Bombes, sommets, compromissions

Agression israélienne contre la bande de Ghaza

Des milliers de personnes vivent dans des conditions inhumaines

Au 22e jour de l’agression barbare israélienne contre la bande de Ghaza et sa population estimée à 1,5 million d’habitants, rien ne semblait, hier en milieu de journée, indiquer que l’Etat hébreu était prêt à déclarer un cessez-le-feu, même unilatéral, comme l’ont laissé entendre certains de ses responsables au cours des dernières 24 heures. Le bilan des victimes s’est alourdi encore plus. 1200 martyrs et plus de 5500 blessés.

Ghaza. De notre correspondant, El Watan, 18 janvier 2009

Les forces israéliennes ont inauguré cette journée par le bombardement, encore une fois, d’une école relevant de l’UNRWA, l’agence onusienne pour l’aide aux réfugiés palestiniens, dans la localité de Beït Lahia, au nord de la bande de Ghaza, tuant 6 personnes au moins et en blessant plus de 15 autres. Parmi les morts, on signale une femme et son bébé. Cette école, située au centre de la localité, abritait plus de 400 citoyens habitant les périphéries nord et ouest de Beït Lahia, qui ont été contraints de quitter leurs domiciles démolis par des obus israéliens, au cours des bombardements aveugles, à l’image de beaucoup de zones d’habitations du nord, du centre ou du sud de l’étroite enclave palestinienne.

La solidarité fraternelle a fonctionné

Ces bombardements aveugles ont aussi touché des zones urbaines à forte densité de population, comme les quartiers de Tel El Haoua au sud-ouest de la ville de Ghaza, de Zeïtoun au sud-est, de Chedjaiya à l’est, de Teffah au nord-est, de Jabalia ville au nord, du camp de réfugiés de Jabalia, des quartiers El Magoussi et El karama à l’ouest et de beaucoup d’autres à travers le reste de la bande de Ghaza. ces bombardements continus, qui ont fait des centaines de victimes parmi les populations civiles, ont engendré une véritable crise humanitaire, semblable à celle qui a frappé le peuple palestinien lors de la guerre de 1948 et celle de 1967, lorsque des centaines de milliers de palestiniens ont été contraints à l’exode par les forces israéliennes qui n’hésitaient pas à massacrer tous ceux qui décidaient de rester sur leurs terres et dans leurs foyers.

Aujourd’hui, au 22e jour de cette guerre disproportionnée, plus de 45 000 personnes se sont réfugiées dans les écoles de l’unrwa, pensant être à l’abri des bombes israéliennes. Ces milliers de personnes vivent dans des conditions inhumaines. EIles ont quitté leurs maisons alors que les bombes et les tirs israéliens fusaient de toutes parts. Tous ne pensaient qu’à s’en sortir indemnes et à sauver leurs proches sans avoir le temps de prendre avec eux couvertures, matelas, vêtements ou produits alimentaires.

Les chars israéliens ont tout détruit.

Chacune de ces familles a son histoire, son drame. Oum Ahmad, une grand-mère de 60 ans, de la zone d’El Aâtatra au nord-ouest de la bande de Ghaza, réfugiée avec quatre de ses petits-enfants dans l’une des écoles de l’unrwa à Ghaza, nous raconte en pleurant : « ces enfants n’ont plus de père ni de mère, leur grand frère Mohamad a aussi été tué lorsque leur maison a été bombardée, heureusement qu’ils étaient chez moi. Je ne sais pas comment j’ai pu les faire sortir. Les bombes tombaient de partout. Les Israéliens veulent nous faire mal et nous faire revivre la nakba de 1948. des cadavres gisaient sur les trottoirs. nous nous sommes réfugiés dans cette école de l’unrwa à Ghaza-ville. nous n’avons rien, si certains citoyens ne nous avaient pas ramené quelques couvertures et quelques matelas, moi et mes petits enfants,devenus orphelins, serions morts de froid.

heureusement que mon deuxième fils, qui est avec nous dans cette école, est indemne. c’est lui qui prendra en charge ces enfants une fois que tout cela sera fini, mais mon cœur restera brisé jusqu’à ma mort. désormais, rien n’aura plus d’importance à mes yeux, sauf ces enfants, c’est tout ce qui me reste de mon fils Ahmad, allah yerhamou. » D’autres familles se sont réfugiées chez leurs proches. Dans le malheur et la souffrance, la solidarité fraternelle a fonctionné, certains citoyens, surtout ceux vivant au centre-ville de ghaza, ont accueilli des familles qu’ils ne connaissaient pas auparavant. L’exode ne s’est pas arrêté aux habitants des zones limitrophes de la frontière avec l’Etat hébreu, les premières à être investies par les forces terrestres israéliennes, mais il s’est étendu aussi aux habitants de certains quartiers de la ville de Ghaza comme celui de Tel El Haoua, distant du centre-ville de quelques centaines de mètres seulement.

Dans ce quartier résidentiel, les soldats israéliens ont montré toute la haine qu’ils nourissent contre pour les palestiniens, quel que soit leur appartenance politique. Les chars israéliens ont tout détruit sur leur passage, comme si un fort séisme avait frappé ces lieux, d’habitude les plus calmes de la ville. La chaussée y est défoncée, les poteaux électriques à terre, des voitures en stationnement dont quatre ambulances du croissant-rouge palestinien écrabouillées, des immeubles sérieusement endommagés, une fumée noire se dégageait d’une dizaine d’entre eux, des maisons complètement démolies, l’hôpital el qods, l’une des institutions sanitaires les plus importantes de la ville appartenant au croissant-rouge palestinien, a pris feu après avoir été la cible d’un obus de char, alors qu’il abritait plus de 500 personnes, des malades, des blessés, des équipes médicales et des citoyens fuyant les combats.

Même le siège central de l’UNRWA, situé à la lisière nord de ce quartier, a été bombardé. Les stocks de produits alimentaires et les médicaments destinés aux plus démunis de la bande de Ghaza ont été complètement brûlés. Le jour même, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, était en visite en Israël et ce dernier leur avait signifié, ainsi qu’à la communauté internationale, un message on ne peut plus clair, en déclarant que personne ne pourra arrêter ces plans diaboliques de l’Etat hébreu qui n’a de respect pour aucune institution internationale. Bilal Abderrahmane, un commerçant assis en face de sa villa devenue un amas de béton et de gravats, détruite par plusieurs obus de mortier qui l’ont touchée de plein fouet nous a dit : « c’est une grande perte, mais je remercie dieu d’avoir pris la décision de quitter les lieux avec ma petite famille quelques heures avant que les Israéliens n’occupent le quartier.

L’argent va et vient et tant qu’on est en vie on peut recommencer. mes enfants et moi sommes indemnes et c’est le plus important. actuellement, nous sommes chez mes parents dans le quartier El Rimal, mais si cela continue toute la ville va brûler. imaginez que dans ce quartier paisible, ils ont utilisé le phosphore blanc. les israéliens ont perdu la tête. » Bilal s’en est sorti indemne de cette agression, peut-être provisoirement, puisque personne et dans aucun endroit à Ghaza ne peut estimer être en sécurité, mais ce n’est pas le cas des 23 victimes découvertes sous les décombres de leurs maisons et dans les rues de Tel Haoua, au lendemain du retrait des chars israéliens, qui peuvent revenir à tout moment. les habitants de ce quartier, près de 48 heures après le redéploiement des forces israéliennes, ne sont pas encore retournés dans leurs maisons ou ce qu’il en reste.

Par Fares Chahine


Après le sommet extraordinaire de Doha

La Ligue arabe déshabillée, l’initiative de Beyrouth affaiblie

Si j’étais venu à Doha, j’aurais tranché ma gorge. J’ai subi des pressions. » Cet aveu terrible a été fait par Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, au ministre qatari des Affaires étrangères, Hamed Ben Jassem Al Thani. Cela explique beaucoup de choses même si la direction palestinienne s’est empressée de démentir les propos du responsable du Qatar.

L’absence de Abou Mazen à Doha, où s’est tenu vendredi 16 janvier un sommet extraordinaire sur Ghaza, n’a aucune explication. Hamed Ben Jassem, qui semblait à l’aise face à la presse, a rapporté que Mahmoud Abbas s’est appuyé sur les dires de Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, qui disait que « le quorum » n’était pas atteint pour tenir un sommet arabe à Doha. « Dans cette affaire, la Ligue arabe n’était pas neutre », a tranché le chef de la diplomatie qatarie, citant l’exemple des Somaliens induits en erreur par les collaborateurs de Amr Moussa sur ce sommet. « Ils leur ont téléphoné en disant qu’il n’y avait pas de quorum à Doha », a-t-il précisé. Cela a au moins le mérite de mettre à nu la Ligue arabe qui a tout fait pour empêcher l’organisation d’un Sommet arabe extraordinaire sur Ghaza dans la capitale du Qatar et qui a mis tous ses moyens pour préparer le Sommet économique de Koweït (prévu pour demain) devant aborder la situation palestinienne trois semaines après le début des bombardements israéliens.

La manœuvre de Amr Moussa, qui s’est comporté comme un deuxième ministre égyptien des Affaires étrangères, était évidente : il a travaillé pour le « plan égyptien » de cessez- le-feu en fermant les portes aux autres initiatives. Il n’a même pas jugé important de se déplacer à Doha et de rencontrer les dirigeants de pays arabes présents comme ceux d’Algérie, de Syrie, du Soudan et du Liban. Non, Amr Moussa a préféré assister à la réunion extraordinaire de certains ministres arabes des Affaires étrangères à Koweït. Ce comportement, qui souligne un alignement total sur les thèses du Caire de Riyad, suffit pour enlever toute crédibilité à Amr Moussa.

Aussi, les pays arabes qui ne veulent pas être « guidés et orientés » par Le Caire ou Riyad doivent, dès à présent, exiger le départ sans condition de Amr Moussa de son poste, imposer la direction tournante à la Ligue arabe et demander le déplacement de son siège du Caire vers une autre capitale. Cela peut s’appeler de « la réforme » ou de « la rébellion ». Qu’importe, l’essentiel est que la Ligue revienne à la communauté arabe et qu’elle ne soit plus « une annexe » de la diplomatie égyptienne. Le président Hosni Moubarak s’est cru obligé, hier, de justifier la position de son pays, mis à l’index à cause du maintien de la fermeture du passage de Rafah entre Ghaza et la frontière égyptienne, en attaquant le sommet de Doha.

« Il n’y a aucune autre initiative mis à part la proposition égyptienne pour obtenir le cessez-le-feu. On dit qu’il y a le camp de la modération et celui du refus dans le monde arabe. Mais qu’a donc fait le camp du refus pour la cause palestinienne ? », s’est interrogé le président égyptien. « Il faut tourner le dos aux surenchères de ceux qui n’ont rien donné au peuple palestinien », a-t-il ajouté. Le Caire veut tout réduire à lui, au point qu’il a convoqué une réunion consultative aujourd’hui, en présence de Mahmoud Abbas et de représentants de pays européens. Le but déclaré est de plancher sur « la reconstruction » de Ghaza, mais la finalité est de tenter de « vider » le sommet de Doha de sa substance. Cette idée est contenue dans la déclaration finale de ce sommet.

Parlant de « paix juste », Hosni Moubarak a évité d’évoquer l’initiative arabe de paix de Beyrouth de 2002. Initiative suspendue par le sommet de Doha. Sur le plan stratégique, les pays arabes qui adhèrent à cette idée jettent la boule de feu dans le camp israélien. Pour eux, c’est Tel-Aviv qui refuse la paix puisqu’il bombarde les civils à Ghaza. Le sommet de Koweït risque d’être mouvementé quant à cette question, mettant encore dans l’embarras les pays de « l’axe modéré » comme l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Surtout si Israël annonce, comme cela a été évoqué hier soir, « un cessez-le-feu unilatéral ». Le « plan égyptien » sera tout simplement réduit en poussière…

Par Faycal Metaoui


Israël planifie le retour de l’Autorité palestinienne à Ghaza

Que reste-t-il au Fatah ?

On a vu le Fatah se déchirer à la mort de Yasser Arafat. Ce n’est pas le moment de se disputer. Il faut parler d’une seule voix. » Alors qu’Israël serait en train de préparer un plan avec l’accord tacite de l’Egypte et des Etats-Unis visant à placer l’Autorité palestinienne au cœur d’un ambitieux programme de reconstruction de Ghaza, dans lequel elle administrerait les fonds internationaux et contrôlerait les frontières, certains membres du Fatah appellent à l’apaisement des dissensions au sein du parti.

El Qods occupé De notre envoyée spéciale

« Se mettre d’accord sur un agenda politique suppose d’abord qu’un chef fédère la majorité des militants. Or, pour l’instant, ce n’est pas le cas », souligne un sympathisant du parti, faisant allusion au départ de Mahmoud Abbas, dont le mandat de quatre ans à la tête de l’Autorité palestinienne a expiré le 9 janvier dernier. « La première chose qu’il aurait dû faire c’est de se rendre à Ghaza le premier jour de l’attaque pour montrer aux Palestiniens qu’il est avec eux. Maintenant, il devrait poser un ultimatum : ‘’Arrêtez ou je m’en vais’’ », résume un membre du Fatah qui préfère garder l’anonymat. Amjad Shihab, enseignant en sciences politiques à l’université d’El Qods, insiste : « S’il est raisonnable, il partira et laissera d’autres élections s’organiser. » Un sympathisant de la première heure en convient : « Le problème, c’est qu’on ne sait pas dans quelle direction nous devons aller : vers la paix via des négociations ou vers la lutte via la résistance ? »

De nombreuses Palestiniennes militantes sont d’accord : « ‘’Abu Ammar ! Réveille-toi d’entre les morts !’’ Voilà ce que nous scandons lors de nos manifestations. Mahmoud Abbas ne saisit aucun moment de ce qui se passe à Ghaza ! Ni les massacres, ni les manifestations, ni les négociations (il n’est pas allé à Doha ). » Un discours que refuse Anwar Abu Eisheh, professeur de droit à la même université : « D’abord, d’un point de vue juridique, la loi et l’esprit de la loi exigent que Mahmoud Abbas reste au pouvoir. La Constitution prévoyait qu’il s’en aille la semaine dernière, mais l’article 11 du code des élections stipule que les élections présidentielle et législatives doivent se passer en même temps. Soit en janvier 2010. Ensuite, politiquement parlant, au-delà de tout texte, je crois qu’il a la responsabilité de rester. » Mais si Mahmoud Abbas démissionne, d’autres questions délicates émergeront.

Qui le remplacera et comment ? « Il existe trop de cadres palestiniens, hommes d’Etat, responsables formés pour conduire l’Autorité », poursuit le docteur. Parmi eux, Marwan Barghouti, en prison depuis 2004, soutenu par une frange de militants qui croient en « la génération du milieu », pour que le parti retrouve sa crédibilité. « Barghouti est l’un des chefs politiques de la première Intifadah – il a en effet acquis une crédibilité dans le soutien de la cause palestinienne – et sa philosophie, qui consiste à adopter la lutte armée quand rien n’avance sur le plan politique séduit les militants, analyse Amjad Shihab. Mais même s’il était libéré, la vieille garde, qui a le pouvoir, ne lui laisserait pas la place comme ça… » Après la guerre et les comptes demandés au Hamas, les relations à entretenir avec ses militants pourraient accentuer les divisions. « L’organisation d’élections, par exemple, pose un vrai problème, reconnaît Anwar Abu Eisheh.

Car 1,5 million de Ghazaouis vivent sous la dictature du Hamas qui punit toute voix discordante. » « Il faudra bien qu’on accepte le Hamas comme une réalité, s’emporte un membre du parti. Cela ne me poserait aucun problème de former un gouvernement d’union avec le Hamas, qui doit aussi accepter de travailler avec nous. » Mais Israël – qui mise de toute manière sur le Hamas pour diviser les Palestiniens – ne se fait pas beaucoup d’illusions sur le rôle du Fatah après la guerre. « Nous voulons clairement que l’Autorité palestinienne soit en charge des passages aux frontières, explique un officiel de la Défense israélienne dans le New York Times. La question est : pourra-t-elle vraiment le faire ? Le Hamas ne la laissera pas réussir. » Alors que reste-t-il au Fatah ? « Son histoire, ses militants, toutes les institutions en Cisjordanie, les salaires qu’il verse aux fonctionnaires (l’Autorité palestinienne est le premier employeur et verse plus de 150 000 salaires dont 58% à Ghaza, ndlr), énumère Amjad Shihab.

Mais au niveau idéologique, il a pris un sacré coup. » Anwar Abu Eisheh se veut plus optimiste. « C’est vrai que le Fatah est en mauvaise posture. Qu’une bonne partie de ses cadres sont devenus des fonctionnaires, mais ils restent des révolutionnaires. Comme moi et beaucoup d’autres un peu partout. Qui continuent d’apprendre à mes enfants qu’il faut lutter pour un Etat libre, laïque, et démocratique, où les gens, musulmans, chrétiens, juifs, pourront vivre égaux en droits et en devoirs. Mais voilà ce qu’il reste au Fatah. La continuité de la lutte pour une réelle paix juste et durable. »

Par Mélanie Matarese


Sommet arabe du Koweït

Le smic de la riposte arabe sera-t-il respecté ?

Le Sommet arabe ordinaire du Koweit, prévu pour demain et qui devait à l’origine être centré sur les questions économiques, a été amené à réaménager son ordre du jour pour coller à l’actualité tragique et inscrire en bonne place la guerre contre Ghaza.

Le « sommet consultatif arabe sur Ghaza » qui s’est tenu vendredi à Doha, au Qatar, a d’une certaine manière ravi la vedette et court-circuité le sommet du Koweit qui se trouve ainsi piégé par les recommandations du sommet de Doha. Au-delà des susceptibilités provoquées quant à l’opportunité de cette rencontre ouverte à certains pays musulmans non arabes, des réserves et des critiques formulées par les capitales arabes, absentes au sommet de Doha, dont particulièrement l’Egypte qui parraine avec la France un plan de paix sur Ghaza, objet de vives négociations entre le mouvement Hamas et la partie israélienne, pour l’essentiel, les préoccupations des chefs d’Etat et des souverains arabes ainsi que des représentants des pays arabes présents à cette rencontre ne devraient pas poser problème pour les dirigeants arabes qui ont boycotté Doha, si l’on s’en tient aux recommandations formulées par les ministres arabes des Affaires étrangères réunis vendredi au Koweit.

Au cours de cette réunion préparatoire au sommet arabe du Koweit, les chefs des diplomaties des pays arabes ont appelé, reprenant à leur compte les recommandations issues de la rencontre de Doha, à l’arrêt de l’agression israélienne, à la levée du blocus israélien sur Ghaza, à la mise en place d’un fonds de deux milliards de dollars pour la reconstruction de Ghaza. Le groupe des pays arabes, qui a boycotté Doha, regroupé autour de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite, entend bien prendre sa revanche en se réappropriant l’initiative des décisions que le sommet arabe aura à endosser à l’issue de la rencontre du Koweit. Et pour cause, ces deux pays sont engagés, le premier dans une médiation entre Hamas et Israël sous la supervision indirecte mais active des Américains, le second avec son plan de paix au Proche-Orient adopté au sommet de Beyrouth en 2002 et qui demeure toujours, selon le royaume hachemite, valable contre l’avis de nombreuses capitales arabes et des Palestiniens qui ont adhéré à ce plan lesquels considèrent désormais que ce plan est mort et enterré avec l’agression barbare contre Ghaza.

D’où le forcing fait par ces deux pays pour faire capoter la rencontre de Doha dont la participation de représentants du mouvement Hamas et de pays arabes, comme la Syrie qui incarne la ligne dure par rapport au processus de paix au Proche- Orient, mais aussi musulmans, comme l’Iran, invités à cette rencontre, donnait le ton quant aux recommandations qui allaient être adoptées à l’issue de cette réunion. La rencontre de Doha boycottée par certains pays arabes emmenés par l’Egypte et l’Arabie Saoudite « légitimés » dans leur action par l’absence de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne qui a choisi son camp et de la Ligue arabe non représentée, dont le secrétaire général, Amr Moussa, a réagi d’abord en bon Egyptien en s’alignant sur la position de son pays, a introduit le loup dans la bergerie arabe en mettant sur la table des questions que l’on n’osait même plus évoquer du bout des lèvres pour ne pas froisser les Israéliens et leur sponsor politique, les capitales occidentales et les Etats-Unis.

Et c’est ce qui agace manifestement les pays arabes qui sont sur une autre position, plus flexible, teintée de compromissions par rapport à la riposte arabe à opposer à Israël pour faire cesser l’agression contre Ghaza. Sans rien toucher aux contours politiques du processus de paix dans la région alors que les chefs d’Etat et les souverains arabes réunis à Doha se sont résolument inscrits – du moins au plan des principes et de l’engagement politique – dans une nouvelle perspective qui appréhende le processus de paix au Proche-Orient à la lumière de la nouvelle donne de l’agression israélienne contre Ghaza. L’appel pour la rupture des relations diplomatiques et de toute autre relation avec Israël, le jugement des dirigeants israéliens pour crimes de guerre, le boycott des produits israéliens, la demande faite aux pays arabes de geler l’initiative de paix de 2002 au Proche-Orient sont autant de décisions qui pourraient ne pas faire le consensus au sommet arabe du Koweit.

Dans la déclaration finale sanctionnant les travaux de la rencontre de Doha , les chefs d’Etat et souverains présents à cette rencontre ont pris la précaution statutaire de préciser que les résultats de leurs travaux ne sont que des recommandations qui allaient être soumises au sommet du Koweit. Tous les paris sont donc ouverts. La rue arabe qui a favorablement accueilli les recommandations de la réunion de Doha, appelant les pays arabes à la rupture de toute relation sous une forme ou une autre avec Israël et du ton empreint de fermeté qui a marqué les travaux de cette rencontre, aura l’œil rivé sur les décisions qui sortiront du sommet du Koweit. Ce dernier sera condamné de ne pas descendre la barre de la riposte arabe en deçà du smic décidé à Doha sous peine de voir les régimes arabes, coupables de compromission, confrontés à de graves problèmes avec leur opinion publique.

Par Omar Berbiche