L’UGTA s’adjuge le monopole du «politique»

Gel de la section syndicale de l’ENTV

L’UGTA s’adjuge le monopole du «politique»

El Watan, 9 novembre 2014

La direction de l’UGTA ne badine pas avec la «politique». La section syndicale de la télévision publique, qui a osé dénoncer le fonctionnement de l’ENTV, est gelée jusqu’à «nouvel ordre».

La décision, annoncée le 29 octobre, est justifiée par le caractère «politique» d’un communiqué diffusé la veille par les journalistes du média public. «Nous avons décidé de geler l’activité de la section syndicale de l’ENTV. Nous reprochons à cette structure le contenu d’un communiqué qui n’a rien à voir avec l’activité syndicale», explique Youcef Djidi, secrétaire de la section locale de Sidi M’hamed (Alger).
A la question de savoir pourquoi la direction nationale de l’UGTA fait de la politique malgré l’interdiction des statuts, notre interlocuteur se justifie : «C’est une question de prérogatives.» Pourtant, les statuts de la centrale syndicale sont les mêmes pour toutes les structures du syndicat. «Le contenu du communiqué de la section syndicale n’a rien à voir avec les revendications syndicales», indique, pour sa part, un haut cadre de l’UGTA qui préfère garder l’anonymat.

Représailles

Interrogé, lui aussi, sur les pratiques de la centrale syndicale qui fait plus de politique que de syndicalisme ces derniers temps, le responsable, un des plus influents du syndicat officiel, botte en touche : «Cela est une autre question. Mais je répète que le communiqué de la section syndicale de l’ENTV n’a rien à voir avec le travail syndical.» Mais quel crime a donc commis la section syndicale de l’ENTV pour mériter ce «gel» ? Le 28 octobre dernier, un groupe de journalistes de l’Unique diffusent un communiqué pour dénoncer la situation de leur entreprise, décrivant une chaîne «recroquevillée sur elle-même alors que le champ médiatique audiovisuel connaît une ouverture sur la société».

Il dénonce également «le flou et la duplicité dans le traitement des grandes questions posées sur la scène nationale, ce qui est contraire aux exigences du service public». Plus loin, le communiqué des travailleurs de la télévision met en cause «la mainmise d’un appareil bureaucratique sur le travail d’information de terrain qui est son rôle» et «l’absence d’une vision sérieuse en mesure de définir les grands objectifs pour l’avenir de la Télévision algérienne et la marginalisation des compétences au profit d’une infime minorité qui accapare les rares projets existants».Ce n’est pas la première fois que la direction de la centrale syndicale met fin à une section «rebelle».

En 2011, la Fédération nationale des journalistes, affiliée à l’UGTA, a été neutralisée, accusée d’avoir soutenu des journalistes de la Radio publique qui avaient observé un mouvement de protestation pour dénoncer leurs conditions de travail. Il s’agit notamment de journalistes qui travaillaient «au cachet».

Trois de ces victimes du média public n’ont jamais été réintégrées. Le syndicat, lui, n’a plus jamais activé parce qu’il avait agi sans le consentement de la direction de Sidi Saïd. Nous avons essayé de contacter ce dernier mais il n’a pas répondu à nos appels. Pour l’heure, les journalistes de la télévision publique attendent les résultats du recours introduit. «Nous avons introduit un recours. Nous attendons la réponse des instances concernées. Après, on décidera de la suite», indique un journaliste de la télévision. En 2010, la direction de l’UGTA avait déjà dissous la section de la télévision publique. Franchira-t-elle le pas cette fois encore ?
Ali Boukhlef