Demandeuse d’asile depuis des mois, elle se pend

Demandeuse d’asile depuis des mois, elle se pend
dans la zone de transit

FRANCFORT (Allemagne), 15 mai (AFP) – Désespérée
d’attendre, après des mois, le résultat d’une
demande d’asile en Allemagne, une Algérienne de
40 ans s’est pendue, le 6 mai dernier, au
troisième étage d’un foyer pour réfugiés de la
zone de transit de l’aéroport de Francfort
(centre-ouest).

Après de nombreuses crises de larmes et une
dépression nerveuse au mois de février, l’avocat
de la demandeuse d’asile avait pourtant demandé
au ministère régional de l’Intérieur de Hesse
(dirigé par un chrétien-démocrate) de lui
accorder un visa d’entrée, « pour des raisons
humanitaires ». En vain.

Un tel drame « n’aurait pas dû se produire, estime
le député Cem Oezdemir (Les Verts), l’un des
rares hommes politiques allemands à être
d’origine turque. C’est pour nous tous la preuve
de l’indigence dont fait preuve notre société ».

Le suicide de la jeune femme a soulevé une
polémique en Allemagne, sur la manière dont sont
traités les demandeurs d’asile en attente. Dans
la zone de transit, la jeune Algérienne vivait
comme en prison, réléguée dans un bloc de béton
où, malgré des fenêtres perpétuellement fermées,
on respire des vapeurs de kérosène véhiculées par
le système d’aération.

« Ici, l’intimité n’existe plus », renchérit Horst
Schaefer, porte-parole de l’Eglise évangélique de
Francfort, qui a créé, avec les catholiques de
l’association Caritas, une antenne de secours
pour les demandeurs d’asile de l’aéroport de
Francfort.

La situation dramatique de ces derniers a pour
origine la dernière réforme du droit d’asile,
entrée en vigueur en 1993: depuis, un demandeur
d’asile arrivant en Allemagne par un aéroport
doit faire sa demande d’asile immédiatement.
Ensuite, le bureau des étrangers doit,
théoriquement dans les deux jours, statuer sur sa
demande d’asile.

En cas de refus, les réfugiés ont trois jours
pour saisir un Tribunal administratif qui doit
rendre sa décision dans les deux semaines. Cette
procédure, dite d’urgence, incite souvent les
candidats à l’asile à rester à l’aéroport,
puisqu’ils ne disposent d’aucun papier valable.

Depuis plusieurs années, l’Eglise évangélique et
Caritas réclament l’abolition de ce système qui,
accuse M. Schaefer, met les gens « dans une
situation psychique exceptionnelle ».

Selon lui, crises de nerfs, déprimes et
dépressions sont très courantes chez les
demandeurs d’asile rélégués en zone de transit.
Depuis deux ans, assure-t-il, les services
sociaux de l’aéroport ont recensé de nombreux cas
de tentatives de suicide.

Le porte-parole cite notamment le cas de ce
réfugié nigérian, qui avait tenté de se pendre à
une conduite d’aération, en juillet 1998. Ayant
survécu à sa tentative, il avait été admis en
pyschiatrie puis était retourné, le lendemain, à
l’aéroport. Deux jours plus tard, il était
expulsé.

L’Eglise évangélique dénonce pour sa part des
conditions qui ont empiré ces dernières années
pour ceux qui sont en transit dans les aéroports:
ils doivent attendre de plus en plus longtemps.
Ainsi, en 1997, deux hommes ont attendu pendant
plus de 100 jours et, l’année dernière, douze
demandeurs d’asile sont restés plus de 200 jours
en zone de transit.

M. Oezdemir et Les Verts sont partisans d’une
limitation stricte de ces séjours forcés dans les
aéroports. Une promesse qui, assure l’association
d’aide aux réfugiés Pro Asyl, figurait dans le
programme de coalition SPD-Verts lors de
l’arrivée aux affaires du chancelier Gerhard
Schroeder et qui n’est toujours pas tenue.

Le 17 mai, la commission des Affaires intérieures
du Bundestag, chambre basse du Parlement, doit
débattre du problème.

cax-jd/ab eaf.tmf

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