L’eau: Bond en arrière

Bond en arrière

El Watan, 23 octobre 2005

Le problème du manque d’eau ressurgit brutalement et gravement en ce Ramadhan dans plusieurs contrées d’Algérie. Dans les wilayas de Chlef, de Tlemcen, de Sidi Bel Abbès, de Skikda et même d’Alger, la population se plaint de nouveau des fréquentes coupures du précieux liquide.

Il y a aujourd’hui des régions dans l’extrême ouest du pays, par exemple, où l’eau ne revisite les robinets qu’une fois par semaine, quand elle n’arrive pas saumâtre et donc avec certains risques pour la consommation. Signe de cette désespérance hydrique : le recours aux jerrycans encombrant les sources publiques, pour un approvisionnement aléatoire. On pallie comme on peut les grands déficits de la distribution. Des scènes qu’on croyait appartenir au passé mais qui restent solidement attachées au quotidien des citoyens. Alors que les responsables au plus haut niveau de l’Etat annonçaient avec certitude une tendance progressive à l’amélioration quant à la satisfaction des besoins en eau potable, l’année 2005 étant prise comme une année référence pour juguler dans une très large proportion les pénuries cycliques, c’est vers un retour en arrière que l’on semble se diriger. Les belles promesses pour rassurer les Algériens sur la disponibilité de l’eau dans les foyers à des rythmes de fréquence acceptables n’ont pas résisté à l’épreuve du temps puisque le calvaire de la rareté de celle-ci est encore douloureusement vécu dans de très nombreuses communes du territoire. Dans les wilayas citées plus haut et dans d’autres encore, où les perturbations dans l’alimentation en eau sont devenues très courantes, imposées comme une fatalité, les populations, confrontées de manière dramatique à ce phénomène de restriction, qui prend une ampleur considérable pendant le mois sacré où la consommation augmente sensiblement, ne comprennent pas toujours comment leurs robinets demeurent à sec alors que, ne cesse-t-on de leur dire, la plupart de nos barrages ont été bien remplis. Les fortes précipitations enregistrées ces deux dernières années avaient suscité tous les espoirs d’un retour à la normale qui devait en principe se traduire par un approvisionnement régulier, en particulier dans les régions fortement touchées par la sécheresse, mais entre les prévisions un peu trop optimistes et la réalité des pénuries, il y a sûrement la part de la gestion proprement dite des ressources hydriques qui fausse tous les calculs. Le ministre des Ressources en eau en personne avait déjà avoué à la presse que « l’Etat gère mal l’eau ». C’est un constat d’échec qui ne fait donc que se perpétuer, occasionnant les mêmes inconséquences, alors que nos réserves ne sont plus mises en cause. Est-ce à dire que le problème de l’eau, qui reste évidemment très complexe, est trop « politisé » pour pouvoir un jour trouver sa solution dans un cadre strictement technique ? L’absence flagrante de maîtrise dans ce domaine, qui relève parfois de l’incompétence pure et simple, autorise à croire que faute de pouvoir gérer convenablement, soit dans les normes requises, le potentiel hydrique dont dispose le pays et qui théoriquement doit suffire à répondre aux besoins des familles à travers tout le territoire, on noie la problématique de l’eau dans les circuits des faux-fuyants, en la rattachant à la providence céleste. Durant la campagne pour la charte sur la réconciliation nationale, le règlement de la question de l’eau, comme celle du logement ou du chômage, était présent dans les discours. La politique aussi est un moyen pour retarder les échéances. Mais que reste-t-il de la démagogie quand cette matière vitale vient à vous manquer pendant plusieurs jours…

A. Merad