre 1988.
2. Frédéric Fritscher , Le Monde , 7 octobre 1988.
3. Libération , 10 octobre 1988.
4. Cette région militaire, on l’a vu (voir supra , chapitre 1), était traditionnellement dirigée depuis 1962 par d’anciens officiers « déserteurs de l’armée française » ; le général Khaled Nezzar l’a dirigée de juillet 1979 à septembre 1982.
5. Le Monde , 12 octobre 1988.
6. Séverine Labat , Les Islamistes algériens , op. cit ., p. 52.
7. Le Monde , 12 octobre 1988.
8. Gilles Millet , Libération , 11 octobre 1988.
9. Jean-Marc Kalflèche , Le Quotidien de Paris , 11 octobre 1988.
10. Le Monde , 15 octobre 1988.
11. Libération , 11 octobre 1988.
12. Jeune Afrique , n° 1452, 2 novembre 1988.
13. Voir, dans Libération du 13 octobre, le récit hallucinant de son envoyé spécial Bruno Hadith.
14. Libération , 12 octobre 1988.
15. El-Moudjahid , 12 octobre 1988.
16. Alors responsable de l’Amicale des Algériens en Europe ( Le Monde , 11 novembre 1988).
17. Comité national contre la torture , Cahier noir d’octobre , ENAG, Alger, 1989.
18. El-Moudjahid , 18 octobre 1988.
19. Le Monde , 25 octobre 1988.
20. Ils seront rappelés dans Le Monde , le 15 octobre, par Frédéric Fritscher : « Où étaient donc les forces de police, ce mercredi [5 octobre, premier jour des émeutes] ? Elles avaient reçu des instructions précises. Même les agents de circulation avaient déserté les carrefours. Comme si tout était prévu, à défaut d’être orchestré. Qui avait donc bien pu, mardi soir [4 octobre], prévenir certains commerçants de la rue Didouche-Mourad, en leur conseillant de laisser leur rideau baissé le lendemain ? Qui étaient ces adultes à l’air sévère et décidé qui guidaient, mercredi matin, ces hordes déchaînées dans Alger, ville ouverte. Si nous avions entendu parler des uns, nous avons vu les autres ! Fallait-il donc en arriver à cette extrémité pour pouvoir en appeler aux militaires et décréter, le lendemain, l’état de siège ? Qui étaient ces civils en jeans, baskets et blousons de cuir qui, au milieu des manifestants sortaient soudain un pistolet et ouvraient le feu ? Qui étaient ces cinq hommes en civil montés sur le plateau arrière d’une 404 bâchée qui ont tiré sur la foule à Kouba ? Qui étaient encore ceux qui, à bord de voitures de sociétés nationales, lâchaient, ici et là, quelques rafales d’armes automatiques ? »
21. Serge July , Libération , 12 octobre 1988.
22. Interview de Michel Rocard sur TF1, 13 octobre 1988.
23. Libération , 10 octobre 1988.
24. Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent , Le Matin, Alger, 1998.
25. Comme l’établit notamment, de façon circonstanciée, le mémoire très détaillé rédigé en juillet 2002 par les avocats français William Bourdon et Antoine Comte en réponse au « Mémoire à M. le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris » des conseils de Khaled Nezzar, suite à la plainte pour tortures dont ce dernier a été l’objet le 25 avril 2001 (ce document de référence sur les événements de la période 1988-1998, outre qu’il bat systématiquement en brèche les allégations autojustificatives du général Nezzar sur les crimes qui lui seront reprochés, présente notamment le récit le plus précis et le mieux documenté publié à ce jour des événements d’Octobre 1988 ; il est consultable sur le site <www.algeria-watch.org>).
26. Khaled Nezzar , in Sid Ahmed Semiane (dir.), ibid. , pp. 65-93.
27. Le Matin , 5 octobre 2000.
28. Hacine Ouguenoune , entretien avec Jean-Baptiste Rivoire, Londres, mars 2002.
29. Entretien de Jean-Baptiste Rivoire avec le capitaine Ouguenoune, dit « Haroun », membre du Mouvement algérien des officiers libres (MAOL), à Londres, juillet 2002, reproduit dans l’ouvrage de Habib Souaïdia , Le Procès de « La Sale Guerre » , op. cit ., p. 491.
30. Medjdoub Lakhal Ayat , in Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent , op. cit ., p. 129.
31. El-Moudjahid , 20 septembre 1988.
32. Lahouari Addi , Le Monde , 27 juin 1991.
33. Abdelhamid Brahimi , « La responsabilité du général Khaled Nezzar dans la répression et l’inauguration d’une politique de terreur en Algérie », témoignage produit en défense pour le procès en diffamation de M. Khaled Nezzar contre M. Habib Souaïdia, 30 mars 2002.
34. Le Monde , 4 octobre 1988.
35. Le Monde , 8 octobre 1988.
36. Abdelhamid Brahimi, entretien avec les auteurs, Londres, février 2002
37. Khaled Nezzar , in Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent , op. cit ., pp. 65-93.
38. Ibid. , p. 74 et 79.
39. Khaled Nezzar , in Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent, op. cit. , pp. 65-93.
40. Larbi Belkheir , ibid. , pp. 111-126.
41. Medjdoub Lakhal Ayat, ibid ., p. 132.
42. Voir Fréderic Fritscher, Le Monde , 15 octobre 1988.
43. Abed Charef , Le Grand Dérapage , op. cit ., p. 3.
44. Khaled Nezzar , in Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent , op. cit ., pp. 65-93.
45. M e Abdennour Ali Yahia , entretien avec les auteurs, février 2002.
46. Larbi Belkheir , in Sid Ahmed Semiane (dir.), Octobre, ils parlent , op. cit ., pp. 111-126.
47. Le Monde , 15 octobre 1988.
48. Jeune Afrique , 2 novembre 1988.
49. Le Monde , 15 octobre 1988.
50. Interview de Noureddine Aït-Hamouda , Le Monde , 15 octobre 1988.
51. François Burgat , Libération , 17 octobre 1988 ; Le Point n° 842, 7 novembre 1988.
52. « Depuis quand Noureddine Aït-Hamouda fait-il partie du Mouvement culturel berbère ? Où se trouvait-il en 1980 ? Pourquoi se cache-t-il derrière ce pronom problématique : « Nous » ? [.] Nous nous élevons avec force contre ce comportement malhonnête, irresponsable, calculateur, et politiquement très grave » ( Mouvement culturel berbère , « Réponse au journal Le Monde », Tafsut , n° 12, janvier 1989).
53. Le Monde , 15 octobre 1988.
54. Cité par Hubert Védrine , Les Mondes de François Mitterrand. À l’Élysée, 1981-1995 , Fayard, Paris, 1996, pp. 681-691.
55. François Burgat , L’Islamisme au Maghreb , Karthala, Paris, 1988.