Education nationale: Ce qui va changer

EDUCATION NATIONALE

Ce qui va changer

Le Soir d’Algérie, 5 juillet 2007

La loi d’orientation sur l’Education nationale, qui remplacera l’ordonnance de 1976, vise à consacrer les décisions prises dans le cadre de la réforme de ce secteur. Ouverture d’établissements privés, enseignement de tamazight, levée du monopole de l’Etat sur le livre scolaire, généralisation de l’usage de l’informatique… toutes ces mesures sont aujourd’hui réunies dans un seul et unique texte de loi. Cette loi d’orientation qui se veut résolument moderne reste tout de même fortement marquée par “les constantes nationales”.

Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – “L’école doit contribuer à perpétuer l’image de l’Algérie, terre d’islam, partie intégrante du Grand Maghreb, pays musulman, arabe, amazigh, méditerranéen et africain, et être solidement amarrée à ses ancrages géographique, historique, humain et civilisationnel. Elle doit, en particulier, enraciner chez nos enfants le sentiment patriotique et promouvoir et développer l’attachement et la fidélité à l’Algérie, à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale. (…) L’école algérienne doit assurer la promotion et la préservation des valeurs en rapport avec l’islamité, l’arabité et l’amazighité en tant que trame historique de l’évolution démographique, culturelle religieuse et linguistique de notre société”, lit-on dans l’exposé des motifs de ce projet de loi. Il est clair que la notion de laïcité n’est pas prête à faire son entrée dans le système éducatif algérien. Cette loi réaffirme également le principe de gratuité et le caractère obligatoire de l’enseignement, des principes hérités de “l’ère socialiste”. L’introduction de la notion de “culture de la démocratie” vise, quant à elle, à mettre l’école algérienne en adéquation avec les “choix politiques” de l’Etat algérien. “Les implications institutionnelles, sociales et culturelles sur l’école sont évidentes. Celle-ci, qui est un produit de la société à laquelle elle appartient, doit avoir l’ambition de faire progresser cette société dans ses savoirs et ses savoir-faire, tout en transmettant un patrimoine reconnu et assumé par une majorité de citoyens. Cette interdépendance se retrouve quand il s’agit de savoir-être, donc de morale, d’éthique et d’éducation civique.” Reste que l’objectif essentiel de cette loi, qui vient consacrer la réforme introduite au secteur de l’Education nationale, est de rassembler la totalité des mesures prises depuis 2002. C’est notamment le cas pour l’introduction de tamazight à l’école. “L’enseignement de tamazight est introduit dans le système éducatif pour répondre à la demande exprimée sur le territoire national”, précise l’article 34 de ce projet de loi. Néanmoins, il est important de préciser que les modalités d’application de cette mesure seront définies par voie de décret. Ce texte confirme également le principe de l’ouverture du secteur de l’éducation au privé (chapitre V) et la fin du monopole de l’Etat sur le livre scolaire (article 90). Cette loi d’orientation sur l’Education nationale prend en charge l’aspect formation des personnels de ce secteur. “La formation des personnels d’enseignement a pour but de leur faire acquérir les connaissances et les savoir-faire nécessaires à l’exercice de leur métier (art 77). Toutes les catégories de personnels sont concernées par les actions de formation continue pendant toute leur carrière. La formation continue vise essentiellement l’actualisation des connaissances, le perfectionnement et le recyclage des personnels bénéficiaires (art. 78).” Les fonctionnaires du secteur de l’Education nationale pourront même bénéficier d’un “congé de mobilité professionnelle” qui leur permettra de garder leur salaire lorsqu’ils suivent un cycle de formation. Notons enfin que ce projet de loi est actuellement au niveau de l’APN. Vu de l’agenda parlementaire, ce nouveau texte ne pourra être adopté par l’Assemblée et le Sénat avant la prochaine rentrée scolaire.
T. H.

Les châtiments corporels et le harcèlement moral définitivement proscrits ?
Finis les réprimandes et les châtiments corporels à l’école ? C’est du moins ce que prévoit la loi d’orientation sur l’éducation nationale. L’article 21 stipule en effet que “toute forme de violence et de harcèlement moral sont proscrits dans l’enceinte des établissements scolaires. Les auteurs de ces violences s’exposent à des sanctions administratives et à des poursuites judiciaires”. Une disposition déjà incluse dans l’ordonnance de 1976, mais qui n’a pas empêché certains enseignants de l’enfreindre allégrement. Les cas de sévices corporels subis à l’école sont légion. Des enseignants, qui poussés à bout par des élèves trop bruyants, peu respectueux, perdent de vue leur rôle principal en insultant ou en infligeant aux élèves des sévices corporels. Tout en interdisant ce genre de comportements, la nouvelle loi oblige les élèves à manifester du respect à l’égard du corps enseignant. L’article 20 est à cet égard clair : “L’élève est tenu de respecter le règlement intérieur de l’établissement et de bien se conduire.”
N. I.

Les prérogatives du corps éducatif redéfinies
La nouvelle loi redéfinit le rôle de chaque intervenant dans le processus éducatif. Ainsi, les enseignants sont tenus de se conformer strictement aux programmes arrêtés par la tutelle. L’article 22 les oblige à respecter le principe de l’égalité des chances et à envisager des relations basées sur le respect mutuel avec les élèves. De leur côté, les chefs des établissements scolaires voient leurs prérogatives renforcées. Ils peuvent désormais prendre les décisions qui s’imposent pour maintenir le bon fonctionnement des écoles. Du côté des parents d’élèves, il leur est reconnu le droit de prendre part à des conseils qui prennent des décisions relatives à la vie de l’école. Les parents constitués en association pourront également faire des propositions au ministre de l’Education ou aux directeurs de l’éducation des 48 wilayas.
N. I.

Vers la création d’un conseil et d’un observatoire nationaux de l’éducation
De nouvelles structures consultatives verront le jour. Il sera notamment procédé à la création d’un conseil national de l’éducation et de la formation. Il s’agit d’un organe consultatif qui sera composé des représentants des différents corps du secteur ainsi que des représentants des syndicats de l’éducation. A cet organe s’ajoute un observatoire qui aura pour mission de superviser la mise en œuvre de la réforme et l’évaluation du travail des enseignants et d’émettre des propositions en vue d’améliorer leur rendement. L’article 30 évoque également la création d’un conseil national des programmes qui aura pour mission d’émettre un avis sur les programmes, les volumes horaires et les méthodes d’enseignement. Il n’est pas exclu la mise en place d’autres organes consultatifs en fonction des besoins qui se feraient éventuellement ressentir.
N. I.

Ni endoctrinement religieux ni politique
Il est aujourd’hui établi que l’école a joué un rôle non négligeable dans l’endoctrinement des élèves. Pour tenter de les mettre à l’abri du discours politique ou religieux, l’article 16 de la loi d’orientation sur l’éducation nationale stipule que “l’école est la cellule fondamentale du système éducatif national et l’espace privilégié pour l’acquisition du savoir. Elle doit rester nécessairement à l’abri de toutes tentatives d’influence à caractère idéologique, politique ou partisan”. A ce titre, l’activité partisane ou politique est strictement interdite dans les établissements scolaires publiques ou privées. Les personnes qui enfreignent cette disposition encourent des sanctions administratives auxquelles s’ajoutent des poursuites judiciaires.
N. I.