Caducité de l’interdicton des marches à Alger

Caducité de l’interdicton des marches à Alger

El Watan, 6 juillet 2009

Alger est ouverte aux festivaliers et aux danseurs mais reste fermée aux manifestants et autres marcheurs revendiquant des droits et exprimant des idées. Lorsqu’une ville s’ouvre, elle est à la fois un espace culturel foisonnant et devient une tribune libre. On ne peut concevoir l’ouverture d’un espace, qu’il soit une ville, un pays ou même une simple agora, sans permettre le débat contradictoire et sans promouvoir la parole libre. Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales ne cesse de reconduire l’interdiction des marches à Alger en justifiant de l’absence de sécurité. Mais comment peut-il alors justifier le bon déroulement de la parade qui a donné le la aux festivités du Panaf’ 2009 ? Pourquoi s’obstiner à interdire aux Algériens d’exprimer pacifiquement leur mécontentement et leurs opinions dans la rue, alors que lorsqu’il s’agit de promouvoir une initiative purement gouvernementale, toutes les appréhensions volent en éclats ? Il s’agit là de l’expression d’un mépris vis-à-vis du peuple.

La menace sécuritaire est le bouc émissaire idéal pour maintenir des barrières qui deviennent caduques. « Gare à ceux qui manifestent », c’est là une consigne que les Algérois semblent entendre à longueur d’année, les empêchant de se faire entendre. Enseignants, médecins, contractuels, militants de partis politiques, ouvriers, ont tous subi la matraque parce qu’ils ont osé se regrouper devant une institution de l’Etat ou tenter de marcher pour réclamer leurs droits. Aujourd’hui, le gouvernement, par la voix de sa ministre de la Culture, invite ces mêmes Algérois et Algériens à une petite récréation et les autorise à braver l’état d’urgence pour applaudir les troupes africaines. Le bâton qui réprime s’est transformé samedi dernier en guide orientant la foule. La parade finie, Alger renoue avec ses interdictions. L’indécence d’un pouvoir liberticide n’a donc pas de limite et ne cessera de nous étonner.

Par Nadjia Bouaricha