M. Abdelaziz Ziari : «Un tournant décisif pour l’économie algérienne»

M. Abdelaziz Ziari : «Un tournant décisif pour l’économie algérienne»

Par Sofiane Bensalem, El Watan, 6 décembre 2001

L’on aura rarement vu les autorités algériennes manifester autant d’enthousiasme et d’assurance à signer l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne.

L’argument selon lequel l’engagement pris par Bouteflika de sceller l’accord avant la fin de l’année, que certains observateurs avaient qualifié d’opération purement politique, voire électoraliste, ne résiste pas à l’analyse des réalités, nous confie-t-on au ministère de la Coopération régionale et de l’Emigration. Jamais, indique-t-on, les conditions objectives n’ont été aussi réunies comme elles le sont aujourd’hui pour encourager l’Algérie à aller d’un pas sûr vers la signature de cet accord d’association qui permettra à son économie, à l’horizon 2012, de s’insérer pleinement dans l’économie de marché et de gagner sa place en tant que partenaire viable dans la coopération euro-méditerranéenne rénovée issue du processus de Barcelone.
Tout le monde est convaincu aujourd’hui, nous dit-on, de la nécessité pour l’Algérie de rompre avec les atavismes et la frilosité qui ont caractérisé la conduite de ce dossier jusqu’à ces derniers mois. «Nous avons réussi à convaincre les opérateurs économiques algériens et les partenaires sociaux qu’avec cet accord l’Algérie amorce un tournant décisif de son économie», souligne M. Abdelaziz Ziari, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la Coopération régionale et de l’Emigration. L’entrée de l’économie algérienne dans la zone de libre-échange que certains appréhendent comme le coup de grâce mortel pour nos entreprises, qui seront les premières à faire les frais d’une telle aventure, présente, rassure-t-on, plus d’atouts pour l’Algérie qu’elle n’en recèle de désavantages que l’on considère par ailleurs aujourd’hui comme étant des craintes injustifiées. Toutes les précautions et toutes les garanties sont prises pour que cette transition vers l’économie de marché s’opère au mieux des intérêts de l’économie algérienne, affirme-t-on. A quelque chose malheur est bon: l’Algérie, qui ne vit pas les mêmes contraintes agricoles pour l’exportation de ses produits du fait que ce secteur n’est pas tourné vers l’exportation, a transformé cet handicap économique en levier dynamique pour mieux négocier ses autres atouts vis-à-vis des partenaires de l’Union européenne. Le principe de base autour duquel un accord a été conclu avec l’UE est de protéger les industries qui nécessitent d’être protégées. Les produits fabriqués en Algérie seront toujours protégés jusqu’à l’horizon 2012 qui verra la production nationale soumise aux nouvelles règles de démantèlement tarifaire imposées par l’accord d’association. Pour les autres produits, les règles du marché international s’appliqueront de manière progressive et raisonnée de façon à ne pas déstructurer l’économie nationale. Le délai qui nous sépare de cette date butoir est largement suffisant pour préparer l’économie algérienne à franchir ce pas dans de meilleures conditions, affirme-t-on. Mieux, on fait même le pari de raccourcir ce délai sans rien sacrifier aux intérêts bien compris de l’Algérie. Le plus tôt sera le mieux : c’est la nouvelle devise des experts qui pilotent le dossier. «Notre souhait est que les produits algériens se frayent rapidement une place sur le marché international et soient compétitifs» confie M. Ziari. Evidemment, explique-t-il, «il ne s’agit pas d’y aller les yeux fermés et de signer un accord à n’importe quel prix». Il y a, rappelle-t-il, dans l’accord d’association des clauses de sauvegarde de l’économie nationale permettant à l’Algérie d’apporter en cours de route des correctifs au processus de coopération, comme il existe des dispositions antidumping de nature à se prémunir contre la concurrence déloyale et sauvage. L’accord d’association, il faudrait aussi l’appréhender dans son contenu dynamique, relève-t-on au ministère de la Coopération. L’un des objectifs stratégiques visés par l’accord d’association porte sur la facilitation des investissements rendus possibles grâce à l’assouplissement des taxes et du régime douanier. Aujourd’hui, les mentalités semblent avoir suffisamment mûri pour ne pas se laisser embrigader par un discours dogmatique qui est passé de mode. L’Algérie qui avait fait du sacro-saint principe du respect de la spécificité de son économie son crédo dans les négociations semble aujourd’hui avoir trouvé chez ses partenaires de l’UE une oreille plus attentive. De la même manière, une parfaite convergence de vues s’est dégagée sur nombre d’autres dossiers dont les négociations piétinaient. C’est le cas du dossier relatif à la justice et aux affaires intérieures (Jai).
Le souci des Européens de voir s’enraciner en Algérie les prinipes universels des droits de l’homme, de la démocratie et de la libertré de la presse font écho à la volonté exprimée par l’Algérie de voir de son côté ses partenaires de l’UE s’engager plus résolument dans la lutte contre le terrorisme. La cause semble aujourd’hui entendue après les attentats antiaméricains du 11 septembre dernier. Sur la circulation des personnes qui avait constitué une des pommes de discorde entre les deux parties, les pays de l’UE se sont finalemnt ralliés au point de vue algérien qui consiste à défendre le principe de la levée de toutes les barrières qui se dressent devant la liberté de circulation des personnes, convaincue qu’un partenariat sain et durable ne repose pas seulement sur un échange froid de marchandises, mais c’est aussi une aventure culturelle et humaine commune et partagée. Un accord est aussi trouvé à la question lancinante de la réadmission. L’Algérie a obtenu ce qu’elle a toujours défendu souvent sans succès, c’est-à-dire que le pays ne devienne une terre d’accueil pour toutes les personnes indésirables sur le sol européen qui se font passer pour des Algériens. Les frontières du pays seront à l’avenir hermétiques à ce genre d’aléas politiques.
L’accord global d’association qui sera signé le 19 décembre prochain aura nécessité 18 longs mois de laborieuses négociations. Le 1er round des négociations avait débuté en avril 2000. La boucle aura été bouclée au terme de 18 rounds. Un délai jugé assez long par les spécialistes algériens qui relèvent que l’accord entre l’UE et d’autres pays qui nous ont précédés dans cette voie n’ont pas excédé dans l’hypothèse la plus haute, 12 rounds. La Jordanie par exemple a paraphé l’accord au terme de 6 rounds seulement. Qu’importe le retard qui a été accusé; un retard que l’on regrette, mais que l’on dit surmontable. On rappelle toutefois que même si l’accord est signé dans quelques jours,sa mise en œuvre n’interviendra pas au mieux avant 2003. Un délai qui sera mis à profit par l’économie et les entreprises algériennes pour leur nécessaire mise à niveau.

——————————————————————————–

L’accord sera signé le 19 décembre

Par M’hammedi Bouzina, El Watan, 6 décembre 2001

A l’issue de la visite qu’il a effectuée hier à Bruxelles, M. Belkhadem, a annoncé, au cours d’une conférence de presse donnée en fin de journée au siège de l’ambassade d’Algérie, deux choses précises.

La signature de l’accord d’association Algérie-Union européenne pour le 19 décembre, avec la présence du chef de l’Etat, Bouteflika, qui restera trois jours à Bruxelles (19, 20 et 21 décembre) et discutera de coopération bilatérale d’une part avec la Belgique et de l’autre avec l’Union européenne.
La deuxième information concerne la lutte antiterroriste. Il apparaît ainsi que c’est l’Algérie qui a demandé d’inscrire dans le chapitre des négociations, bien avant le 11 septembre, les questions de justice et affaires intérieures (JAI). L’accord signé par nos voisins du sud de la Méditerranée Maroc, Tunisie, Egypte… ne contient pas ce chapitre. Sur cette question, M. Belkhadem a déclaré : «J’ai pu constater avec satisfaction une évolution positive de la perception européenne de la menace — terroriste — que ce fléau fait peser sur le partenariat et la sécurité régionale.» Revenant sur les termes de l’accord d’association avec l’Union européenne, le ministre a mis en évidence la coopération financière. Selon lui, l’Algérie va intensifier, à coup de projets bien sûr, cet aspect de la coopération durant le Meda II (2000-2006), pour récupérer le manque à gagner enregistré dans le Meda I (1995-2000). Aussi, il a indiqué que pour le premier exercice triennal 2002-2004, un montant indicatif de 150 millions d’euros est retenu pour huit projets dans le secteur du développement local, notamment la réhabilitation des zones affectées par le terrorisme et les dernières inondations meurtrières.
Dans la même période, un montant de 65 millions d’euros, sous forme de don, vient appuyer la facilité d’ajustement structurel dans le budget de l’Etat. Entre questions et réponses, le ministre a abordé devant les journalistes les problèmes de la construction maghrébine et celui du Sahara-Occidental, ainsi que la crise du Moyen-Orient.
«L’Algérie demeure fidèle et très attachée au principe de l’autodétermination du peuple sahraoui, contenu dans les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, du plan Becker et des accords de Houston», a rappelé M. Belkhadem. Il a relevé les entraves marocaines au processus d’indépendance du Sahara comme les (130 000 !) amendements que le Maroc a introduits sur le plan Becker. «Ils ont tous été étudiés, il ne reste qu’environ 5 % à revoir avant février 2002», a signalé le ministre. Quant à l’énigmatique troisième voie préconisée par J. Backer et son accord-cadre, «nous avons bien expliqué qu’elle est très loin du plan de paix de l’ONU et du droit à l’autodétermination», a tenu à préciser M. Belkhadem.Revenant sur la crise au Moyen-Orient, le ministre des Affaires étrangères a clairement relevé la politique d’agression, de colonisation et de violence extrême de Sharon et a affirmé avoir «demandé instamment à l’Union européenne de s’impliquer davantage dans le processus de paix». M. Belkhadem a, par ailleurs, déclaré être constamment en contact téléphonique avec les ministres des Affaires étrangères des pays arabes pour finaliser la rencontre prévue ce dimanche au Caire dans le but de faire revenir Israël à la table des négociations.