Ali Yahia Abdenour: L’impunité doit cesser

Les droits de l’homme chez nous

L’impunité doit cesser

Maître Ali Yahia Abdenour, Le Jeune Indépendant, 10 décembre 2000

Les droits de l’homme ont franchi trois étapes en Algérie. Avant octobre 1988, ils étaient réservés à la nomenklatura et à ceux qui gravitaient autour d’elle. Après 1988, ils ont concerné les couches moyennes de la société. A partir de 1992, ils ont été revendiqués par les couches populaires. On peut dire que les droits de l’homme ont acquis le droit de cité dans notre pays.

Les droits de l’homme sont indivisibles et universels. Ils n’ont pas de frontières idéologiques ou politiques. Les problèmes les plus importants relatifs aux droits de l’homme concernent la torture, les exécutions sommaires, les massacres collectifs, les enlèvements suivis de disparitions, les arrestations abusives. La torture est un crime contre l’humanité. Elle est, après l’esclavage, le plus grand fléau de l’humanité. C’est la terreur individualisée. Elle est utilisée pour obtenir des informations, pour faciliter les condamnations par la justice, et pour recruter des indicateurs. Des dizaines de milliers d’Algériens ont été torturés, depuis octobre 1988, et surtout de juin 1991 à ce jour, par des organismes relevant tant de l’autorité militaire que de l’autorité civile. Les massacres collectifs de l’été 1997 et de l’année 1998 ne sont pas encore élucidés. Une commission d’enquête internationale est nécessaire pour découvrir la vérité. La notion de non-ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat ne résistent pas aux pactes et conventions internationaux relatifs aux droits de l’homme non seulement signés, mais ratifiés par l’Algérie. L’impunité doit cesser, et les tortionnaires de tous bords doivent être traduits en justice. Ce n’est que lorsque vérité et justice seront à l’ordre du jour qu’il sera possible d’aborder le problème de la réconciliation nationale. L’urgence des urgences est la question des disparus. Tout au long de ces deux dernières années, le pouvoir a voulu écarter sa responsabilité par des arguments réfutés par la réalité. Il a voulu faire accréditer l’idée que les disparus étaient enlevés par les groupes armés islamistes, ou ont rejoint les maquis ou l’étranger. Il a même fait courir le bruit que certains d’entre eux se trouvaient dans les rangs de l’AIS et ont été libérés. Ce n’est que de la propagande mensongère. Les disparus ont été soit enlevés de nuit à leur domicile par les forces de sécurité identifiées, soit arrêtés à leur lieu de travail, soit ne sont pas revenus après des convocations régulières des services de police. Le pouvoir est tenu de dire la vérité. S’il y a encore des vivants, il doit les libérer ou les traduire en justice. S’ils ont été assassinés, il doit indiquer les lieux de leur enterrement. Les familles de disparus qui vivent le calvaire ne peuvent plus attendre et demandent vérité et justice. Les bourreaux de l’Etat ne seront pas traduits en justice, car cette dernière est dépendante du pouvoir et obéit aux ordres donnés par les services de sécurité. La loi sur la concorde civile ne peut ramener la paix. C’est une loi strictement sécuritaire. Quand des hommes abandonnent leurs foyers, leur travail, courent le risque de perdre leur liberté et même leur vie, il ne faut pas les traiter d’égarés, mais respecter leur dignité et leurs convictions politiques ou religieuses. La paix durable sera une réalité dans notre pays par la solution politique, avec la participation sans exclusive de toutes les forces politiques représentatives. A. Y. A.

 

 

 

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