Les supporters racontent le cauchemar

Ils ont vécu l’enfer durant leur séjour au Caire

Les supporters racontent le cauchemar

El Watan, 16 novembre 2009

Ils revenaient de l’enfer. Les supporters algériens n’ont pas cru ce qui leur est arrivé au Caire. Ils ont vécu un véritable cauchemar. « Nous avons échappé à une mort certaine après la fin du match. On a été livrés en pâture à une foule d’Egyptiens déchaînée, avec la complicité de leur police », ont raconté les supporters hier à leur arrivée à l’aéroport d’Alger vers 16h45.

Leurs vêtements maculés de sang témoignent de l’enfer vécu au Caire. Ils étaient accueillis par des youyous des femmes travaillant à l’aéroport. Dans le vol de 16h45, en provenance du Caire, il y avait beaucoup de personnalités sportives et artistiques, parmi elles, l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Aziz Derouaz, les comédiens, Salah Ougrout, Kamel Bouakaz et le chanteur cheb Toufik et quelques parlementaires. Berkat Belkacem, député RND de Batna, qui était de la délégation s’est dit consterné par ce qui est arrivé aux Algériens. « Nous avons vécu un véritable cauchemar. Ils sont pires que les sionistes. Vous imaginez, on a été livrés par la police égyptienne aux supporters déchaînés et les services de sécurité assistaient au drame sans bouger. Ils étaient complices. » « On ne doit pas se taire, après tout ce qui s’est passé, nos responsables politiques doivent réagir. Ils ont déchiré les drapeaux algériens et insulté la mémoire de nos martyrs et c’étaient des policiers », a ajouté le député. Cheb Toufik, encore sous le choc, a déclaré : « Ils ont failli nous tuer. Ces Egyptiens nous détestent, il ne faut pas se faire d’illusion. » Les deux comédiens, Ougrout et Bouakaz, étaient encore sous le choc. Ils n’arrivent pas à croire encore qu’ils sont sains et saufs. « C’est la police qui nous a jetés en pâture. Même la délégation officielle n’a pas été épargnée par les agressions. C’est une bonne leçon pour nous. Eux quand ils viennent chez nous, on leur déroule le tapis rouge et sont hébergés dans des hôtels de luxe », s’indigne Bouakaz. Selon les témoignages recueillis auprès des supportes hier à l’aéroport d’Alger, pas moins d’une centaine de blessés. « Cela a commencé juste après la fin de la rencontre. Nous attendions dans les tribunes les instructions des services de sécurité égyptiennes pour monter dans les bus. Vers minuit, on quitte le stade du Caire escortés par une voiture de police et une vingtaine de minutes après notre départ, la voiture disparaît. Le bus ralentit avant qu’une meute de supporters égyptiens nous attaque avec des jets de pierres et des armes blanches. Ils étaient comme des fous, pire que les sionistes. Ils voulaient nous tuer. Les bus qui transportaient nos supporters étaient totalement endommagés. Et tout cela sous le regard de la police », témoigne Tayeb Meriem, ancien député, qui faisait partie de la délégation. L’hôtel qui hébergeait les supporters algériens se trouve à une heure de route du stade. « Tout au long du trajet, les Egyptiens n’arrêtaient pas de nous caillasser. Il y avait beaucoup de blessés », a ajouté l’ex-parlementaire. Un autre supporter, Hellal d’Alger, a affirmé avoir vu un supporter brûlé vif par des Egyptiens, lors de son retour du stade. Tous les bus transportant les supporters algériens après le match ont été la cible de violentes attaques des Egyptiens, qui les attendaient à la sortie du stade, a raconté un supporter. Selon les témoignages des autres supporters algériens, les bus ont été systématiquement caillassés et plusieurs passagers ont été blessés.

Ils étaient suivis jusqu’à l’aéroport

Les Egyptiens attendaient la sortie des bus devant ramener les Algériens à leurs hôtels aux abords du stade, dans la banlieue cairote, pour les soumettre à un véritable pilonnage de pierres. « tout ça s’est passé sous le regard complice des officiers de police égyptiens », confirme un groupe de supporters. Le drame vécu par nos compatriotes ne s’est pas terminé la nuit du match. Hier matin, à l’aéroport international du Caire, les supporters algériens ont été surpris par des agressions savamment orchestrées à l’intérieur même de l’aéroport. « On croyait que tout était terminé après le cauchemar de la nuit du match, malheureusement pour nous, une centaine d’Egyptiens étaient embusqués à l’intérieur de l’aéroport. Dès qu’on a franchi les portes de l’aéroport, on a été attaqués par une foule déchaînée. Même les journalistes ont été agressés. On a été pris en otage », témoigne, Bachir Cherif, directeur du journal La Tribune. Montrant les pierres avec lesquelles ont été agressés les Algériens. Pour tous les supporters des Verts, ce qui leur est arrivé au Caire renseigne sur la haine qu’ont les Egyptiens envers les Algériens. « Je suis sûr que si nous étions à Tel-Aviv on aurait eu droit à un traitement digne. Qu’on cesse de nous chanter la ‘‘oukhoua’’ et que nous sommes deux peuples frères. Ce qui s’est passé est une agression contre l’Algérie. On est touchés dans notre dignité, si nous avons de vrais dirigeants, ils doivent agir en conséquence », a indiqué un ancien député, actuellement membre du RND, chargé des relations avec le monde arabe.

Les autorités algériennes mises en cause

Les supporters algériens qui chantaient (one tow, three, viva l’Algérie), en descendant de l’avion, n’ont pas épargné les autorités algériennes dans leurs critiques. Pour eux, les représentants algériens au Caire n’ont pas été à la hauteur pour défendre les supporters algériens. Ni les ministres qui étaient sur place ni l’ambassadeur n’ont veillé au respect des mesures qui devraient être prises par les services de sécurité égyptiennes, disent certains supporters. Ces derniers ne comprennent pas encore pourquoi l’ENTV n’a pas montré l’agression contre le bus qui transportait l’équipe nationale lors de son arrivée au Caire. « Pourquoi veut-on cacher la vérité aux Algériens, a-t-on peur de ces Egyptiens qui voulaient nous tuer ? », se sont interrogés les fans des Fennecs, hier à l’aéroport. Malgré le drame cairote, les supporters des Verts, à peine ont-ils repris leur souffle, demandent comment rejoindre Khartoum pour soutenir les Verts. « On est avec eux jusqu’au bout », scandent-ils en quittant l’aéroport.

Par Hacen Ouali


Folles rumeurs sur le décès de supporters algériens en Égypte

Le traquenard du Caire

C’est un véritable guet-apens, un traquenard dans lequel les supporters algériens sont tombés à leur sortie du stade », dit Yacine. L’homme qui parle ainsi, c’est le docteur Yacine Hakimi, chirurgien au CPMC de l’hôpital Mustapha d’Alger il sait exactement de quoi il parle en matière de blessures et de traumatismes.

Le Caire (Egypte). De notre envoyé spécial

Selon son témoignage, les bus des supporters algériens sont sortis vers 1h de l’enceinte du stade, escortés par la police. Seulement, au bout d’une dizaine de kilomètres, cette escorte a rebroussé chemin pour livrer ceux qu’elle était censée protéger à la furia des supporters égyptiens résolus à tailler en pièces tout Algérien qui leur tomberait sous la main. Une pluie de projectiles a commencé alors à tomber sur les bus ; les vitres ont explosé les unes après les autres. « Je croyais mon heure arrivée », poursuit Yacine.

« une algérienne déshabillée devant nous »

Le chauffeur du bus égyptien a refusé de continuer sous prétexte que sa vie était en danger. Les malheureux supporters ont été contraints de faire le reste du trajet à pied au milieu d’une foule hostile qui continuait à les bombarder de pavés et de pierres et à les abreuver d’injures. « Ce n’est qu’une fois à l’intérieur de l’hôtel que j’ai pu donner les premiers soins. Là, j’ai eu affaire à une crise d’épilepsie, un cas de traumatisme fermé du coude, un traumatisme grave du bassin, un traumatisme oculaire grave, et deux côtes cassées sans compter les plaies ouvertes sur la face ou au cuir chevelu », raconte encore notre médecin. Malheureusement, ce témoignage est loin d’être un cas isolé. Des témoignages comme celui-là nous en avons relevé des dizaines au sein des supporters algériens. Nesma est étudiante au Caire. Elle raconte les humiliations et les brimades subies au stade. « Des femmes policières nous ont déshabillées alors que leurs collègues hommes nous regardaient. Nous avons été continuellement insultées pendant les trois heures d’attente que nous avons passées à attendre pour entrer dans l’enceinte du stade », dit-elle, en nous montrant les photos de supporters algériens couverts de sang qu’elle a prises avec son propre appareil à la sortie du stade. Elle nous montre également la photo d’un drapeau algérien maculé de sang et celles de personnalités algériennes présentes comme l’acteur Kamel Bouakaz, Souilah et cheb Toufik. Sofiane, supporter venu d’Alger raconte : « A l’entrée du stade, nous autres Algériens avons été fouillés plus de 70 fois. Mêmes nos parties génitales ont été fouillées. » Réda de Biskra, lui, témoigne qu’à la sortie du stade, les Algériens ont été systématiquement tabassés et insultés après vérification de leur identité. « Une Algérienne a été déshabillée par des policiers devant nous », affirme-t-il. Il raconte également le cas d’une autre Algérienne, qui est sortie de la cabine où elle avait été fouillée par des policières, bouleversée et en pleurs. Son mari, présent, est rentré dans une rage folle. Un autre supporter raconte que dans le stade, les robinets d’eau ont été fermés. « Ils nous vendaient une gorgée dans un minuscule gobelet à trois livres égyptiennes ! », dit-il. Témoignage de Brahim : « Après le match, on nous a fait monter dans des bus et lâché dans la nature. Notre bus a été bombardé de toutes parts. A la station de Guizeh, le chauffeur de bus égyptien a abandonné son poste et nous a livrés à la foule. »

Les policiers égyptiens ont laissé faire

Des larmes de rage aux yeux, deux autres supporters racontent : « Nous avons fui notre bus, mais l’hôtel Cleopatra où nous étions descendus a été encerclé par les supporters égyptiens qui brûlaient des drapeaux algériens sous le regard des policiers et sous les applaudissements et les encouragements des automobilistes. Hogra ! Hogra ! Hogra ! » Originaire de Barika, Tarik, lui, raconte qu’à l’hôtel Guizeh Pyramid, ce sont les policiers et les civils égyptiens qui se sont attaqués aux Algériens. Après que leur bus ait été complètement endommagé, la police est venue avec un camion pour le traîner très loin de peur que des journalistes arrivent sur place pour le filmer ou le prendre en photo. Chacun des dizaines de supporters que nous avons rencontrés tenait à apporter un témoignage, des photos et des vidéos de la nuit cauchemardesque qu’il a vécu. Il s’avère qu’une véritable chasse à l’Algérien a suivi immédiatement après la sortie des supporters du stade sous le regard complice des forces de l’ordre égyptiennes. On parle de morts dont le nombre varie entre un et quatre. « Celui qui est mort, je l’ai vu de mes propres yeux. C’est un gars de Tizi Ouzou qui avait le sigle de la JSK peint sur sa nuque », raconte Nabil, qui dit également avoir vu un blessé grave allongé par terre, la tête couverte de sang et auquel personne ne prêtait assistance. Des dizaines d’Algériens auraient été admis dans les hôpitaux du Caire. D’autres auraient été arrêtés par la police et seraient actuellement détenus en prison. « Je connais un groupe dont l’un des membres a été arrêté par la police et on leur a demandé 1800 euros pour le faire sortir », intervient un autre supporter. A l’ambassade d’Algérie au Caire et au consulat où nous nous sommes rendus, la mort d’un seul supporter nous a été confirmée par les services consulaires. « C’est un véritable cafouillage général. Comment avoir des informations dans une ville de 22 millions d’habitants, alors que les autorités égyptiennes verrouillent toute information sur ce sujet. Le Caire est une ville immense et il n’est pas facile de chercher les blessés algériens dans les hôpitaux. Pour le moment, nous ne pouvons confirmer qu’un seul décès parmi nos supporters », admet un officiel algérien. Devant les portes de l’ambassade, des dizaines de supporters étaient agglutinés dans l’espoir d’obtenir un visa pour Khartoum. Malgré le drame qu’ils ont vécu, ils tiennent absolument à se rendre au Soudan pour encourager leur équipe. En fin d’après-midi, l’ambassadeur d’Algérie, Abdelkader Hadjar est arrivé accompagné de quelques collaborateurs. Il a aussitôt été interpellé par des Algériens qui voulaient lui livrer des informations sur des compatriotes, morts, disparus ou gravement blessés. L’ambassadeur et ses collaborateurs veulent des informations précises, des noms d’hôpitaux ou de victimes, mais les supporters, dans la plupart des cas, ne possèdent que des renseignements approximatifs. Ne connaissant rien du Caire, ni ses rues, ni ses quartiers, ni ses hôpitaux, ils n’ont que des photos et des vidéos à montrer à l’ambassadeur, qui avoue ne pas savoir où chercher exactement. C’est ainsi qu’à l’heure où nous mettons sous presse, aucune autorité ne semble disposer de chiffres précis sur le nombre de victimes algériennes. Le voile commence à peine à se lever sur le drame qui s’est joué en dehors de l’enceinte du stade loin des caméras, mais sous les yeux complices de la police égyptienne. Cela s’est passé alors que les Egyptiens avaient gagné le match pour revenir à la hauteur des Algériens. On n’ose pas imaginer ce qui se serait produit si le score en était resté à un but à zéro.

Par Djamel Alilat


Aucun décès signalé, selon l’ambassadeur d’Algérie au Caire

L’ambassadeur d’Algérie en Egypte, Abdelkader Hadjar, a démenti hier les informations selon lesquelles des supporters algériens seraient décédés au Caire après le match de football ayant opposé l’équipe nationale algérienne à son homologue égyptienne. « A cet instant, aucun décès n’a été signalé du côté des supporters algériens » après le match Algérie-Egypte.

« Des informations circulaient depuis samedi, faisant état de la mort de supporters algériens au Caire ; mais après vérification, notamment auprès des services hospitaliers, aucun décès ne nous a été signalé », a-t-il affirmé. L’ambassadeur d’Algérie a également démenti les informations, rapportées par certains médias, selon lesquelles « les corps de 6 victimes sont arrivés à l’aéroport international Houari Boumediène ». « Le gouvernement égyptien nous a informés que 11 Algériens ont été blessés ; ils ont quitté l’hôpital après avoir reçu des soins », a-t-il encore indiqué.


La FIFA a laissé faire

Encore une fois, les supporters algériens sont violemment tabassés par une foule hystérique au Caire, sous le regard passif, pour ne pas dire complice, de la police égyptienne.

Un vrai guet-apens qui restera à jamais gravé dans les mémoires des jeunes supporters ; il vient raviver le triste souvenir de Sfax et Sousse, en Tunisie, lorsque les policiers tunisiens ont fait la chasse à l’Algérien, en 2004, en recourant à une violence inouïe. Bilan : un mort et des centaines de blessés parmi les fans de l’équipe nationale. Dans les deux cas, la responsabilité incombe en premier lieu aux autorités algériennes. Elles n’ont pas été fermes et intransigeantes vis-à-vis des pays d’accueil en ce qui concerne la sécurité de leurs ressortissants. Comment peut-on accepter que des milliers de supporters algériens soient lynchés sans que les services de sécurité du pays concerné réagissent ? L’Etat algérien est en droit de réclamer une protection pour ses ressortissants et faire en sorte que jamais ils ne puissent faire l’objet d’embuscades meurtrières sur leur chemin de retour. Dans un pays européen, causer des blessures à trois joueurs d’une quelconque équipe aurait soulevé l’indignation de tous. L’incident aurait même poussé la FIFA à reporter la date du match et à le faire jouer sur un terrain neutre pour sanctionner le pays responsable. Là, il s’agit d’équipes africaines, la prestigieuse FIFA a laissé faire, se contentant de garanties écrites des autorités égyptiennes pour assurer la sécurité des Algériens. Un engagement foulé aux pieds, dès la fin du match, avec le lynchage de centaines de supporters. Devant les graves dérives égyptiennes, la FIFA a observé un silence de marbre comme si ces événements ne concernaient pas une manifestation qu’elle a elle-même organisée et supervisée. Il est vrai que les Egyptiens n’auraient jamais franchi ce pas de violence s’ils avaient en face un Etat fort, qui protège ses ressortissants là où ils sont.

Presque absentes, les autorités algériennes, en dépit de la gravité de la situation, sont restées attachées aux formules protocolaires. Elles ont carrément déculpabilisé « le pays frère » et pointé un doigt accusateur en direction « d’un groupe isolé ». C’est la phrase que ne cessait de répéter le ministre de la Jeunesse et des Sports, Hachemi Djiar, à partir du Caire. Ce qui s’est passé avant et après le match relève de la responsabilité de l’Etat égyptien, dont le devoir est de protéger les supporters algériens – ses invités – et non de les livrer au lynchage et leur asséner un coup de couteau dans le dos. Les graves dérives des uns et les fuites en avant des autres font gronder la rue algérienne, envahie par des milliers de jeunes en colère, réclamant des passeports et des tickets de voyage pour le Soudan afin de remplir les gradins le 18 novembre prochain, lors du match d’appui. Ils veulent juste laver l’affront que les autorités égyptiennes leur ont infligé en chassant à coups de pierres des centaines de leurs compatriotes. Ils veulent tout simplement montrer à ceux auxquels ils ont offert des roses au mois de juin dernier à Blida, lors du match aller, que la violence est le propre des faibles et qu’elle ne peut les empêcher d’aimer le symbole de leur pays, leur équipe nationale. Exprimée haut et fort, cette légitime volonté des Algériens à aller encourager leur équipe à Khartoum doit être soutenue non seulement par l’Etat, mais également par les industriels algériens. Pour une fois, ces derniers sont appelés à mettre la main à la poche pour soutenir l’équipe nationale.

Par Salima Tlemçani