La peste à Oran

Des maladies d’un autre âge refont surface / La peste à Oran

El Watan, 21 juin 2003

Dix cas (dont un décès à déplorer précédemment) ont été diagnostiqués mercredi vers 20 h au CHU d’Oran. L’alerte a été donnée immédiatement et cette terrible nouvelle a fait déplacer, le lendemain jeudi, le ministre de la Santé pour rendre officiellement publique cette information et tenter en même temps de rassurer l’opinion.

Le 4 juin, un enfant de 11 ans, originaire du douar Kehaylia (commune de Tafraoui), gravement malade, a été admis en urgence au service de pédiatrie. Il succombera le même jour, a-t-on appris jeudi à l’hôpital, sans que les médecins en fonction aient eu le temps de soupçonner quoi que ce soit. Puis, à partir du 9 juin, ce seront en tout et jusqu’à mercredi dernier huit autres malades souffrant de fièvre, de vomissements, de douleurs abdominales et de céphalées (adultes et tous originaires du même douar) qui seront admis à leur tour à l’hôpital pour recevoir, cette fois, des soins particuliers au sein du service infectieux en attendant les résultats des analyses. «Auparavant, raconte le directeur du CHU, avant d’orienter ces malades chez nous, les médecins qui les traitaient avaient constaté que leurs patients rechutaient malgré un traitement aux antibiotiques. Ces médicaments avaient heureusement freiné le développement de l’infection.» Pour lui, «si la maladie n’a pas été identifiée sur-le-champ, c’est qu’aucun médecin ne pouvait se douter un instant de l’existence de cette maladie moyenâgeuse non répertoriée dans les annales sanitaires algériennes, hormis des témoignages à mettre sur le compte de la rumeur. Aujourd’hui, l’état des malades va en s’améliorant et il n’y a pas de raison de s’inquiéter», ne cesse de marteler M. Aberkane malgré un 10e et dernier cas — pour l’instant — admis durant la matinée de sa visite, mais cette fois, la malade vient du quartier Oussama (ex-Boulanger). Un cas isolé qui n’a cependant pas manqué de soulever des inquiétudes supplémentaires. En effet, il est plus aisé de mettre en quarantaine un douar comme Kehaylia (et c’est le cas avec une campagne de désinfection menée sur les lieux), mais la tâche ne serait pas ade tout repos quand il s’agit d’un quartier situé en plein cœur de la ville. Les arguments du ministre, qui s’est rendu au chevet des malades avant de s’entretenir avec la population du douar, consistent avant tout à faire savoir que des cas de peste resurgissent un peu partout dans le monde. Mais les pays cités ont dans leur majorité la caractéristique commune d’abriter la misère et la pauvreté, comme en Inde où la peste est réapparue après avoir été éradiquée pendant trente ans. Deuxième argument : «Les médicaments existent aujourd’hui et ils sont efficaces», rassure-t-il, pour ensuite évoquer les types de peste répertoriés. Celle détectée à Oran s’avère être la moins dangereuse contrairement à la peste pulmonaire qui peut effectivement faire des ravages. Celle-ci, de type bubonique, est due à des puces infectantes pouvant provenir d’animaux divers dont bien sûr les rats, mais il peut également s’agir d’ un «gisement tellurique» (sous terre) comme c’est le cas du tétanos. Pour le responsable du service infectieux, il s’agit déjà d’une épidémie malgré le peu de cas recensés. Une équipe médicale se chargera (un travail déjà entamé) de mener une enquête minutieuse qui concernera le foyer principal de l’infection mais aussi le quartier Boulanger pour tenter de déterminer l’origine exacte de l’infection et un éventuel lien entre les malades des deux localités touchées. De son côté, une équipe de l’institut Pasteur a été dépêchée en renfort pour un examen plus minutieux. Hormis la mise sur pied d’une cellule de crise présidée par les responsables de la santé, on parle également de «mobilisation organisée» qui suppose un travail commun de prévention engageant tous les services de la wilaya.

Par D. B.