Alger s’interroge

Alger s’interroge

par Mohamed Zaâf, Le Jeune Indépendant, 14 avril 2007

Passé le premier choc, Alger s’interroge sur ce qui s’est exactement passé. Plus méfiants que jamais, les Algérois se demandent dans leur désarroi comment cela a-t-il pu être. Alger regagnera-t-elle jamais son qualificatif de Mahroussa, redeviendra-t-elle un jour ce havre de paix où il faisait bon vivre ? Sinon, est-elle condamnée à être le théâtre d’affrontements aussi sanglants qu’intrigants, n’ayant rien à voir avec les profondes aspirations d’un peuple pacifiste qui s’attelait plutôt à tourner la page sur l’inqualifiable tragédie vécue ? Dans les quartiers populaires, la désapprobation le disputait au doute, l’inquiétude se greffait à la colère.

Pas la moindre syllabe de sympathie, par contre, pour les auteurs des spectaculaires attentats du 11 avril. Et si dans les conversations on relevait l’ingénuité du visage de l’un des trois kamikazes apparus sur l’écran des télés, on se demandait en revanche pourquoi les deux autres se masquaient le visage.

La logique voudrait qu’à partir du moment où ils avaient décidé de se porter candidats au suicide, dévoiler leur visage n’importait désormais plus. D’autant que rien d’officiel n’est venu informer sur le sort des corps des trois terroristes, sachant qu’ils ne pouvaient connaître une totale désintégration.

D’ailleurs, ni la mort des assaillants ni leur nombre ou leur méthode n’ont été annoncés officiellement. M. Yazid Zerhouni, le ministre de l’Intérieur, n’accorde apparemment pas beaucoup de crédit aux revendications qui suivirent les attentats au nom d’El-Qaïda au Maghreb islamique.

Qu’elle s’appelle le GSPC ou El-Qaïda, pour lui, le nom de l’organisation terroriste importe peu. Ce dont il se dit convaincu, c’est que le groupe terroriste encore en action est isolé, et qu’il se trouve devant le mur, dans une position désespérée.

Mais Yazid Zerhouni ne s’arrête pas à la piste du terrorisme classique. «Il ne faut pas exclure qu’il y ait d’autres intérêts ne voulant pas voir l’Etat algérien se ressaisir, se restructurer et fonctionner de manière plus efficace», disait-il, énigmatique.

A qui s’adresse l’allusion, de qui s’agit-il exactement ? Les intérêts qu’évoque le ministre sont-ils locaux ou étrangers ? Et puis, si l’objectif est de porter atteinte à l’Etat en tant que tel, pourquoi ne pas affranchir le peuple et bénéficier de son appui dans la protection d’une propriété qui, après tout, est censée être sienne ? D’autant que, dans leur constat, certains analystes s’inquiètent du changement dans le mode opératoire du terrorisme avec l’introduction supposée des opérations kamikazes.

Un mode qui est totalement étranger à la mentalité algérienne puisque, avant ce 11 avril, pas une seule attaque suicide n’a été signalé depuis la crise sécuritaire apparue en 1992. S’il est vrai que les Algériens croyants ont toujours assimilé le suicide à l’assassinat d’une vie humaine, que dire aujourd’hui, alors que les oulémas de différents pays musulmans dénient la qualité du djihad au terrorisme qui, chez nous, a fini par perdre et la couverture politique et la couverture religieuse ? Et l’on se demande si les attentats spectaculaires qui, ces derniers temps, n’épargnent pas les civils, n’ont pas fini par avoir un effet contraire et procurer plus de sympathie à un pouvoir qui n’en demandait pas tant.