Emeute, cherté de la vie, chômage et malvie

ÉMEUTE, CHERTÉ DE LA VIE, CHÔMAGE ET MALVIE

Les « omissions » de Belkhadem

Le Soir d’Algérie, 12 septembre 2007

Que Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du Front de libération nationale, soutient mordicus que les 30 millions d’Algériens n’ont jamais aussi bien vécu que depuis 1999, date de l’avènement de Abdelaziz Bouteflika peut se comprendre . C’est dans les mœurs de l’exparti unique de «cacher le soleil avec le tamis», comme le dit un proverbe bien de chez nous.

Saïda Azzouz – Alger (Le Soir) – Que Abdelaziz Belkhadem le chef du gouvernement, profite de la dernière rencontre des partis de l’Alliance présidentielle créée, pour rappel, pour concrétiser le programme du président République , pour asséner sans sourciller «sa vérité» devant tout un parterre de journalistes dont les journaux se font quotidiennement l’écho de la détresse des Algériens «passe» difficilement.

Le chef du gouvernement vit-il vraiment en Algérie ? Ce pays où depuis près d’une décennie, les citoyens recourent aux émeutes pour crier leur malvie. Réclamer de l’eau potable , de l’électricité, le gaz , un logement décent, des soins, un emploi et attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’isolement auquel sont contraintes des familles entières. N’est-ce pas ce qui s’est passé il y a une semaine dans la localité de Zouia dans la wilaya de Tlemcen. C’était le 3 septembre dernier. Des citoyens ont investi, sur plus de 5 kilomètres , la route nationale reliant leur localité à Maghnia, bloquant la circulation à l’aide de pierres, de barricades et de pneus enflammés. Motif de ce cri de colère : l’approvisionnement de leur village en eau potable. Une doléance à laquelle les autorités locales à commencer par le directeur de wilaya de l’hydraulique n’ont pas répondu. Les émeutiers de Zouia dont quelques-uns ont été arrêtés pour «trouble à l’ordre public» ont demandé l’ouverture d’une enquête pour «justifier» le bien-fondé de leur action. La violence étant leur dernier recours pour sortir de l’anonymat et faire en sorte que leur village qui compte un très fort taux d’analphabètes profite lui aussi des «bienfaits du programme présidentiel». Avant Tlemcen, il y a eu Oran, c’était en juillet dans le quartier des Planteurs où une opération de relogement a tourné à l’émeute. Et avant Oran, il y a eu Tiaret, où à Takhmert une région à vocation agricole, des centaines de jeunes se sont révoltés car ne pouvant prétendre au travail de la terre. C’était en 2005 au moment où les pouvoirs publics ne juraient que par le PNDA. Et il y a eu Sidi-Bel-Abbès, Aïn- Témouchent pour ne citer que ces villes, là à l’ouest du pays. L’Est n’étant pas en reste, Khenchela s’est révoltée, tout comme l’a fait la localité de Sidi-Amar dans Annaba. Tébessa a rappelé son existence par une série d’émeutes. Tout comme l’ont fait Batna et Oum-El-Bouaghi. Le sud du pays, jusque-là «pacifiste» a été maintes fois ébranlé par des «émeutes de l’emploi». Aïn-Salah, Hassi-Messaoud, Ouargla, Ghardaïa et bien d’autres localités encore ont marqué leur existence. Combien de jeunes ont été arrêtés et condamnés pour troubles à l’ordre public ? Il suffit au chef du gouvernement de demander les «statistiques» à son ministre de la Justice et il sera édifié sur le nombre d’Algériens qui ont investi les rues et brûlé les édifices publics pour exprimer «leur bonheur» de vivre dans un pays où on ne leur offre aucune perspective, et où l’on fait face à la pauvreté en créant un ministère de la Solidarité et face au chômage en distribuant 100 locaux par commune. Qui des ministres de la Santé, de la Justice ou de l’Intérieur peut expliquer pourquoi des Algériens décident d’en finir en recourant au suicide. Combien sont-ils dans ce pays où l’islam est religion de l’Etat à préférer l’enfer ? Alors que d’autres enfourchent des embarcations de fortune avec femmes et enfants parfois pour rejoindre l’éden, quitte à mourir en mer Méditerranée. Pour le chef du gouvernement, c’est peu : «La sérénité de vivre en Algérie» qui fait prendre le large aux harragas à un moment où le prix de la pomme de terre s’envole. Et où tout un Conseil des ministres est consacré au tubercule. S. A.