Sommet de Ryad et conflit israélo-arabe: A moins d’un sursaut !

Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 15 mai 2023

Pendant que Ryad adresse des invitations aux chefs d’Etat et souverains arabes pour le Sommet de la Ligue des Etats arabes devant se tenir vendredi prochain, l’entité sioniste bombarde Ghaza, tue les Palestiniens et effectue des raids sur la Syrie.

Ce sont les ambassadeurs d’Arabie Saoudite en poste dans les Etats membres de la Ligue arabe qui ont été chargés de remettre les invitations aux présidents et souverains arabes pour assister à la 32ème session du Sommet arabe qui se teindra vendredi 19 mai prochain. Le président syrien, Bachar Al Assad l’a reçue par les mains de l’ambassadeur saoudien en poste à Amman, capitale du royaume de Jordanie. C’est dire que depuis douze ans, ses représentations diplomatiques ont été totalement exclues des pays arabes excepté de l’Algérie qui a toujours rejeté cet état de fait que les Occidentaux ont imposé aux Arabes pour esseuler Al Assad et le faire tomber facilement par ses antagonistes surgis presque du néant politique syrien. Pourtant, la Syrie n’a pas été seule face à un sort fomenté de décomposition de ses forces politiques et de son pouvoir en place. Les ingérences sur ses territoires en premier, celles d’Etats arabes, ont été d’une férocité sans pareille avec le seul objectif de faire abdiquer Al Assad pour précipiter sa chute. Il n’en a été rien à ce jour. Mais le désastre dans son pays est total. Bien qu’il soit toujours aux commandes de la Syrie, Al Assad se retrouve à la tête d’un pays fragilisé, décomposé, dangereusement divisé, une économie déstructurée, des infrastructures de base et des habitations en décombres, des castes sociales ébranlées et appauvries, le tout sur fond de milliers de morts, de blessés, de traumatisés. C’est donc cette Syrie qu’Al Assad représentera à Ryad en se rasseyant sur le siège de la Ligue des Etats arabes ayant été privée pendant de longues années alors qu’elle en a été membre fondateur.

Le retour d’une Syrie décomposée

Il faut admettre que ce retour de la Syrie, même dans un tel état de décomposition, n’arrange pas tous les Etats arabes. Certains, en tête le Qatar, se sont jurés de ne pas s’engager avec elle dans des relations diplomatiques. D’autres, comme lui, ont d’ores et déjà avancé des conditions draconiennes sur l’échiquier de cette réconciliation qui craint de voler en éclat avant même d’être consolidée. Le roi Mohamed Ben Salmen a été obligé de redoubler d’efforts pour la faire accepter par ses pairs du Conseil de coopération du Golfe (CCG) «quitte plus tard à dérouler des feuilles de route qu’ils risqueraient d’imposer à Al Assad», pensent les observateurs. Cette autre forme d’ingérence dans les affaires internes de la Syrie met à mal toute revendication exigeant de l’Occident de «laisser les Arabes gérer leurs affaires tout seuls». Les Etats-Unis ont d’ailleurs déroulé leur agenda que certains monarques du Golfe se sont déjà engagés à imposer à Al Assad. Il est vrai que les efforts de l’Algérie en faveur de cette réadmission de la Syrie au sein de la Ligue des Etats arabes n’ont pas été vains mais elle doit certainement se préparer à défendre la position d’un «siège» qui est loin d’être confortable. Alger a déjà peiné pour en faire admettre le principe et elle devra s’attendre à d’autres levées de boucliers pour faire accepter le droit de la Syrie «à la parole». La décision de Ryad d’inviter Al Assad à son conclave du 19 mai prochain a été, faut-il le rappeler, renforcée par l’accord qu’elle a paraphé avec l’Iran dont les clauses n’ont certes pas été rendues publiques mais l’obligation de résoudre la crise en Syrie y figure en évidence. Pas seulement, le conflit israélo-arabe pèse de tout son poids dans cet accord en raison des ingérences iraniennes au Moyen-Orient, en Irak, en Palestine occupée, au Yémen, au Liban, au sein des factions palestiniennes et leurs mouvements armés.

«Il faut un seul point à l’ordre du jour: le conflit israélo-arabe»

Avec ça, si tout se met en place à Ryad pour accueillir le Sommet arabe, les territoires occupés subissent les affres d’une guerre sioniste dont les architectes, comme toujours, ne reculent devant rien. C’est à peine si hier Israël a daigné faire taire les armes quelques instants pour faire mine d’accepter un cessez-le-feu que l’Egypte aurait négocié avec le Djihad islamique. Contre quoi ? «L’arrêt de l’envoi de ses missiles sur Tel-Aviv» mais dont la majorité est interceptée par ses boucliers de défense. En position de légitime défense, le Djihad islamique se fait taper le premier sur les doigts et pousse les responsables israéliens à menacer davantage les Palestiniens de représailles au cas où un seul missile est lancé en direction de leurs quartiers. Cette faible riposte d’un mouvement palestinien « armé » avec les moyens de bord, contre des bombardements sionistes de dernière génération sur Ghaza a quand même poussé plus de quatre millions d’Israéliens à se terrer dans des refuges souterrains depuis plus d’une semaine. Mais en face, dans les territoires occupés, les Palestiniens enterrent leurs nombreux morts, sortent leurs blessés de sous les décombres et attendent des aides humanitaires qui leur sont difficilement acheminées en raison de la fermeture par Israël des points frontaliers, air, mer, terre. Les travailleurs palestiniens n’ont pas encore eu d’accord pour reprendre la pêche dans les eaux de Ghaza ou vendre leurs récoltes de diverses cultures dans les régions limitrophes. C’est à se demander à quoi servirait un (autre) Sommet arabe face à ces conditions catastrophiques dans lesquelles vit le peuple palestinien depuis toujours et le retour d’une Syrie toujours amputée de son Golan fertile qu’Israël occupe au mépris de toutes les résolutions onusiennes et du droit international. A moins que «son ordre du jour reposera uniquement sur un seul point : le conflit israélo-arabe et des décisions fermes pour sa résolution», estiment des analystes.

«Le temps des slogans et des discours est révolu»

«Si le peuple palestinien veut la victoire contre l’entité sioniste, il doit prendre exemple de la révolution du peuple algérien pour son indépendance, il doit faire un choix, loin des discours et des slogans », avait déclaré le président du Haut Conseil islamique, Bouabdallah Ghoulamallah, un jeudi ramadanesque juste avant El Iftar, au siège de l’ambassade de la République islamique d’Iran qui célébrait la Journée internationale d’El Qods décrétée par Al Khomeiny pour être célébrée chaque dernier vendredi de Ramadhan. « El Qods aujourd’hui est sous état de siège, elle est encerclée par des ennemis qui n’ont pas de semblables parmi les pays colonisateurs excepté celui qui a colonisé l’Algérie », a souligné Ghoulamallah. Pour lui, «le temps des discours et des slogans est révolu, ne reste pour les Palestiniens que l’action armée». Le président du HCI n’a pas mâché ses mots pour appeler les Palestiniens à prendre les armes et combattre le colonisateur sioniste.

Au-delà des discours et des slogans prononcés en de pareilles occasions, le Sommet de Ryad, comme tous ceux qui l’ont précédé, ne votera certainement pas une résolution pour la reconstitution d’une force politique arabe pourvoyeuse de fonds et d’armes pour les causes légitimes, à l’exemple de celle incarnée par le Front du refus (djabhat essoumoud oua tassadi) que composaient l’Algérie, la Syrie, l’Iran et d’autres pays arabes. Les Occidentaux ont pris le soin de tout démanteler pour ne pas permettre une aussi belle entreprise. A moins d’un sursaut jusque-là impossible que les pays (re)connus pour leur courage et leur fierté, comme l’Algérie, oseraient faire admettre même si beaucoup qui seront assis à la même table que le président Tebboune, ont vendus leurs âmes au diable en normalisant leurs relations avec l’entité sioniste.