Y. Abdelhai: « Je suis condamné à verser incessamment huit millions de dinars »

Yasser Abdelhai. Journaliste d’Echourouk El Youmi

« Je suis condamné à verser incessamment huit millions de dinars »

El Watan, 11 mars 2008

Correspondant à Jijel du quotidien Echourouk El Youmi, le journaliste Yasser Abdelhaï a été, dans les années 1990, collaborateur des quotidiens Essalem et El Djazaïr News ainsi que de l’hebdomadaire Echourouk El Jazaïri et de divers autres titres sportifs. Il a par ailleurs été pendant une année correspondant de la Radio nationale, la Chaîne 1. Avec la naissance du quotidien Echourouk El Youmi en 2000, il rejoint l’équipe du journal en tant que correspondant à Jijel. Au milieu du printemps de l’année 2006, il entame une série d’articles fourmillant de détails dans lesquels il dénonce la gestion des affaires publiques. Ses écrits lui vaudront une cascade de plaintes dont sept émanant du wali de Jijel. Déféré depuis 2002 aux tribunaux et la cour pour vingt-six plaintes, il totalise à l’heure actuelle une présence dans 156 audiences. Ecoutons-le.

– Vous venez de recevoir la notification d’un huissier de justice pour verser 4 millions de dinars au wali de Jijel. Peut-on connaître les raisons de ces plaintes ?
– En premier lieu j’aimerais revenir sur la genèse de cette cascade de plaintes. Cela a vraiment commencé avec la publication d’un article qui rapportait la suspension de l’actuel wali de Jijel quand il était en poste à la daïra de Sedrata, dans la wilaya de Souk Ahras. Par la suite, et à la lumière des enquêtes qui étaient menées par les services concernés, j’ai publié une série d’articles sur la gestion financière des projets au niveau de la wilaya. En août 2006, sept plaintes ont été déposées à mon encontre. Les articles avaient trait notamment aux enquêtes menées par les services habilités, relatives notamment aux projets de l’APC de Jijel, faits pour lesquels l’ex-P/APC a été condamné à 12 mois de prison avec sursis, la dépossession des communes de leurs prérogatives, faits pour lesquels il avait été suspendu précédemment à Sedrata et conduit à la convocation du wali par le ministre de l’Intérieur. Le plus étonnant a trait à l’affaire relative à la gestion de la wilaya dont l’article a été publié le 14 juin 2006. C’était le plus percutant de mes écrits concernant la wilaya. Au bout du compte, j’ai bénéficié d’un acquittement au niveau de la cour de Jijel.

– Quelles sont les principales peines qui ont été prononcées à votre encontre ?
– Actuellement, je totalise 8 millions de dinars de dommages et intérêts dont 5 millions de dinars avec le wali. J’ai reçu la notification pour quatre affaires, mais il reste encore une cinquième. Pour les autres, il s’agit principalement d’arrêts de la cour de Jijel qui me condamnent à trois mois de prison ferme suite à une plainte de l’ex-P/APW. Pour les dommages, c’est toujours la même somme que je dois verser solidairement avec le directeur de la publication à l’ex-P/APW, aux directeurs de l’administration locale et des Domaines. Mais je tiens à rajouter que tout ce qui a été écrit, l’a été après l’ouverture d’une instruction judiciaire.

– Le 15 mars expirera le délai de 20 jours pour le versement des sommes exigées. Que comptez-vous faire à ce propos ?
– A partir de samedi, on devrait procéder à la saisie de mes biens qui seront par la suite vendus aux enchères dans un délai de huit jours. Du moment que je suis incapable de verser ces 4 millions de dinars, qu’ils saisissent mes biens !

– Un dernier mot…
– Tout ce que je peux dire se résume à un questionnement. Du moment que la loi a été appliquée à mon encontre, j’aimerais bien savoir pourquoi toutes les informations publiées dans mes articles font l’objet d’instructions judiciaires ? La preuve, c’est que pas moins de cinq responsables au niveau de la wilaya ont été placés sous contrôle judiciaire, décision qui a été par la suite levée. Toutes ces personnes et d’autres demeurent sous le coup d’accusations, notamment celle relative à la passation de marchés contraire à la réglementation en vigueur et attendent leur jugement au niveau du tribunal pénal dans les prochains mois.

Fodil S.