L’Algérie devant le Conseil des droit de l’homme : L’art d’éluder l’essentiel

L’Algérie devant le Conseil des droit de l’homme : L’art d’éluder l’essentiel

Alkarama for Human Rights, 17 avril 2008

Visites des rapporteurs spéciaux sur la torture, les disparitions forcées ou les exécutions sommaires : l’Algérie considère qu’il s’agit là de  » problèmes anecdotiques  » ; loi sur la réconciliation nationale: l’Algérie refuse de reconnaître que l’amnistie générale instaure l’impunité et le déni.

Après la présentation du rapport national algérien et l’exposé des recommandations par différents pays membres ou non du Conseil des droits de l’homme le 14 avril, le rapport du groupe de travail (constitué des représentants d’Uruguay, des Philippines et du Sénégal) a été approuvé en assemblée plénière le 16 avril. Il répertorie les recommandations des différents pays dont certaines ont été rejetées par l’Algérie. Durant les deux prochaines semaines, les Etats peuvent encore suggérer des modifications et le rapport final sera adopté lors de la session de juin 2008.

Les délégués de plusieurs pays ont demandé que les autorités algériennes acceptent la visite de rapporteurs spéciaux en Algérie. Le rapporteur spécial sur la torture attend cette autorisation depuis 1997. M. Medelci, ministre des Affaires étrangères, qui a présidé la délégation algérienne, a affirmé durant les débats que l’Algérie ne s’était jamais opposée à leurs visites pour traiter de  » problèmes réels  » et non pas de  » problèmes exceptionnels  » ou de  » problèmes anecdotiques « . Les autorités algériennes reconnaissent pourtant officiellement que plus de 6000 personnes ont été victimes de disparitions forcées. S’agit-il là d’un problème anecdotique ?

L’Algérie a finalement exprimé un accord de principe pour les visites des rapporteurs spéciaux sans toutefois s’engager sur un calendrier. Il en est de même à propos de la ratification de la Convention sur les disparitions forcées que l’Algérie ne rejette pas sans toutefois donner de précisions.

Une recommandation du Canada relative à la reconsidération de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été catégoriquement rejetée par les représentants algériens. Le délégué visait l’article 45 de l’Ordonnance de mise en œuvre de cette charte qui décrète clairement que  » aucune plainte de victime n’est recevable à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité « . Il s’agit donc de respecter les observations de Comité des droits de l’homme à ce sujet et de ne pas accepter que les auteurs de graves violations restent impunis.

Le représentant du gouvernement algérien, M. Idriss Jazaïri a justifié le refus d’amender le texte de la Charte par le fait que le peuple algérien y aurait souscrit par référendum. Or, ce n’est pas l’ordonnance qui a été soumise au vote mais la Charte qui est un texte politique de portée générale. De fait, le référendum portait sur la question  » pour la paix et la réconciliation nationale  » à laquelle il fallait répondre par oui ou par non. Rappelons aussi que le taux officiel de participation aurait été de 80 %, alors que même la presse algérienne proche des sphères du pouvoir estimait qu’il se situait entre 20% et 30%.

Le texte de loi instaurant l’impunité interdit également de critiquer l’Etat en matière de violations des droits humains, et prévoit une condamnation à une peine de 3 à 5 années d’emprisonnement.

Ces deux questions relatives à l’impunité pour les forces de sécurité et la criminalisation de la liberté d’expression n’ont pas été retenues sous forme d’une recommandation acceptée par l’Etat algérien. Elles figurent toutefois dans le rapport comme ayant été rejetées.

La déléguée allemande a insisté sur l’implémentation de mesures visant la protection des détenus contre la torture et de garantir qu’ils soient placés sous le contrôle de la Loi. La déléguée mexicaine a souligné quant à elle l’importance d’un échange entre le gouvernement et la société civile. Des consultations de la société civile par les gouvernements avaient été formellement conseillées dans le cadre de l’examen périodique universel. Dans le cas de l’Algérie aucune organisation de défense des droits de l’homme indépendante n’a été consultées par les autorités.

Akarama regrette que de nombreux délégués aient accordé si peu d’importance aux graves violations qui sont commises jusqu’à nos jours. Ces violations touchent aussi les droits économiques et sociaux. Tandis que le gouvernement algérien s’efforce de démontrer qu’il a consenti d’énormes efforts pour améliorer la vie des Algériens, leur situation économique et sociale s’est gravement détériorée depuis 1992. La dévalorisation du dinar, les suppressions de subventions, le gel des salaires, les licenciements de masse, etc. marginalisent de plus en plus de familles dans la misère : des maladies éradiquées ressurgissent, l’analphabétisme progresse et la malnutrition évolue en sous-alimentation.

Alkarama désapprouve le fait qu’une majorité de pays souscrive au déni de vérité et de justice tant en ce qui concerne les droits civils et politiques que les droits économiques sociaux et culturels, qui pourtant sont le gage de la paix et d’une véritable réconciliation.