Les sociétés commerciales étrangères cadrées: 30% algérien sinon rien

Les sociétés commerciales étrangères cadrées: 30% algérien sinon rien

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 7 février 2009

Les entreprises étrangères commerciales installées en Algérie vont devoir se trouver des partenaires algériens et elles doivent le faire avant le troisième trimestre de l’année 2009.

Le ministre du Commerce El Hachemi Djaâboub a annoncé jeudi dernier qu’un texte était en cours d’élaboration imposant aux sociétés commerciales étrangères d’associer des entreprises algériennes d’importation à hauteur de 30% minimum de leur capital. Les sociétés étrangères qui importent des matières premières, des produits destinés à la revente en l’état sont concernées par ces mesures qui vont être décidées par décret. Près de 1.600 sociétés étrangères sont concernées par ce nouveau dispositif de « cadrage » largement motivé par l’augmentation de la facture des importations qui surfent allègrement sur 40 milliards de dollars. Inévitablement, ces mesures vont être interprétées comme la confirmation d’un net serrage des vis au sujet d’un investissement étranger qui n’a décidément plus la cote depuis le discours du chef de l’Etat devant les maires, le 26 juillet 2008. Ce discours avait consacré officiellement l’échec de la politique d’investissement et des privatisations menée durant les dernières années. En gros, « certains » investisseurs étrangers se voyaient reprocher d’investir peu et de transférer hors du pays des montants faramineux. L’entrée « par effraction » du groupe Lafarge était aussi un des éléments de cette critique en règle. La course aux IDE (investissements directs étrangers) quasiment élevée au rang de doctrine économique officielle battait donc de l’aile.

La «préférence nationale»

Même si le gouvernement se défend de revenir sur le choix de l’économie de marché, les mesures administratives traduisant le nouveau cours vont bien dans le sens d’un cadrage sévère. On peut y ajouter désormais une crise financière internationale dont les effets se font lourdement sentir avec l’effondrement des prix du pétrole. C’est désormais un discours de « préférence nationale » qui s’installe après des années de sollicitations, plutôt vaines, des investissements étrangers. La dernière instruction d’Ahmed Ouyahia est une traduction quasi mécanique de cette « nouvelle » option. Dans les partenariats avec les étrangers, la majorité du capital devra être détenue par la partie algérienne et cela concerne tous les secteurs d’activités y compris les hydrocarbures – où les investissements étrangers sont les plus nombreux. 49% maximum donc pour l’étranger, les 51% devant être répartis entre des investisseurs algériens. En outre, l’investissement étranger doit comprendre une clause selon laquelle le projet doit dégager une «balance en devises excédentaire au profit de l’Algérie pendant toute la durée de vie de cette réalisation». D’aucuns relèvent que si les investisseurs étrangers n’ont pas accouru quand le cadre était plus libéral, ils ne vont pas le faire alors que le cadre se durcit. Un argument qui peut bien entendu être avancé par le gouvernement : s’ils n’ont pas joué le jeu dans un cadre ouvert, il n’y a pas de raison de laisser les transferts prendre du volume. A plus forte raison quand la crise pousse des Etats libéraux à prendre des mesures protectionnistes.

Importateurs nationaux «patriotes» ?

Si le gonflement vertigineux de la facture des importations est un vrai problème, il n’est pas évident que le nouveau dispositif qui sera appliqué aux sociétés commerciales étrangères puisse avoir un quelconque effet. Dans l’approximation statistique du pays, on ne sait pas ce que représentent, en termes de pourcentage d’importations et de transferts de bénéfices, les 1.600 sociétés étrangères sur un total de 23.500 sociétés d’import. Le fait qu’on leur exige une sorte de sponsor local détenant 30% du capital va-t-il changer quelque chose ? Comme on est dans le commerce et le négoce, ces « messieurs 30% » très algériens ne vont pas rendre plus « patriotes » les sociétés commerciales. Personne d’ailleurs ne leur reprocherait, une société commerciale étant par définition animée par une quête de profit. Le cadrage des importations se justifie, mais il risque d’être sans effet sans une politique sérieuse d’incitation à la production.