Débat sur le programme du gouvernement

Débat sur le programme du gouvernement

En pensant aux élections locales…

Ahmed Mesbah, Le Quotidien d’Oran, 23 juillet 2002

Le climat, qui règne à l’APN, au deuxième jour des débats sur le projet de programme du gouvernement, confirme clairement que ce document ne bénéficie guère de la meilleure des conjonctures.

Le peu d’engagement des membres du FLN eux-mêmes, couplé à un paysage politique national des plus délétères, font que le programme avait toutes les chances d’être relégué au rang du non-événement. Les esprits sont ailleurs et les débats, ce qui n’est pas une nouveauté, prennent d’ores et déjà les allures d’une campagne électorale anticipée pour les élections locales. Pendant plusieurs jours, les députés auront l’occasion, comme ils en ont pris l’habitude à chaque débat parlementaire, d’accentuer leurs réflexions sur des questions purement locales, dans l’espoir d’affirmer, d’abord, leur attachement à leur circonscription puis, pour lancer des appels du pied en perspective des nouvelles échéances électorales. Le fait que les débats soient en partie télévisés n’est pas pour rien dans l’enracinement de cette tradition chez les députés.

Cette préoccupation ressort même à travers la thématique des interventions des députés, qui versent toujours dans des sujets sensibles, comme l’emploi ou encore les questions touchant directement au niveau de vie des citoyens, comme la santé, le logement ou l’éducation.

Hormis cette ambiance à l’intérieur de l’APN, beaucoup d’autres indices contribuent à faire rater à Benflis l’opportunité de fêter dans l’euphorie sa rentrée. Car si la déclaration de politique générale et le débat sur le programme sont considérés, en théorie, comme des moments forts appelés à imprimer une direction précise à l’action du gouvernement, il n’en demeure pas moins que la configuration des responsabilités, au sommet de l’Etat, fait que l’opportunité d’un programme n’est plus perçue, ni par la classe politique, ni même par les électeurs.

Off the record, des députés du FLN n’hésitent pas d’ailleurs à se montrer sceptiques sur les chances d’aboutissement des propositions contenues dans le programme. A ce pessimisme, ils avancent deux raisons. La première réside dans le fait que le FLN ne veut plus ou ne peut plus assumer, seul, le rôle de la direction du pays, ce qui ne fait qu’ajouter au flou et à l’absence de clarté des objectifs assignés au programme. En second lieu, les députés pensent que l’appareil gouvernemental est loin d’être la seule institution habilitée à prendre des décisions stratégiques engageant l’avenir du pays.

La cacophonie du débat sur la responsabilité dans la lutte contre le terrorisme et la fronde subie par le Président, depuis quelques jours, ont fait naître chez les députés la conviction que les vrais enjeux de l’Algérie sont débattus ailleurs, donc loin des regards des représentants du peuple. Cette conviction renforce le sentiment d’impuissance chez les députés, ce qui les pousse à considérer leur action comme secondaire, voire inutile, dans l’échiquier politique national.

Leur peu d’enthousiasme remonte à une autre origine relative aux échelons inférieurs d’exécution. Les députés savent qu’ils auront beau adopter les plus belles réformes du monde, il n’en demeure pas moins, que rien ne garantira leur exécution sur le terrain, alors que la bureaucratie sera vite désignée comme bouc émissaire pour faire endosser l’échec des réformes à des bureaucrates.

Certains osent, quand même, évoquer les forces d’inertie constituées, principalement, des profiteurs éternels de la rente, que rien ne peut déplacer.

Partant de ce constat, ils sont conduits à orienter leur préoccupation sur l’approche des élections locales. Des personnalités influentes au FLN reconnaissent que, sans parvenir à remporter un grand nombre des assemblées populaires, le programme de Benflis est voué à l’échec. Comme le temps presse, la campagne est d’ores et déjà lancée.

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Le gouvernement fait face à de brûlants dossiers

Les tourments de Benflis

Par Aït-Chaâlal Mouloud, Le Jeune Indépendant, 24 juillet 2002

Le gouvernement d’Ali Benflis dont le programme est soumis depuis dimanche à l’appréciation des députés est envoyé au charbon alors que se dessinent à l’horizon les tourments auxquels il devrait faire face dans les prochains mois.

La crise de la Kabylie, les émeutes sporadiques, l’ébullition sur le front social, l’absence d’investissements générateurs de croissance, conjugués à une recrudescence alarmante du terrorisme sont autant de casse-tête qui risquent d’exacerber l’action du gouvernement et par précipiter, par conséquent, son échec. Qualifié par le Parti des travailleurs de programme allant dans le sens de la philosophie de la mondialisation, inféodé à la puissante hégémonie des multinationales, Benflis est assuré tout de même de faire passer son document comme une lettre à la poste tant il est soutenu par une majorité très confortable au Parlement. Mais cette assurance ne l’aidera pas à éviter le chaudron qui brûle sous ses pieds, à commencer par la crise de Kabylie. Benflis qui a terminé son précédent passage la tête du gouvernement avec un échec à l’issue du dialogue avec la tendance Allilouche, courtise à nouveau les éventuels candidats au dialogue. Un pari d’autant plus osé qu’il risque de s’effriter face au niet réservé à son offre par les trois coordinations inter-wilayas qui constituent la galaxie des aârchs de la Kabylie. Ceux-ci ont d’ailleurs tenu la dragée haute au gouvernement, en faisant de la satisfaction des revendications de la plate-forme d’El- Kseur, assortie d’une libération des détenus du mouvement, des préalables à tout contact avec le pouvoir central.

Sur un autre plan, Benflis est menacé par l’ébullition du front social dont les émeutes sporadiques qui ont balayé de nombreuses régions saccagées par le chômage concourent à l’exacerbation de son action. Le secrétaire général de l’UGTA a brandi la menace de faire «la révolution» si le secteur de la Fonction publique qui compte, selon ses propos, 1,3 million de pauvres n’est pas sauvé par le gouvernement de l’enlisement vers le «degré zéro». Les prochains face à-face entre la centrale syndicale et le gouvernement, très sourcilleux sur la question des hausses de salaires, promettent d’être chauds. A ce casse-tête s’ajoute le pari de Benflis de restaurer la sécurité dans le zones urbaines et rurales tel qu’il l’avait promis dan son discours de présentation de son programme. En l’absence de sécurité, les investissements pourraient être encore une fois retardés. Et ce sont les espoirs de croissance et d’absorption du chômage qui en prendront un sacré coup. En outre, deux autres dossiers, la réforme de l’école et le code de la famille, considérés comme deux bombes à retardement, vont se dresser sur le chemin du gouvernement. Deux thèmes brûlants qui risquent de faire des dégâts au sein même de son parti partagé entre modernisme et conservatisme. A-C.M