L’Etat perd le contrôle de la récolte de blé

Les producteurs fuient l’OAIC au profit des minoteries privées

L’Etat perd le contrôle de la récolte de blé

El Watan, 15 novembre 2007

Le ministère de l’Agriculture s’est retrouvé cette année devant une situation inédite. Au terme de la campagne moissons-battages, qui a été cette saison prolifique, les coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS) n’ont reçu des céréaliculteurs qu’une infime quantité de la production totale.

Ils n’ont pu mettre à la disposition de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) que 7 millions de quintaux des 43 millions de quintaux récoltés cette année. Nous n’avons jamais connu ça auparavant », affirme perplexe le secrétaire général du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Abdeslam Chelghoum. Une bonne partie de la production nationale a été récupérée par le marché informel. Le SG du ministère de l’Agriculture n’exclut pas que les agriculteurs aient traité directement avec les transformateurs de blé et autres minotiers sans passer par l’OAIC. Ce genre de transactions est plus rentable pour eux, a-t-il commenté. La filière des céréales s’enlise ainsi dans les mêmes contraintes que celles que connaissent celle du lait et celle des fruits et légumes qui sont également l’apanage de l’informel. Le ministre du Commerce avait indiqué dans une déclaration à la presse que 60% de la production de fruits et légumes étaient commercialisés dans le circuit informel. Pour ce qui est du lait, seuls 15% de la production nationale, qui a atteint les 1,9 milliard de litres, sont collectés et utilisés par les transformateurs de lait. La question est cependant plus cruciale pour les céréales, car elle est liée à la sécurité alimentaire du pays. Cette situation intervient en outre dans un contexte particulier avec les perturbations que connaît le marché mondial des céréales où les cours enregistrent depuis quelques mois une tendance haussière. La production nationale est arrivée ces dernières années à un seuil appréciable qui lui permet, avec un rendement qui varie entre 35 et 40 millions de quintaux, de couvrir près de 50% des besoins nationaux estimés entre 60 et 70 millions de quintaux, le reste étant comblé par les importations. Les services agricoles ont donc de quoi s’inquiéter devant l’insuffisance de la quantité de la production nationale récupérée auprès des exploitants agricoles. D’ailleurs, des spécialistes dans le domaine se sont réunis hier à l’Institut technique des grandes cultures (ITGC) pour faire des propositions afin d’y remédier. « Nous voulons mettre en place un dispositif pour encadrer la filière des céréales pour que la production nationale intègre le circuit formel, et ce, à travers des mesures incitatives ou dissuasives pour les mauvais payeurs », a indiqué à ce propos le SG du ministère de l’Agriculture. Ce responsable plaide pour un soutien en aval aux céréaliculteurs. Le soutien en amont n’a pas donné les résultats escomptés, a-t-il reconnu. Les chambres de l’agriculture et les directions de wilaya des services agricoles seront consultées afin de comprendre les facteurs qui sont à l’origine de cet état de fait.

Nora Boudedja