Habib Souadia, ex-militaire algérien, a été arrêté dans le métro et humilié au poste

Un réfugié politique tabassé par la police

Habib Souadia, ex-militaire algérien, a été arrêté dans le métro et humilié au poste

par José GARÇON, libération, 22 octobre 2005

Une fois, dix fois, Habib Souadia a hurlé «Pourquoi vous faites ça ?» et tenté de se dégager. En vain. Après l’avoir cloué au sol, quatre policiers s’acharnent sur son dos à coups de genou. «Ça a duré vingt minutes, peut-être une demi-heure, avant qu’ils me traînent un peu plus loin», raconte Habib, qui a porté plainte. Le 14 octobre, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie par le député Vert Noël Mamère, accusait réception de cette plainte.

Coups. Il est environ 17 h 30 quand Souadia rentre chez lui le 17 septembre, à Paris. Au métro Châtelet, il prend la correspondance de la ligne 11. Un groupe de six ou sept policiers vient vers lui. Souadia met la main dans son blouson de cuir pour prendre ses papiers. Dès lors, tout s’emballe. Un des policiers lui crie de la sortir, pendant que les autres l’entourent. Souadia montre ses deux mains vides. Il est néanmoins collé au mur, fouillé, bras et jambes écartés. Il tente toujours de se retourner vers les policiers pour demander «Pourquoi tout ça ?» «Tais-toi», lui hurlent-ils alors qu’une femme intervient.

Elle leur dit avoir reconnu en Habib Souadia, un ex-militaire algérien, auteur en 2001 d’un livre à succès, la Sale Guerre, qui dénonce les exactions de l’armée algérienne au cours des affrontements de la décennie 90 en Algérie. «Arrêtez, c’est un réfugié politique algérien, il est connu ici en France», répète-t-elle. Mais Souadia est déjà à terre, à plat ventre, mains menottées derrière le dos, tandis que les coups pleuvent.

Ex-membre des Forces spéciales algériennes, une unité d’élite chargée de la lutte anti-islamiste, et premier militaire à témoigner à visage découvert, Habib a payé le prix fort pour dénoncer les violations des droits de l’homme en Algérie : l’exil depuis plus de cinq ans.

«M. le réfugie politique». Sous les coups, il continue à parlementer : «Mes papiers sont en règle, c’est illégal de faire ça.» Il est emmené au poste de police des Halles. «C’est vous le rebelle ? Monsieur le réfugié politique est donc mécontent ?», s’amuse la chef de poste. Alors qu’on lui demande «pourquoi il n’a pas voulu donner ses papiers», il tente d’expliquer que tout est arrivé justement «parce qu’il voulait les montrer». Devant des policiers hilares, la première fouille est sévère. Habib refuse de signer un procès verbal l’accusant de «rébellion contre les forces de l’ordre».

Vers 20 heures, il est transféré au poste de police de la gare du Nord. Après qu’un avocat commis d’office l’a approché ­ procédure oblige ­, il passe la nuit dans une cellule de trois mètres sur quatre où s’entassent six jeunes de banlieue. Pas de lit, pas de matelas, un banc autour de la pièce et une odeur atroce.

Le matin, retour au poste des Halles. Un policier ne comprend pas son refus de signer un PV «qui ne dit que la vérité». A savoir que Habib a «donné un coup de poing à un policier». Souadia proteste. Le PV établira finalement qu’il s’est débattu et que, ce faisant, il a frappé l’un d’eux. Les policiers moquent «M. le réfugié politique arrêté arbitrairement». On le ramène dans une cellule. Et on lui signifie qu’il ne sortira pas sans avoir signé le fameux PV. Il persiste, dénonce l’agressivité ambiante. «Je t’emmerde», lance un policier.

Fouille filmée. La seconde fouille, aussi sévère, est volontairement plus humiliante. «Elle est en outre filmée, ce qui est illégal et inacceptable», note son avocat Me Antoine Comte. Souadia finit par «faire un gribouillage» sur le PV. «Pour en finir avec ce cauchemar.»

Il est environ 12 heures le 18 quand il est relâché, quasiment 24 heures après son interpellation. Un médecin, consulté pour son dos qui le fait terriblement souffrir, lui prescrit huit jours d’arrêt de travail. «J’ai passé, dit-il, mon plus long week-end depuis que je suis en France. J’ai été arrêté, battu, humilié pour rien, dans le pays auquel j’ai demandé protection et sécurité.»

Délit de faciès ? Une chose est sûre : l’incident n’a pas eu lieu au cours d’une rafle. Souadia n’était ni menaçant, ni suspect. Et les policiers, grâce à la femme témoin, ont su dès le début qu’ils n’avaient pas affaire à un voyou.

Habib Souadia est convoqué le 6 décembre au palais de justice de Paris.