L'Algérie 10 ans après le putsch    
Les droits humains: Un bilan désastreux 

L�Alg�rie 10 ans apr�s le putsch

Les droits humains: Un bilan d�sastreux

Algeria-Watch, 11 janvier 2002

 

Pr�sentation

Le 11 janvier 1992 les militaires alg�riens interrompent le processus �lectoral et plongent le pays dans une guerre sans nom. Nous pr�sentons ici un dossier comportant plusieurs documents :

  1. Un bilan d�Algeria-Watch sur les atteintes aux droits de l�Homme par les services d�pendants de l�Etat.
  2. Une chronologie des �v�nements entre 1992 et 2002 �tablie par Dr. Salah-Eddine Sidhoum.
  3. Une liste de plus de 3500 disparus, �tablie par Algeria-Watch et Dr. Salah-Eddine Sidhoum avec la contribution de nombreux d�fenseurs des droits de l�Homme.
  4. Une liste d�taill�e de 1000 disparus, �tablie par Algeria-Watch et Dr. Salah-Eddine Sidhoum.
  5. Une liste de 1100 ex�cutions sommaires, �tablie par Algeria-Watch et Dr. Salah-Eddine Sidhoum.

Ces documents n�ont pu �tre r�dig�s que gr�ce aux recherches et au travail de collecte d�informations souvent difficiles et dangereux entrepris depuis le d�but de la trag�die par une poign�e de d�fenseurs de droits humains et l�apport des familles de victimes en qu�te de v�rit�.

D�s l�arr�t du processus �lectoral le 11 janvier 1992, le FIS (Front Islamique du Salut), principal parti d�opposition, qui avait obtenu d�s le premier tour du scrutin la majorit� des si�ges de l�assembl�e, est interdit et une r�pression sanglante s�abat sur ses membres et sympathisants. Une opposition arm�e s�organise rapidement en s�attaquant principalement aux forces de s�curit�. Des maquis se constituent et les groupes arm�s s�imposent dans diff�rentes r�gions du pays. Les acteurs politiques sont �limin�s ce qui entra�ne une radicalisation de part et d�autre : l�appareil r�pressif mal pr�par� � une gu�rilla s�aguerrit gr�ce au soutien financier international � partir de 1994 tandis que les groupes arm�s se diversifient et s�attaquent de plus en plus souvent aux civils.

Depuis, nous assistons � la militarisation forc�e de la soci�t� avec la constitution de milices (gardes communales, groupes dits d�autod�fense et �patriotes �) qui assistent les forces de s�curit� ou agissent de fa�on autonome. De v�ritables roitelets avec leur arm�e priv�e font leur apparition tandis qu�un terrorisme li� � des int�r�ts �conomiques participe � la d�rive du secteur public. Il devient extr�mement difficile d�identifier les divers acteurs de la violence : Se c�toient forces de s�curit�, escadrons de la mort, forces sp�ciales, milices, groupes arm�s islamiques, sans que les victimes puissent toujours les distinguer les uns des autres. Une des caract�ristiques de cette guerre est que les acteurs se substituent les uns aux autres : forces sp�ciales apparaissent en kachabia (manteau traditionnel) tandis que les groupes arm�s portent des tenues militaires. S�ajoute � cette confusion l�apparition de � faux groupes arm�s � qui se substituent aux vrais et commettent en leur nom les plus graves crimes.

M�me si la situation actuelle des droits de l�homme n�est pas comparable � celle qu�a v�cue la soci�t� alg�rienne durant les ann�es 1994-1998, les diff�rents acteurs sont toujours actifs et toutes les formes d�atteintes aux droits humains persistent jusqu�� nos jours.

Nous pr�sentons ici un bilan des violations commises principalement par les acteurs de l�Etat pour diff�rentes raisons :

1- L��tat s�engage non seulement � respecter le principe des droits fondamentaux de la personne mais a un devoir de protection des populations victimes de violences.

2. Sans la recherche d�une solution politique au conflit alg�rien, la paix ne pourra s��tablir, or les � d�cideurs � li�s � l�Etat et plus pr�cis�ment � l�institution militaire n�ont pas �uvr� dans le but d�une v�ritable r�conciliation mais semblent au contraire tirer profit de cette situation insurrectionnelle comme l�atteste ces derniers mois la gestion de la question dite � kabyle �.

3. La majorit� des crimes sont perp�tr�s dans une impunit� totale. Les groupes arm�s d�opposition ont commis de graves atteintes aux droits de l�Homme. Mais paradoxalement, jusqu�� pr�sent, les assassinats, enl�vements et massacres qui leur sont imput�s n�ont pas �t� �lucid�s de fa�on cr�dible, et les v�ritables responsabilit�s n�ont pas �t� �tablies. L�opinion a eu droit � des mascarades de proc�s se basant sur des aveux extorqu�s sous la torture. Pourtant il est du devoir de l�Etat d�engager des proc�dures transparentes et de permettre des proc�s �quitables afin de juger les v�ritables coupables pour les crimes qu�ils ont commis.

4. La demande d�enqu�tes impartiales nationales ou internationales faisant la lumi�re sur les crimes commis par les diff�rents protagonistes de cette guerre (notamment les grands massacres dans les ann�es 1997 et 1998) n�a pas trouv� d��cho favorable au niveau du pouvoir. La seule commission d�enqu�te cr�dible mise en place � l�occasion des graves �meutes du printemps 2001 �tablit clairement la responsabilit� de la gendarmerie dans l�escalade de la violence et les ex�cutions sommaires de manifestants. Ce d�but d�enqu�te n�a pas eu de suites.

5. La politique de � la concorde civile � qui aurait pu contribuer � mettre un terme � cette situation d�impunit� et engager un processus de paix a tout au contraire �t� une tentative de codifier l�impunit� et a renforc� le sentiment de confusion.

Contexte

La trag�die qui perdure en Alg�rie depuis 10 ans est caract�ris�e par la confusion et l�opacit� qui l�entourent. Cette confusion trouve son expression dans la difficult� de la qualification de ce qui se d�roule dans le pays : Est ce une � guerre �? Une � guerre civile � ? Une � op�ration de maintien de l�ordre � ? Une � lutte contre le terrorisme � ?

Tandis que le discours officiel fait �tat de quelques milliers de victimes (le chiffre officiel d�but 1998 �tait de 26 536 morts) qui auraient �t� dans leur �crasante majorit� tu�es par les groupes arm�s (dans le vocabulaire officiel, il n�est question que de � terroristes �), les observateurs avertis avancent le chiffre de 200 000 morts jusqu�� nos jours. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, n�a-t-il pas au moment de son investiture en avril 1999 estim� le nombre de morts � 100 000 ? Et qu�en est-il des disparus, tortur�s, bless�s, orphelins, veufs et veuves, d�plac�s, exil�s, de toutes les victimes qui n�ont pas �t� comptabilis�es? Tandis que pour les disparus les chiffres varient entre 4000 et 20 000, il n�existe pratiquement pas de d�compte des autres victimes.

Mais au-del� de la bataille des chiffres, le flou est consciencieusement entretenu sur les responsables de ces violences extr�mes. Le pouvoir alg�rien pointe du doigt le � terrorisme islamique � qui, depuis 1992 en serait � son � dernier quart d�heure �, puisqu�il n�est que � r�siduel �. Les victimes, leurs familles et les organisations de d�fense des droits humains nationales et internationales quant � elles, sans ignorer les violences des groupes arm�s, ont des preuves irr�futables de l�implication des services de l��tat dans les violations graves et syst�matiques des droits humains.

Depuis des ann�es, la r�pression d��tat est l�gitim�e par le fait que si le processus �lectoral n�avait pas �t� interrompu en janvier 1992, le FIS aurait instaur� une dictature islamique. Le parti d�opposition aurait install� une th�ocratie mena�ant les libert�s publiques, le pluralisme et le statut des femmes. Or, pour sauvegarder la d�mocratie, une politique d��radication de l�opposition islamique s�imposait. Le choix de l�option militaire est sans cesse justifi� par les actions de groupes arm�s qui sont syst�matiquement assimil�s au parti dissous du FIS.

L�instauration de l��tat d�urgence, la promulgation d�un d�cret dit � anti-terroriste � accompagn�es d�une multitude de mesures r�pressives font de l��tat alg�rien un �tat domin� par les services secrets contr�lant tous les rouages de l�administration et toute activit� politique et �conomique. La soci�t� alg�rienne de plus en plus militaris�e s�enfonce dans une violence dont les acteurs multiples sont difficilement identifiables. L�absence de protection de la population par l��tat alg�rien s�accompagne d�un silence entretenu par le fait que jusqu�� pr�sent un journalisme d�investigation est pratiquement impossible et les observateurs nationaux et internationaux sont extr�mement r�duits dans leurs mouvements s�ils ne sont pas tout simplement interdits d�activit�.

Cette confusion maintenue sciemment par les v�ritables d�tenteurs du pouvoir permet avec l�aval des partenaires europ�ens, arabes et am�ricain de simuler une � normalisation � de la situation politique et s�curitaire alors que les violations des droits humains perdurent dans un contexte d�impunit� totale.

La gestion du politique par la violence, doubl�e de l�exclusion �conomique et sociale d�importants pans de la soci�t�, ainsi que la marginalisation ou la r�cup�ration d�acteurs politiques, cr�e un climat de suspicion dans lequel un d�bat autour de la question de la sortie de la crise semble biais�.

Tant que les � d�cideurs � alg�riens actuels s�accrochent au statu-quo et torpillent toute tentative de sortie de crise, il appara�t difficile de concevoir une am�lioration de la situation des droits de la personne en Alg�rie. Les diff�rentes initiatives lanc�es durant toutes ces derni�res ann�es n�ont pu aboutir faute de soutien de la classe politique alg�rienne, atomis�e et embrigad�e, et faute de position critique des gouvernements partenaires vis � vis du pouvoir alg�rien. Il est temps que les europ�ens, sous pr�texte de lutte commune � contre le terrorisme � et par crainte d�une � invasion � de r�fugi�s alg�riens en Europe, cessent de soutenir le r�gime.

Historique depuis janvier 1992

Le putsch et le vide institutionnel

Le 26 d�cembre 1991 et le 16 janvier 1992 sont pr�vues les premi�res �lections l�gislatives pluralistes de l�Alg�rie ind�pendante. A l�issue du premier tour et face au succ�s du Front Islamique du Salut (FIS) une p�riode de flottement s�installe durant laquelle les chefs de l�Arm�e se r�unissent maintes fois pour d�cider du devenir du pays. Le 11 janvier 1992 le pr�sident Chadli Bendjedid remet sa d�mission au Conseil constitutionnel et annonce que l�assembl�e nationale est dissoute depuis le 4 janvier. Le 12 janvier ce m�me Conseil proclame � l�impossibilit� de poursuivre le processus �lectoral �. Il y a vide juridique puisque la constitution ne pr�voit pas qu�un pr�sident de la R�publique dissolve le parlement et d�missionne. Sans Pr�sident de la R�publique ni Pr�sident de l�assembl�e qui, en cas de vacance de ce dernier, doit assumer cette fonction pendant 45 jours avant d�organiser de nouvelles �lections, c�est le Haut conseil de S�curit� compos� de trois g�n�raux-majors et trois civils qui prend la direction du pays. Le 14 janvier est annonc� la cr�ation du Haut Comit� d�Etat, organe non pr�vu par la constitution, qui doit couvrir la dur�e de la pr�sidence jusqu�� la fin du mandat de Chadli Bendjedid en d�cembre 1993. Ce HCE, compos� de cinq personnes dont le ministre de la D�fense Khaled Nezzar, est pr�sid� par Mohamed Boudiaf qui sera assassin� six mois plus tard. L�opposition repr�sentative compos�e du FIS, FFS et FLN proteste contre � le coup d�Etat militaire �.

Avec ce premier coup de force qui n�a pas suscit� de critiques à l�ext�rieur, les militaires alg�riens vont introduire toute une s�rie de mesures pour bloquer toute issue politique pacifique et transposer le conflit sur un terrain militaire.

Un d�cret pr�sidentiel n� 92-44 du 09 f�vrier 1992 portant instauration de l'�tat d'urgence pour une dur�e de 12 mois est promulgu�, pr�lude aux d�crets et arr�t�s futurs qui vont ent�riner le glissement des pr�rogatives de l�autorit� civile vers l�autorit� militaire. La commission d�enqu�te sur les �v�nements en Kabylie constate dans son dernier rapport datant de d�cembre 2001 que � la chronologie des textes permet de constater un glissement subtil de l'�tat d'urgence vers ce qui s'apparente plut�t � l'�tat de si�ge. Les pouvoirs donn�s par l'arr�t� de 1993 aux commandants des r�gions militaires sont des pouvoirs propres, ce qui est caract�ristique de l'�tat de si�ge �. [1]

L�extrajudiciaire qui caract�rise la situation d�s janvier 1992 prend une forme tr�s concr�te avec l�ouverture en f�vrier 1992 des camps d�internement dans le sud alg�rien qui accueilleront pr�s de 15 000 personnes frapp�es de d�tention administrative sans inculpation ni jugement. La fermeture du dernier centre aura lieu officiellement en novembre 1995.

Les mesures accompagnant ce d�cret pr�voient l�arrestation de personnes et la suspension ou la dissolution des municipalit�s si elles � entravent le service public � et leur remplacement par des d�l�gations ex�cutives communales, compos�es de personnes d�sign�es par l�administration ; les tribunaux militaires peuvent �tre saisis dans des affaires civiles si elles sont consid�r�es comme une menace pour l�Etat.

Le 4 mars 1992 la dissolution du FIS est annonc�e et le 29 mars 1992 un d�cret portant dissolution des APC (Assembl�es populaires communales) dont 397 du FIS, 28 du FLN et 7 ind�pendants et des APW (Assembl�es populaires des wilayas) dont 14 du FIS est promulgu� et appliqu� au cours de l�ann�e 1992.

L�arsenal r�pressif se dote le 30 septembre 1992 d�un d�cret-loi sur la lutte contre le terrorisme et la subversion [2] pr�voyant notamment l�instauration de trois cours sp�ciales dont les magistrats restent anonymes. Sont jug�es par ces cours plus de 10 000 personnes entre f�vrier 1993 et juin 1994. [3] Les cours sp�ciales seront supprim�es mais avec l�int�gration d�une grande partie des articles de cette loi dans le code p�nal en f�vrier 1995 les r�gles d�exception demeurent en place. [4]

Finalement en d�cembre 1992, le couvre-feu est impos� dans la capitale et dans les six d�partements avoisinants. En f�vrier 1993, l'�tat d'urgence est prolong� pour une dur�e ind�termin�e. Il faut attendre 1996 pour que le couvre-feu soit d�finitivement lev�.

Ces mesures sont accompagn�es par une multitude de circulaires confidentielles adress�es aux m�dias et magistrats enfreignant s�rieusement � leur ind�pendance. [5] Officiellement il est dit que ces circulaires ont �t� retir�es. Mais le projet d'amendement du Code p�nal, sanctionnant les d�lits de presse par de lourdes amendes et des peines allant de deux mois � un an de prison, adopt� par l�assembl�e nationale le 15 mai 200, ainsi que les projets de modifications et de compl�ments concernant l�organisation de la profession d�avocat montrent la pr�carit� dans laquelle certaines professions sont exerc�es.

 

Les diff�rentes phases de la r�pression

Dans un pareil contexte caract�ris� par l��tat de non-droit, les violations aux droits humains les plus graves peuvent �tre perp�tr�es dans une impunit� quasi-totale. Si la r�pression d��tat a connu diff�rentes phases cela ne signifie nullement que les multiples atteintes n�aient pas eu lieu tout au long de ces dix ann�es de guerre.

 

1992-1993 : La mise en place de l�appareil r�pressif

La mise en place de la machine r�pressive sur le plan juridique d�crite plus haut s�accompagne de mesures polici�res concr�tes. D�s janvier 1992 les manifestations du FIS pour protester contre l�arr�t des �lections sont r�prim�es dans le sang. Mi-mars 1992, un d�compte officiel fait �tat de 70 morts et plusieurs centaines de bless�s. Jusqu�au 1er avril 1992 pr�s de 7000 cadres et sympathisants du FIS sont arr�t�s, tortur�s, incarc�r�s dans les prisons ou les camps d�internement. C�est une r�pression plus ou moins cibl�e qui touche des militants et sympathisants connus et souvent fich�s de la mouvance du FIS, m�me si des arrestations aveugles de personnes n�ayant aucun rapport avec le parti interdit sont enregistr�es.

Durant cette p�riode, les ex�cutions sommaires et disparitions sont encore rares. Les agents de la r�pression se recrutent surtout parmi les policiers, qui sont la cible privil�gi�e des premiers groupes arm�s qui se constituent d�s 1992. D�une mani�re g�n�rale, les forces de s�curit� sont mal pr�par�es � ce genre de situation insurrectionnelle. Il faut attendre l�automne 1992 pour que des forces sp�ciales sous la direction du chef d�Etat major voient le jour. Ces unit�s compos�es de troupes d��lite, disposant d�h�licopt�res, de blind�s l�gers coop�rent �troitement avec la s�curit� militaire. Elles agiront d�s fin 92 mais surtout � partir de fin 1993-1994.

 

1994-1996 : La syst�matisation de la r�pression

Le r��chelonnement de la dette alg�rienne et les cr�dits dont b�n�ficie l��tat alg�rien � partir de 1994 permet � son arm�e de se doter de plus amples moyens militaires. D�s 1992 les barrages et ratissages font leur apparition. Mais � partir de 1994 ce sera le lot quotidien de millions d�Alg�riens vivant dans les quartiers populaires des grandes et petites villes et les campagnes consid�r�s comme sympathisants du FIS. Pendant des ann�es, des voitures et bus doivent passer par de nombreux barrages o� tous les passagers sont oblig�s de sortir des v�hicules et de passer par la fouille qui peut durer une ou deux heures selon l�humeur de l�officier de service. Lors de ces contr�les, il n��tait pas rare qu�une personne suspecte parce qu�elle porte une barbe, n�est pas en possession de papiers d�identit� ou de carte militaire soit embarqu�e.

Des milliers de personnes de tout �ge et des deux sexes vont vivre le cauchemar de l�irruption de nuit des forces de s�curit�, tous corps confondus, qui � l�heure propice du couvre-feu font sortir des � suspects � pour les emmener ou les liquider dans la rue. Il est rare que les �l�ments en op�ration d�clinent leur identit�. Le plus souvent, ils d�barquent cagoul�s et arm�s avec des v�hicules banalis�s. N�anmoins dans de nombreux cas les familles arrivent � localiser leurs parents enlev�s, s�ils sont vivants, soit parce qu�elles reconnaissent les agents responsables de l�arrestation ou bien elles apprennent par des co-d�tenus lib�r�s le lieu de s�questration.

Lors de ces ratissages des vols d�argent, de bijoux et autres objets de valeur sont courants. Les suspects arr�t�s sont emmen�s dans un des nombreux centres de torture parmi lesquels l��cole de police de Ch�teauneuf � Alger, le CTRI de la 5e r�gion militaire de Bellevue � Constantine et la caserne Magenta � Oran pour ne citer que ceux-l�. Ils y croupissent durant des semaines et il n�est pas rare qu�ils ne r�apparaissent plus. Les t�moignages de co-d�tenus font �tat de leur mort sous la torture ou bien faute d�informations, ils sont consid�r�s comme � disparus �.

Cette r�pression syst�matique est souvent collective. Lors de ratissages, des voisins de palier ou de quartier sont arr�t�s et ex�cut�s ou enlev�s ; lorsqu�une personne est suspecte tous les fr�res et souvent aussi les s�urs et parents sont brutalis�s, trait�s de terroristes, embarqu�s, tortur�s et la maison familiale dynamit�e comme c�est le cas dans l�exemple suivant :

Doumaz Omar, n� le 11 avril 1958 � Alger, mari� et p�re de deux enfants, commer�ant, domicili� � El Harrach, Alger, �tait membre du FIS dissous. Il se pr�sente � la s�curit� militaire le 6 f�vrier 1993 en compagnie de son cousin, agent de la SM. Il est arr�t� et dispara�t. Un cod�tenu rapporte en 1995 � la famille qu�il se trouverait dans la prison militaire de Blida et attendrait d��tre pr�sent� devant le juge d�instruction. La famille n�eut aucune nouvelle par la suite. Huit jours apr�s s��tre rendu, sa maison a �t� dynamit�e. Le p�re et le fr�re ont �t� arr�t�s, le second fut atrocement tortur� au commissariat central. [6]

C�est en 1994 que les milices (groupes d�autod�fense) font leur apparition. Ces groupes cr��s � l�initiative de partis politiques et des services de s�curit� ont largement d�pass� leur r�le d�autod�fense en s�engageant soit au c�t� des forces de l�ordre ou de fa�on autonome dans � la lutte contre le terrorisme �. Ils organisent des barrages, des ratissages et commettent des crimes en toute impunit�. L�exemple le plus connu est celui de l'ex-maire (DEC) de Relizane, suspecté d'avoir commandité des dizaines d�enl�vements et d�ex�cutions durant les ann�es 1995-1997. L�exemple suivant illustre les exactions de ces milices et la r�pression collective dont sont victimes les familles de maquisards.

"4 avril 1995. M. S., responsable du PAGS (parti communiste) cr�e avec ses fr�res, une milice arm�e � Boufarik qui va mener des op�rations de repr�sailles contre les familles de sympathisants islamistes de la ville.

7 mai 1995. Des miliciens arm�s de Boufarik ex�cutent six citoyens dont une femme et un vieillard de 80 ans dont les enfants avaient rejoint les maquis. Quelques mois plus tard la t�l�vision nationale et la presse priv�e feront l'�loge de ce groupe de criminels et de son chef. Ont �t� tu�s en m�me temps : Achouri Ahmed, Bensassa Belkacem (50 ans), Bensous Tahar (75 ans), Bensous Sa�da (n� Djabri, 60 ans), Sa�doune Abdesslam." [7]

Ni les ratissages ni les barrages ne dispara�tront dans les ann�es suivantes m�me si leur nombre baissera progressivement.

 

1997-1998 : De la r�pression collective aux massacres collectifs

Des ex�cutions sommaires de masse aux massacres collectifs il n�y a qu�un pas � franchir. En fait, d�s 1994, des t�moignages font �tat de massacres de populations civiles. Ainsi � T�n�s en mai 1994, en repr�sailles � une embuscade qui s�est sold�e par la mort de 16 militaires, 173 personnes, parmi celles identifi�es un enfant de 13 ans, ont �t� tortur�es et assassin�es puis largu�es par des h�licopt�res. Berrouaghia, Lakhdaria, Constantine, et tant d�autres localit�s connurent des massacres en 1994 et 1995. Ces derniers se d�roulent � huis-clos. Les m�dias alg�riens, somm�s de ne reproduire que les informations � autoris�es � ne rapportent pas ce genre de crimes. Les seules � violences � dont ils font �tat sont celles des groupes arm�s ou celles qui leur sont attribu�es. Tandis qu�un grand nombre d�ex�cutions sommaires sont justifi�es officiellement par le fait que les victimes seraient des terroristes en fuite ou auraient �t� tu�es lors d�accrochages, les ex�cutions collectives sont occult�es.

Il est vraisemblable qu�� partir de 1997 le nombre de massacres ait �norm�ment cr� mais il est certain que les m�dias les rapportent plus r�guli�rement car la gestion s�curitaire de l�information semble avoir chang�e : Le terme de massacre s�impose tout en �tant attribu� syst�matiquement aux groupes arm�s islamiques. Ce qu�il faut relever c�est que si le nombre de massacres mais aussi de victimes � chaque tuerie a augment� il baisse consid�rablement au moment des �ch�ances �lectorales. [8] A chaque grand massacre de l��t� et l�automne 1997 et de l�hiver 1997-1998 plusieurs centaines de personnes dans leur majorit� des femmes et des enfants sont tu�es, souvent �gorg�es. Jusqu�� ce jour, le nombre exact des victimes n�est pas connu G�n�ralement, le chiffre officiel est nettement plus bas que celui transmis par les sources hospitali�res, les fossoyeurs et les rescap�s.

A partir des t�moignages de rescap�s et d�observations faites sur le terrain, il est n�cessaire d�attirer l�attention sur un certain nombre de faits :

- A partir de 1996 les militaires ma�trisent le terrain, les groupes arm�s sont d�cim�s et n�agissent plus que sporadiquement. Un d�ploiement colossal de forces arm�es a lieu dans la r�gion d�Alger d�s le d�but de l��t� 1997. Les pourparlers avec l�opposition arm�e (AIS) sont bien avanc�s et aboutiront � l�annonce d�une tr�ve en automne 1997, � laquelle se joindront d�autres groupes.

- Un grand nombre de massacres a eu lieu dans la r�gion la plus militaris�e d�Alg�rie (Alger, Blida, Medea). Ces tueries qui peuvent durer 5 ou 6 heures se sont d�roul�s � proximit� de quelques centaines de m�tres de casernes sans que les militaires ne soient intervenus. Au contraire ces derniers ont parfois encercl� le lieu du drame et emp�ch� les victimes de fuir, comme cela a �t� le cas � Hai Djilali (Bentalha) et Rais, et ils ont bloqu� les secours.

- Les habitants des localit�s touch�es s�attendaient � �tre la cible de ce genre d�attaques et s�y �taient pr�par�s en se munissant de toutes sortes de projectiles, Cocktails-Molotov, sir�nes et projecteurs et en montant des gardes de nuit. Leurs demandes d�armes et de rapprochement des postes militaires n�ont pas �t� retenues. Au contraire, la formation de groupes d�autod�fense dans certaines localit�s a souvent �t� emp�ch�e par des membres des services secrets. Ce n�est qu�apr�s le massacre que des groupes de l�gitime-d�fense sont autoris�s.

- La non-intervention des forces de s�curit� �tait justifi�e par l�existence de mines autour des quartiers touch�s. Or, ni les rescap�s qui ont pu fuir, ni les secours qui finissaient par entrer dans la localit� martyre n�ont �t� victimes de mines.

- Les assaillants sont souvent des hommes bien entra�n�s et arm�s. Ils disposent de diverses armes blanches mais aussi � feu. Certains sont v�tus de la kachabia (manteau traditionnel), d�autres de tenues de combat. Beaucoup portent des barbes, vraies ou fausses. Dans le cas de Bentalha, les 200 assaillants agissaient m�thodiquement, calmement, en trois temps : le premier groupe ouvrait la br�che en posant des bombes artisanales - transport�es en camion � au niveau d�un volet ou d�une porte, le second groupe couvrait avec des armes � feu le premier et le troisi�me p�n�trait dans les maisons et �gorgeait les habitants, toujours sous la couverture du second groupe. Les assaillants savaient tr�s bien quelles maisons attaquer et disposaient de listes de noms. Un h�licopt�re survolait le quartier� [9]

- Les victimes des massacres sont des populations connues pour leurs sympathies avec le FIS ou l�opposition arm�e, ou n�ayant pas voulu s�armer et ayant fui les massacres dans d�autres r�gions. A Hai Djilali (Bentalha) de nombreux rescap�s de massacres perp�tr�s fin 1996 et d�but 1997 dans la r�gion de Tablat sont venus s�installer dans les maisons abandonn�es avec l�autorisation des militaires du secteur. Durant le massacre, ce sont ces maisons qui ont �t� les cibles privil�gi�es des assaillants. Il semblerait qu�� Rais aussi certaines victimes �taient originaires de la r�gion de M�d�a qu�elles avaient fuie quelques mois auparavant. La r�gion de Relizane qui a subi les deux plus grands massacres fin 1997 et d�but 1998 avec environ 1000 morts �tait un fief de l�AIS.

- Ces grands massacres se sont d�roul�s dans un climat de tension extr�me sur le plan national. Le pr�sident Liamine Zeroual et ses alli�s semblaient s�imposer vis-�-vis de l�Etat-major et du DRS (D�partement du renseignement et de la s�curit�). Durant tout l��t� 1997 les rumeurs de coup d��tat s�amplifient tandis que les massacres se multiplient et se rapprochent d�Alger. Ce bras de fer va durer jusqu�en 1998, et en septembre Zeroual annonce sa d�mission.

D�s l��t� 1997 l�appel d�une commission d�enqu�te internationale se fait entendre, demande r�it�r�e par quatre organisations internationales de d�fense de droits de l�Homme en octobre 1997. Le pouvoir et ses relais m�diatiques refusent toute discussion et traitent ceux qui osent demander des enqu�tes de � complices du terrorisme �.

Les massacres n�ont pas cess� avec l�av�nement de la pr�sidence de Bouteflika. Toutes les semaines des personnes sont �gorg�es, mutil�es, �ventr�es. Le nombre des victimes a baiss� par rapport aux ann�es 1997-1998 mais comme nous le verrons plus loin la situation extrajudiciaire n��tant pas r�volue, elle se pr�te � toute nouvelle escalade de la r�pression.

 

1999-2001: La � normalisation � de la violence

En Avril 1999 Abdelaziz Bouteflika prend ses fonctions en tant que pr�sident de la R�publique suite � une fraude en pr�paration qui a pouss� les six autres candidats � la Pr�sidence � se retirer la veille du scrutin. Bouteflika se veut homme de paix et de r�conciliation. Assez rapidement il est la cible privil�gi�e des journaux farouchement oppos�s � un consensus national. Il est le premier � avouer officiellement que la trag�die alg�rienne a caus� la mort de 100 000 personnes et que le nombre de disparus s��l�ve � 10 000. Il se pr�sente comme l�artisan de � la concorde civile �, une loi qui doit d�une part r�gler de statut des groupes arm�s entr�s en tr�ve en octobre 1997 et d�autre part proposer des exon�rations de peines aux nouveaux repentis.

Cette loi entrait en vigueur en juillet 1999 pour une p�riode de six mois. Des comit�s de probation devant d�cider du sort des repentis ont �t� mis en place. Ces comit�s relevant essentiellement de l�ex�cutif, ne comprenaient aucun membre ind�pendant d�une structure d��tat. D�s leur installation, des critiques fus�rent : L�exon�ration et l�att�nuation des peines ou la mise sous probation �taient pr�vues pour les personnes qui n�avaient commis aucun crime de sang, viol ou attaque � la bombe. Or d�apr�s les informations qu�avaient pu recueillir journalistes et d�fenseurs de droits humains, une partie des personnes pr�sent�es aux comit�s avaient d�j� �t� en contact avec les services de s�curit� avant leur cr�ation. En fait, toute la gestion de l�affaire des repentis avait �t� prise en charge d�s le d�part par les services secrets et manquait de transparence. Les proc�dures �taient exp�ditives et en l�espace d�une journ�e ces repentis obtenaient un PV attestant qu�ils n�avaient commis aucun de ces crimes et �taient relax�s.

Quelles sont les cat�gories de personnes qui ont b�n�fici� de cette mesure ? Il semblerait que les autorit�s aient proc�d� de mani�re tr�s s�lective : Alors que de nombreux prisonniers, auraient du b�n�ficier de cette loi et �tre lib�r�s sous condition (art. 36 et 37), les m�dias rapportent que des membres de groupes arm�s connus pour les crimes qu�ils ont commis se prom�nent librement. Mais jusqu�� ce jour l�opinion publique ne conna�t aucune �valuation de cette loi. Quel est le nombre de personnes qui se sont rendues, combien ont b�n�fici� de cette mesure ? Tandis que les journaux alg�riens rapportent que des familles enti�res se sont rendues dans le cadre de cette loi, certains observateurs affirment que ce nombre ne d�passerait pas les 1500 membres de groupes arm�s. Un colonel dissident d�clare : � Sur les 1 300 terroristes qui se sont rendus � ce jour dans le cadre de la loi sur la concorde civile, je peux vous assurer que plus de 700 sont des officiers infiltr�s appel�s � rejoindre leurs casernes... � [10]

Quant � l�article 40 de la dite loi, il pr�voyait que celle-ci ne s�appliquerait pas aux membres des groupes arm�s qui s��taient rendus avant sa promulgation (il s�agit des groupes qui en octobre 1997, avaient annonc� une tr�ve). Le Pr�sident de la R�publique avait pr�vu pour ces personnes � une gr�ce amnistiante � mais les journaux alg�riens indiqu�rent que des 5000 � 6000 combattants de l�AIS (Arm�e Islamique du Salut) en tr�ve, seuls 1136 avaient �t� amnisti�s. [11] Et quel est le statut des autres ?

Le cas de Samir Hamdi-Pacha illustre bien le flou qui entoure l�application de la � loi sur la concorde civile � dont la gestion ne se distingue pas de celle ayant suivie la promulgation en 1995 du d�cret sur la Rahma (Cl�mence).

Samir Hamdi Pacha, n� le 23 avril 1966, mari�, p�re de deux enfants, profession lib�rale dans le domaine de l'informatique, avait fui l'Alg�rie en 1993 vers les Etats-Unis, pers�cut� pour son appartenance au parti interdit et dissous FIS (Front Islamique du Salut). Dans le cadre de la concorde civile, il se rend en Alg�rie le 2 novembre 1999. Il est arr�t� � l'a�roport et pr�sent� devant une commission de probation qui lui remet une d�cision d'exon�ration de poursuite judiciaire le 3 novembre 1999. Il est libre et se rend chez sa famille. Le 22 d�cembre 1999 deux individus en civil se pr�sentent au domicile familial comme agents des services de s�curit�. Ils lui demandent de les suivre pour r�pondre � quelques questions. Il est maintenu en d�tention secr�te jusqu�en mai 2000. Accus� d�avoir entretenu des relations avec des groupes arm�s, il attend toujours d��tre jug�. [12]

La politique engag�e au nom de la � concorde civile � et les talents diplomatiques de Bouteflika ont permis au pouvoir alg�rien de redorer son blason sur le plan international et de consolider les relations avec la communaut� europ�enne ce qui entra�na la signature d�un accord d�association en d�cembre 2001 et le renforcement de la coop�ration militaire notamment avec les Etats Unis. Cette � normalisation � sur le plan ext�rieur n�accompagne pas un r�glement de la crise politique sur le plan interne et en cons�quence une am�lioration de la situation des droits humains. Alors que l�ann�e 1999 fut celle d�une relative accalmie, en 2000 les massacres collectifs redoubl�rent en intensit�. Un rapport confidentiel fait �tat pour l�ann�e 2000 de 70 massacres et de 9000 morts parmi lesquels 75% sont des civils. [13]

Cette � normalisation � se traduit sur le plan interne par une gestion de la violence dans le but de consolider le statu quo: l��tat d�urgence est conserv�, la participation des partis d�opposition au pouvoir reste virtuelle, le d�mant�lement du secteur d��tat continue � propulser des dizaines de milliers dans la mis�re (600 000 licenciements depuis 1994), la militarisation de la soci�t� et donc la privatisation de la violence progressent, alors que les groupes arm�s non identifi�s foisonnent. La question de l�impunit� reste cruciale.

Aucune mesure probante n�ayant �t� appliqu�e pour rem�dier � cet �tat de non-droit, la violence peut � chaque moment d�terminant �tre instrumentalis�e par une fraction du pouvoir. C�est ainsi que depuis le printemps 2001 certaines r�gions d�Alg�rie se sont enlis�es dans un �tat � d��meute permanente � qui semble faire l�affaire de certains potentats locaux et nationaux. A la suite de la mort du jeune Mohamed Massinissa Guermah le 18 avril 2001 suite � des coups de feu tir�s par un gendarme dans la brigade de Beni-Douala et suite � d�autres abus par ce m�me corps d�arm�e, des �meutes se d�clenchent lors des obs�ques du jeune Guermah et se propagent rapidement � Tizi-Ouzou, Bedja�a, Bouira, S�tif et Bordj Bou Arr�ridj. Une r�pression sauvage accompagne ces �meutes. Les gendarmes sont sur le terrain mais certains observateurs font �tat de la pr�sence de forces sp�ciales en uniforme de gendarme. Tous utilisent des armes de guerre et tirent sur les manifestants et �meutiers � balles r�elles. Il semblerait que des balles explosives ont aussi �t� utilis�es. Entre avril et juin 2001 pr�s d�une centaine de morts et 2000 bless�s sont � d�plorer. [14] Ces ex�cutions extrajudiciaires sont accompagn�es par des arrestations collectives et arbitraires et des tortures. De nombreux t�moignages relatent les humiliations et s�vices qu�ont eu � subir les jeunes.

Fin mai 2001 une commission d�enqu�te pr�sid�e par le Professeur Mohand Issad est nomm�e, elle publiera son rapport pr�liminaire en juillet 2001. [15] On peut y lire :

"- La mort de Guermah et l�incident d�Amizour ne sont que les causes imm�diates des troubles constat�s. Les causes profondes r�sident ailleurs : sociales, �conomiques, politiques, identitaires et abus de toute sorte. Les responsabilit�s sont situ�es en amont.

- La r�action violente des populations a �t� provoqu�e par l�action non moins violente des gendarmes, laquelle, pendant plus de deux mois, a nourri et entretenu l��v�nement : tirs � balles r�elles, saccages, pillages, provocations de toutes sortes, propos obsc�nes et passage � tabac. La commission n�a pas relev� de d�menti.

- Les gendarmes sont intervenus sans r�quisition des autorit�s civiles comme la loi le stipule.
Les ordres de la gendarmerie de ne pas utiliser les armes n�ont pas �t� ex�cut�s, ce qui donne � penser :

- O� que le commandement de la gendarmerie a perdu le contr�le de ses troupes.

- O� que la gendarmerie a �t� parasit�e par des forces externes � son propre corps, avec forc�ment des complicit�s internes, qui donnent des ordres contraires, et assez puissantes pour mettre en mouvement la gendarmerie avec une telle rudesse pendant plus de deux mois et sur une �tendue aussi vaste."

Les autorit�s alg�riennes n�ont � ce jour tir� aucune cons�quence pratique de ce rapport. Les responsables des violations n�ont pas �t� inqui�t�s, plus grave encore, tandis que les �meutes en Kabylie n�ont pas cess� depuis avril 2001, la confusion est entretenue et les acteurs difficilement identifiables. Le pouvoir semble tirer profit de cette situation insurrectionnelle qu�il ne tente pas d�apaiser par des mesures politiques.

 

Les atteintes aux droits humains

Les graves atteintes aux droits humains n�ont pas cess� durant ces dix ann�es de guerre. Bien plus, les structures politiques et juridiques sont telles que les abus restent impunis ou sont m�me encourag�s par les institutions concern�es.

Certaines violations tel l�enl�vement suivi de disparition ne sont plus enregistr�es � grande �chelle mais aucune n�a cess�.

 

Restrictions des libert�s fondamentales

Tout au long de ces dix derni�res ann�es, partis politiques, associations et individus ont �t� confront�s � des entraves massives dans leur libert� d�action. Des interdictions de r�union, d�expression, les intimidations ou les harc�lements sont des pratiques courantes. Des associations telles la Ligue alg�rienne de d�fense des droits de l�Homme (LADDH) ou le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) ont tr�s souvent �t� interdits d�expression et d�activit�s. L�Association nationale des familles de disparus (ANFD) n�a jamais �t� agr��e au m�me titre que d�autres associations de victimes de la r�pression d�Etat. Le parti Wafa s�est vu refuser sa l�galisation en novembre 2000 � un an apr�s la demande d�agr�ment - alors que selon la loi qui r�git les associations, si le minist�re de l�Int�rieur ne s�oppose pas � sa l�galisation dans un d�lai de 60 jours apr�s d�p�t du dossier, l�association est l�gale. Les associations de familles de disparus ont tr�s souvent eu � subir des intimidations et des violences lors de leurs rassemblements.

Des personnalit�s telles Me Mahmoud Khelili, Mohamed Sma�n et Mustapha Bouhadef ont �t� victimes d�intimidations et de harc�lements multiples. Me Khelili, avocat et d�fenseur des droits de l�Homme, a du subir l�arrestation de ses deux fils en 1998 par une vingtaine de militaires et la s�questration arbitraire de l�un pendant 4 jours durant lesquels il a �t� bastonn�. Dans les ann�es suivantes, les intimidations n�ont jamais cess�.

Mohamed Sma�n, Pr�sident de la section LADDH de Relizane subit depuis des ann�es des harc�lements, intimidations qui peuvent aller jusqu�� des arrestations parce qu�il enqu�te sur les crimes des milices et leurs chefs Mohamed Abed et Mohamed Fergane � Relizane et les d�noncent publiquement. Alors qu�ils sont accus�s par les familles de victimes de dizaines d�ex�cutions sommaires et disparitions, aucune enqu�te officielle n�a �t� ouverte. Ils continuent de b�n�ficier d�une impunit� totale. [16] Hadj Fergane et ses acolytes ont d�pos� maintes fois plainte contre Mohamed Sma�n pour diffamation, et ce dernier vient d��tre condamn� le 5 janvier 2002 � deux mois de prison ferme et une amende.

Professeur Mustapha Bouhadef, chef du groupe parlementaire du FFS, a subi � trois reprises au cours du mois de d�cembre 2001 des menaces et filatures de la part d�hommes arm�s et ce malgr� le dispositif de surveillance mis � sa disposition. La derni�re fois que ces hommes sont apparus � son domicile, ils ont �t� interpell�s par deux jeunes du quartier. Ces derniers ont �t� agress�s occasionnant une blessure � la tempe de l�un d�eux avec la crosse d�une arme de poing. Les membres de partis d�opposition subissent r�guli�rement des intimidations de ce genre. [17]

Au printemps 2001, le pays a �t� secou� par des �meutes et des manifestations de jeunes ne supportant plus cette situation sociale et politique d�extr�me pr�carit� et l�humiliation de la part des pouvoirs publics et des forces de l�ordre (voir ci-dessus). Deux grandes manifestations pacifiques ont eu lieu � Alger. La troisi�me, organis�e le 14 juin 2001 a connu des �chauffour�es provoqu�es par des groupes command�s. Des centaines de jeunes ont �t� arr�t�s, certains pendant quelques jours. Suite � cette manifestation violente, le gouvernement a d�cid� le 18 juin de suspendre toute marche � Alger. Dans les semaines qui suivirent, le mouvement de protestation a tent� plusieurs fois d�organiser des marches de d�l�gu�s des diff�rentes communes � Alger. Les forces de l�ordre ont boucl� les routes menant � la ville de sorte que les milliers de personnes durent rebrousser chemin. Cette interdiction n�a pas �t� lev�e � ce jour.

 

Les arrestations arbitraires et la d�tention secr�te

Des dizaines de milliers de personnes ont �t� arr�t�es ou plus exactement enlev�es en dehors de tout cadre l�gal. Dans de nombreux cas, les responsables de ces enl�vements sont connus des victimes ou de leurs familles bien qu�ils ne s�identifient que rarement. Les mandats d�arr�t sont quasiment inexistants. Ces arrestations arbitraires ont souvent lieu durant des ratissages op�r�s par des forces combin�es de tous les corps de l�arm�e (arm�e r�guli�re, gendarmerie, garde r�publicaine, parachutistes, forces sp�ciales), de la police et plus tard des gardes communaux et des groupes d�autod�fense. Des agents du DRS (ex-s�curit� militaire) participent eux aussi � ces op�rations de grande envergure ou proc�dent � des enl�vements secrets collectifs ou individuels. Des t�moins rapportent que des enl�vements ont �t� effectu�s par des agents en civil et dans certains cas m�me d�guis�s en islamistes. Il n�est pas rare que des personnes arr�t�es par un corps identifi� et relax�es soient enlev�es par la suite par des membres de la s�curit� militaire. Ces arrestations ont tr�s souvent lieu au domicile des victimes et elles sont accompagn�es de perquisitions et de vols d�objets de valeur. Les forces de s�curit� proc�dent au bouclage de quartiers entiers et aux ratissages de pr�f�rence pendant la nuit.

Les victimes subissent d�s le premier moment des violences, elles sont bouscul�es, frapp�es, les yeux band�s, elles peuvent �tre embarqu�es dans les coffres de voitures banalis�es ou dans des v�hicules officiels vers des lieux de d�tention secrets que les survivants ne peuvent pas toujours localiser. N�anmoins un grand nombre de supplici�s savent qu�ils ont �t� s�questr�s dans l�un des nombreux centres de tortures. S�il est possible de citer parmi ceux ci : l��cole de police de Ch�teauneuf, la caserne de Ben Aknoun, le commissariat de Bourouba (Alger), la caserne de Haouch Chnou (Blida), le Si�ge de la 5�me R�gion Militaire � Mansourah ou le commissariat central de Couidat (Constantine) �., il faut ajouter qu�un grand nombre de brigades de gendarmerie, commissariats et casernes militaires servent � la d�tention secr�te et de lieux de torture. Il n�est pas rare que ces personnes soient s�questr�es au secret dans des prisons.

"M. Arab Malek, 25 ans, employ� � la Sonelgaz, demeurant � la cit� Boucheraye, Ouled Koriche (Alger), arr�t� en mars 1997 par des agents de la s�curit� militaire.
Nous avons �t� r�veill�s en pleine nuit par des coups � la porte de la maison. Des hommes arm�s en furie envahirent la maison. Ils me ligot�rent les poignets avec un fil m�tallique et me jet�rent� violemment � plat-ventre sur le sol. L�un d�eux pointa son pistolet sur moi et me mena�a de me tuer sur le champs puis leva son arme pour tirer une balle en l�air, provoquant la panique dans la maison. Tout le monde se mis � crier. Les hommes arm�s se mirent alors � tout casser sur leur passage. La vaisselle et les meubles furent jet�s au sol et cass�s. Des insultes et des grossi�ret�s fusaient de leurs bouches sans retenue. Ma m�re fut violemment frapp�e, ainsi que la petite fille de 2 ans qu�elle portait dans ses bras." [18]

La dur�e de garde-�-vue a �t� prolong�e � 12 jours depuis la mise en application des dispositions du d�cret dit � antiterroriste � de septembre 1992. Ce d�lai est rarement respect� et peut durer des semaines, voire des mois durant lesquelles les familles et les avocats ne savent pas o� se trouve la personne arr�t�e et quel sort lui est r�serv�.

Ces pratiques ill�gales n�ont pas cess� depuis la pr�sidence de Bouteflika comme l�illustre le fait suivant :

"Le vendredi 3 d�cembre 1999, une bombe explose au centre de la ville de Dellys (Wilaya de Boumerd�s) au passage d'un v�hicule de police � proximit� d'une mosqu�e. L'explosion a tu� un policier et bless� deux autres. A l'int�rieur de la mosqu�e, les citoyens ne pouvaient que continuer � accomplir leur pri�re commune. Ils regagnent quelque temps plus tard leurs domiciles. Pris de col�re, les membres de la Brigade Mobile de Police Judiciaire (BMPJ), accompagn�s des �l�ments de la gendarmerie, organisent une descente punitive contre les habitants des quartiers de Bordj Fnar, El Kous, La Cit� etc. Une centaine de citoyens sont sortis de chez eux, tous �ges et professions confondus, et jet�s � tour de r�le dans le crat�re laiss� par la d�flagration. Ils sont �pass�s � tabac�, selon l�expression des journalistes, avant d'�tre transport�s dans des v�hicules vers le si�ge de la BMPJ, qui est un Souk el fellah (supermarch� r�quisitionn� et transform� en caserne) o� ils furent d�shabill�s et mis � plat ventre avant de subir une deuxi�me fois d�autres violences. Plus de cent vingt personnes ont �t� transf�r�es vers les h�pitaux dans un �tat lamentable." [19]

Plus r�cemment, au printemps 2001, lors des manifestations et �meutes qui ont secou� diverses r�gions du pays, les forces de s�curit� ont arr�t� des dizaines de jeunes manifestants dans des conditions ill�gales. Le r�cit qui suit est celui d�un jeune venu manifester le 14 juin 2001 � Alger :

"� Une voiture de police a fonc� droit sur nous. En l'esquivant, d'autres �l�ments des services de police se sont ru�s sur nous � coups de matraque, de pied et de crosse. Je tombais raide � peine conscient. A ce moment-l� j'ai entendu un policier qui criait : " Chargez-le encore, il est en train de bluffer. " D'autres manifestants subiront le m�me sort. Dans une chambre o� on nous entassait apr�s �tre pass�s � tabac, on s'est retrouv�s � plusieurs dizaines. (�) � Mourad et les autres seront transf�r�s deux heures plus tard au commissariat du 7e arrondissement. (�) Au commissariat, � on �tait plus d'une centaine dont une fille ; on �tait pas tous kabyles. Il y avait des jeunes de Oued Ouchayeh, de A�n Na�dja, de S�tif L� aussi, tous les policiers n'�taient pas d'accord sur ce qu'on nous a fait endurer. Moi, j'ai pris une place tout au fond de la salle jusqu'� ce qu'on m'appelle pour un interrogatoire �. Les questions auxquelles Mourad a essay� de r�pondre ne seront pas forc�ment port�es sur les deux PV qu'on lui a fait signer.
� Un policier me reprochait et demandait de lui expliquer pourquoi je portais une tenue noire. Il a vite chang� de ton lorsqu'il me parla du signe amazigh que j'avais toujours sur les joues. � La jeune fille incarc�r�e avec le groupe ne b�n�ficiera d'aucun traitement de faveur. � Elle a �t� forc�e de se mettre � genoux comme tout le monde avant de subir plusieurs coups et des obsc�nit�s de toutes sortes �, t�moigne Mourad. Il a bien peur que ce soit bien elle qui serait d�c�d�e � l'h�pital Mustapha.
� Vers 6 h, on nous a fait sortir dans le parking du commissariat pour nous filmer derri�re une table garnie d'armes blanches. Je ne sais d'o� ils les ont tir�es. Moi, en tous les cas, je n'en portais pas. Ce qui m'a le plus touch�, c'est cette mani�re de nous traiter comme de v�ritables terroristes. On a pass� la nuit dans des conditions dramatiques. Entass�s � m�me le sol, on n'a eu droit qu'� quelques gouttes d'eau pour �tancher notre soif. �" [20]

 

Tortures syst�matiques

La plupart des personnes arr�t�es passent par la torture et les mauvais traitements. Les t�moignages abondent dans ce sens et le nombre de personnes d�c�d�es sous la torture est certainement tr�s �lev�. Les personnes arr�t�es lors de ratissages, ex�cut�es et jet�es dans les rues portent souvent des traces de tortures.

Tous les corps de l�arm�e, le DRS, la police, les gardes communales et les groupes d�autod�fense pratiquent la torture. Les supplici�s peuvent passer par diff�rents centres de torture, et s�ils sont finalement d�tenus dans une prison, cela ne signifie nullement que les s�vices cessent. Les ge�liers s�acharnent eux aussi sur les prisonniers pour m�ter, humilier, briser toute vell�it� de r�volte, punir ou tout simplement se divertir.

La torture est utilis�e comme moyen de pression, d�intimidation, d�humiliation, pour r�colter des informations sur les voisins, les coll�gues ou des membres de la famille du supplici� mais aussi pour se venger des assassinats des membres des services de s�curit� ou des embuscades de groupes arm�s. De v�ritables exp�ditions punitives contre des populations non impliqu�es sont men�es comme l�illustre l�exemple cit� ci-dessus qui s�est d�roul� � Dellys.

Nous n�allons pas entrer dans les d�tails des m�thodes de torture, l�excellent rapport de Me Mahmoud Khelili publi� par Algeria-Watch nous sert de r�f�rence [21] mais nous voulons tout de m�me attirer l�attention sur quelques particularit�s.

Les supplici�s croupissent durant des semaines ou des mois dans des cellules minuscules, bond�es, froides, sans a�ration, sans eau suffisante, ni soins m�dicaux ou habits de rechange. Ils subissent r�guli�rement des tortures ou doivent supporter les cris et hurlements des autres supplici�s, ce qui est une souffrance suppl�mentaire. Les tortures se d�roulent souvent devant les autres d�tenus. C�est d�ailleurs ainsi que de nombreuses familles ont appris le d�c�s de l�un des leurs.

Ce qui est frappant dans les nombreux t�moignages de survivants c�est l�emploi syst�matique de tortures sexuelles. Les hommes osent un peu plus t�moigner de ce qu�ils ont eu � subir : Le premier acte d�humiliation est de se mettre nu. Le tortionnaire montre qu�il domine sa victime jusque dans son intimit�. Les pratiques courantes de tortures sexuelles sont la sodomisation, la suspension par le sexe, les tortures � l��lectricit� et les br�lures au niveau du sexe, coincer les testicules dans un tiroir, p�n�tration de la verge du tortionnaire dans la bouche du supplici� et le viol.

Ces tortures se d�roulent souvent devant des cod�tenus, il arrive m�me que les tortionnaires contraignent ces derniers au viol ou � la participation � leurs brutalit�s. Des t�moignages font �tat de tortures devant des membres femmes de la famille ou de viols d��pouses, s�urs ou filles devant le supplici�.

Le message est clair : la virilit� de celui qui est consid�r� comme l�ennemi doit �tre r�duite � n�ant. Il ne s�agit pas seulement d�une destruction physique mais aussi morale et psychologique. Il s�agit de lui montrer son impuissance vis � vis de sa propre personne et vis-�-vis des siens.

De nombreuses femmes transitent par les centres de tortures. Il est rare qu�elles t�moignent des s�vices sexuels qu�elles subissent et lorsqu�elles en parlent, elles supplient de ne pas les rendre publiques. La mani�re la plus simple d�humilier une femme et de lui faire subir des tortures sexuelles, c�est le viol individuel mais tr�s souvent collectif.

La m�re d�un disparu t�moigne des brutalit�s qu�elle a du subir :

"Je m�appelle S. F., je suis �g�e de 61 ans. J�ai �t� arr�t�e au mois de septembre 1995 par la police (PCO) de Clos Salembier, Diar Es-Saada. Au centre de torture, il y avait 10 autres femmes, des vieilles comme moi, des jeunes et de toutes les conditions sociales. Je ne peux vous raconter ce qu�ils m�ont fait, il ne me reste plus que ma tristesse et mes larmes, jusqu�� ma mort, pour exprimer l�offense et le d�shonneur que j�ai subis. Mais � bien r�fl�chir, pourquoi garder le silence, pourquoi cacher ma honte et cacher en m�me temps l�horreur que font subir les tortionnaires � des femmes qui auraient pu �tre leurs m�res, leurs s�urs ou leurs filles.
�. Il est venu et m�a dit devant toutes les autres femmes : �toi, viens pour l�enqu�te ! Suis moi�. Il me faisait peur, ses yeux �taient rouges et en vous regardant, il semblait regarder ailleurs. Arriv�s dans un bureau, il a ferm� la porte et s�est jet� sur moi, je me d�battais, il �tait furieux, il �tait certainement drogu�, il a pris du sparadrap et m�a attach� les mains. Puis, il m�a viol�e."

La deuxi�me particularit� que nous voulons relever ici est que la torture peut servir dans le but de retourner les opposants pour les utiliser dans la � lutte contre le terrorisme �. Il est extr�mement difficile d�en apporter la preuve mais divers t�moignages font �tat de personnes connues pour leur appartenance � l�opposition arm�e qui apr�s �tre pass�es par la torture ont particip� aux op�rations de ratissages de l�arm�e (parmi ces personnes se trouvent des repentis) ou bien ont m�me �t� int�gr�s dans des faux groupes arm�s contr�l�s par les services sp�ciaux commettant des massacres.

Un colonel dissident rapporte dans un quotidien :

"Des terroristes islamistes sont d'abord arr�t�s au cours des ratissages des forces de s�curit�. Ils sont retenus et tortur�s, puis on les int�gre aux commandos de l'arm�e charg�s de massacrer leur village d'origine, et je peux vous dire que quand, sous la menace, on leur ordonne d'�gorger, ils ob�issent ! Lors de ces op�rations, les premi�res maisons sont syst�matiquement �pargn�es, ce qui permet de fournir des t�moins � m�me d'affirmer qu'ils ont reconnu des islamistes du village... " [22]

Les tortures perdurent jusqu�� nos jour. Dans l�exemple suivant les forces de s�curit� ont ex�cut� sommairement le d�nomm� Karim Bentouati, n� en 1973 :

"Le 7 f�vrier 2001 Sa�d Zaoui, �g� de 70 ans, membre du FIS, a �t� arr�t� avec 20 autres personnes lors d�une rafle en repr�sailles � un attentat � la bombe contre une patrouille � Dellys peu avant. Toutes les personnes arr�t�es ont �t� s�questr�es dans un poste militaire avant d��tre rel�ch�es. Mr. Zaoui qui selon les cod�tenus a subi la torture � l��lectricit� n�a pas �t� lib�r� et a disparu depuis."

Nous disposons de nombreux r�cits de victimes ou de t�moins qui rapportent comment les gendarmes ont rou� de coup les �meutiers du printemps 2001, les ont menac�s, en cette occasion aussi, de violences sexuelles. Tous les t�moignages dont nous disposons attestent des menaces de sodomisation:

" Ils nous ont arr�t�s et embarqu�s dans un fourgon. J'ai re�u des coups de pied, de poing et de crosse sur toutes les parties de mon corps. Les gendarmes nous ont conduits au si�ge du commissariat. A l'int�rieur, nous �tions une dizaine. Ils nous insultaient et prof�raient de gros mots du genre : fils de pute, nous allons vous sodomiser Devant moi, j'ai vu un jeune se faire tabasser � coups de poing. Il criait de toutes ses forces. Dans un autre coin, un jeune subissait les tortures d'un gendarme qui lui arrachait les poils de sa barbe avec ses mains avant d'y mettre le feu avec un briquet. Le jeune criait : "Tuez-moi au lieu de me torturer." De temps � autre, un gendarme passait dans le couloir et nous lan�ait : "Si vous passez la nuit ici, je vais vous d�shabiller et vous sodomiser." [23]

Comme pour toutes les autres atteintes aux droits humains, les t�moignages faisant �tat de r�pression collective sont tr�s fr�quents. Des groupes de � suspects � sont arr�t�s lors de rafles, de ratissages ou aux barrages et passent par la torture s�ils ne sont pas ex�cut�s sur place.

"Boulenouar Mourad, n� le 18 janvier 1968, demeurant � Constantine, arr�t� le 22 juillet 1994 � 22h � mosqu�e du quartier (ancienne poudri�re) par les services de s�curit�. Selon le t�moignage de sa famille, il serait mort sous la torture. De nombreux fid�les avaient �t� arr�t�s ce soir l�. Quelques jours plus tard, de nombreux d�entre eux furent lib�r�s dans deux vagues successives. Son cadavre sera jet� le 15 septembre 1994 dans une grotte dite Mernouna, quartier de l�ancienne poudri�re. Le corps �tait mutil� et portait des traces de tortures horribles. Les habitants de la cit� proche de la route de Sidi M�cid furent surpris le soir du 15 septembre 1994 � 23h par des rafales d�armes. Le matin ils d�couvrent 7 cadavres cribl�s de balles mais en fait ces personnes �taient d�c�d�es sous la torture et ces coups de feu entendus la veille devaient masquer la raison de leur mort. Les 7 corps furent reconnus et r�cup�r�s par les familles. Les services de s�curit� ont tout de suite apr�s encercl� les maisons des familles et repris les cadavres qu�ils ont enterr�s eux-m�mes au cimeti�re central de Constantine le 16 septembre 1994. Il s�agit des 3 fr�res Cheribet, les 2 cousins Boudraa, Kenouala et Boulenouar." [24]

 

Les disparitions forc�es

Les enl�vements suivis de disparition sont une pratique tr�s courante en Alg�rie. Plut�t exceptionnelle en 1992, elle prend de l�ampleur en 1993 pour devenir syst�matique dans les ann�es 1994-1996. Dans les ann�es qui suivent, le nombre des victimes d�cro�t mais elle n�a pas cess� comme le montre le cas de Mr. Zaoui enlev� en f�vrier 2001 (voir ci-dessus). Dans un rapport qu�Algeria-Watch a publi� en mars 1999 sur les disparitions forc�es [25] , il est constat� que sur pr�s de 3000 cas de disparus, les enl�vements se r�partissaient comme suit : 1993 : 5,3%  ; 1994 : 37% ; 1995 : 31% ; 1996 : 18,3% ; 1997 : 7%.

Mais dans les ann�es suivantes des cas de disparitions sont sans cesse enregistr�s :

"Hamidi Habib, n� le 19 avril 1974, c�libataire, journalier, demeurant � R�gha�a (Alger), arr�t� le 24 avril 2000 � 16h pr�s de son domicile alors qu�il rentrait du travail, par des policiers en civil venus � bord d�un v�hicule de police et de voitures banalis�es. Un co-d�tenu lib�r� aurait dit � ses parents l�avoir vu dans un centre secret de d�tention qu�il n�a pu localiser." [26]

Le nombre de disparus n�est pas connu. Amnesty International avance le chiffre de 4000, l�Association nationale des familles de disparus disposerait de 7000 dossiers de disparus et certaines ONG craignent que le nombre soit nettement plus �lev� pour s�approcher des 20 000. Parmi ces personnes disparues 99% sont des hommes et tous les �ges sont repr�sent�s. Il y a des petits enfants et des vieillards.

La personne enlev�e et d�tenue au secret plus de 12 jours est consid�r�e comme disparue. Cet �tat de disparition, c�est � dire de non-existence publique, est propice � tous les abus. Les organisations de d�fense des droits humains disposent de nombreux cas de personnes qui parce qu�elles ont �t� d�tenues au secret pendant des mois voire des ann�es �taient consid�r�e comme disparues. Le cas de Samir Hamdi Pacha est relat� plus haut.

Il faut certainement partir du fait que la grande majorit� des disparus a �t� tortur�e et que certains sont d�c�d�s sous la torture. D�autres ont �t� ex�cut�s sommairement lors de leur d�tention secr�te. Un certain nombre de victimes a du d�c�der � cause des conditions de d�tention, de maladie, de froid et de malnutrition.

Mais les familles de disparus obtiennent parfois des informations � leur sujet des ann�es apr�s l�enl�vement. C�est ce qui fait esp�rer beaucoup d�entre elles qu�il y a des survivants.

Officiellement un nombre de 4800 disparus est reconnu (rappelons que Bouteflika lui-m�me a avanc� le chiffre de 10 000 disparus) mais la responsabilit� des services de l�Etat dans les enl�vements et disparitions n�est nullement admis. Les autorit�s affirment qu�il s�agit de personnes ayant rejoint les maquis ou fui � l��tranger ou bien ayant �t� tu�es dans un accrochage avec l�arm�e ou encore �t� assassin�es par des � terroristes �. Pourtant les centaines de t�moignages de familles, voisins ou coll�gues des victimes montrent bien que les forces de s�curit�, tous corps confondus, gardes communaux et groupes d�autod�fense sont responsables d�une grande partie de ces enl�vements.

Ce qu�il faut relever au sujet des disparitions forc�es c�est leur caract�re collectif. Les personnes sont arr�t�es parce qu�elles sont soup�onn�es de sympathie pour le FIS ou de soutien � la r�sistance ou bien parce que l�un des membres de la famille est soup�onn� de ces faits. C�est ainsi que dans plusieurs cas, l�enl�vement et la disparition d�un ou de plusieurs membres de la famille est une mesure de repr�sailles parce qu�un membre de la famille est soup�onn� �tre un militant ou a pris le maquis.

"Bellemou Smain, n� le 12 avril 1940, demeurant � El Biar, p�re de 8 enfants et cadre dans une entreprise nationale, sympathisant du FIS, re�oit le 24 mars 1996 la visite de deux policiers en civil qui se pr�sentent comme agents de la brigade �conomique et lui remettent une convocation du commissariat central d'Alger pour le 25 mars 1996 � 10h30. Ils perquisitionnent le domicile. Mr. Bellemou se pr�sente au commissariat comme pr�vu et "dispara�t". Dans la nuit suivante, des agents cagoul�s, certains portant des tenues militaires et d�autres en civil font irruption au domicile de la famille � El Biar et emportent les photos de mariage de sa fille. Une des filles est arr�t�e pendant 5 jours et interrog�e au sujet des activit�s du p�re et de son mari. Son fils, recherch�, �tait pass� dans la clandestinit� et sera tu� le 11 juin 1996 par la S�curit� militaire. Lorsque la famille a demand� aupr�s des services de s�curit�, o� se trouve Smain Bellemou, ceux-ci ont pr�tendu qu'il �tait au maquis. Requ�te adress�e au procureur d�Alger le 3 avril 1996 au parquet d�Alger, la r�ponse mentionne des � recherches infructueuses �, lettres aux diff�rents organismes et institutions. Ont �t� arr�t�s � la m�me p�riode Bellemou Abdenasser (neveu, n� en 1957), Bellemou Yacine (neveu, n� en 1963) et Bellemou Mouloud (cousin, n� en 1938). Tous ont disparu." [27]

Dans l�exemple suivant, il s�agit d�un cas nullement exceptionnel de r�pression collective touchant des habitant d�un quartier :

"Kechroud Brahim, n� le 14 octobre 1958, mari� et p�re de 2 enfants, tr�sorier � la mairie de Hattatba, membre adh�rant du FLN, demeurant � Hattatba (Tipaza), arr�t� le 24 mai 1995 par des gendarmes sous la direction d�un certain C. � Hattatba alors qu�il se rendait de son lieu de travail vers un magasin pour l�achat de peinture. Sa famille note que deux jours avant son arrestation, deux gendarmes avaient �t� tu�s dans le village. Cela a provoqu� une campagne d�arrestations qui toucha 70 habitants du village qui disparurent � ce jour. Puis ces m�mes gendarmes firent signer aux familles (le plus souvent analphab�tes) des papiers stipulant que leurs enfants arr�t�s �taient des �terroristes �. Il aurait �t� localis� le premier jour � la brigade de Hattatba par de nombreux villageois qui auraient rapport� l�information � sa famille." [28]

Dans certains cas, la famille a la preuve formelle que le parent disparu est entre les mains des services de s�curit� comme dans le cas suivant :

"Kitouni Salah, n� le 23 ao�t 1955, demeurant � Constantine, journaliste � l �hebdomadaire En-Nour de Constantine. A �t� arr�t� le 9 juillet 1996 au commissariat central de la S�ret� de Constantine o� il s��tait rendu. Quelques jours auparavant, il avait �t� arr�t� par des policiers a son� domicile familial et interrog� pendant trois jours pour �tre rel�ch� le 6 juillet 1996. Il est revenu le 9 juillet 1996 sur convocation du m�me commissariat et depuis ce jour il est compt� parmi les disparus. Une plainte a �t� d�pos�e en date du 10 ao�t 1996 aupr�s du procureur de la R�publique pr�s le tribunal de Constantine. Une r�ponse �crite, avec proc�s-verbal de notification �manant des services de la police judiciaire de Constantine est parvenue en date 29 mars 1997 informant que le journaliste Salah Kitouni avait �t� transf�r� en date du 11 juillet 1996 vers le Centre territorial de recherche et d�investigation de la 5e R�gion militaire." [29]

 

Les ex�cutions sommaires

Dans de nombreux cas de disparitions, les victimes ont �t� ex�cut�es sommairement. Souvent, les familles apprennent la mort du parent mais n�ayant pu identifier le corps, ces personnes continuent � �tre port�es disparues.

"Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1994 des gendarmes cagoul�s, v�hicul�s � bord de voitures officielles, immatricul�es avaient proc�d� � une grande rafle dans la localit� de Ras El Oued (Bordj Bou Arr�ridj). 15 citoyens connus pour leurs sympathie avec le FIS ont �t� arr�t�s cette nuit l� et tous ont disparu. Les autorit�s alg�riennes ont inform� le groupe de travail sur les disparitions forc�es de l�ONU et les familles des victimes que certains des disparus de cette nuit ont �t� retrouv�s morts dans une proche for�t. Certaines familles ont obtenu un certificat de d�c�s, d�autres non mais aucune enqu�te n�a �t� diligent�e et aucune identification de corps n�a eu lieu." [30]

Dans les ann�es 1994-1996 de nombreux ratissages des forces de s�curit�, tous corps confondus ont �t� op�r�s contre les quartiers dits � chauds �. Des dizaines de personnes sont brutalement tir�es du sommeil, align�es le long d�un mur et ex�cut�es. Ces pratiques exp�ditives remplacent les op�rations d�arrestation et de pr�sentation � la justice, proc�dures longues qui aboutissent g�n�ralement � la relaxation des suspects parce qu�ils n�ont aucun lien avec le � terrorisme �.

La � lutte contre le terrorisme � ne se consacre pas prioritairement aux hommes en armes mais surtout aux milieux soup�onn�s de sympathie et de soutien � la r�sistance et aux familles des victimes de la r�pression. Selon la devise � couper l�eau au poisson �, la r�pression frappe � tous les niveaux de la mouvance du FIS et au-del� puisque le fait de vivre par exemple dans un quartier dit � islamiste � est d�j� suspect.

Il s�agit donc de couper tout soutien aux hommes en armes en orchestrant des campagnes de terreur. L�ann�e 1994 a connu des dizaines de ratissages au cours desquels les suspects sont ex�cut�s. Il n��tait pas rare que les cadavres mutil�s soient exhib�s publiquement avec l�interdiction formelle de les enterrer.

"Des militaires ont encercl� le quartier de Cherarba dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 juin 1994 durant le couvre-feu et ont commenc� � perquisitionner les domiciles et � faire sortir des citoyens, plus particuli�rement des jeunes, qu'ils emmen�rent avec eux. D'apr�s les recoupements faits aupr�s des familles, il y avait pr�s de cinquante jeunes. Quelques minutes apr�s le d�part des militaires, des rafales d'armes d�chiraient le silence du quartier. Du fait du couvre-feu, personne n'osa sortir. Le lendemain, soit le Vendredi 3 juin 1994, quarante et un (41) corps gisaient tout le long des rues de Cherarba, ils avaient �t� ex�cut�s sommairement par les militaires, en repr�sailles. Neuf corps ont �t� identifi�s � la morgue de Bologhine, les autres ont �t� enregistr�s sous forme de X alg�riens. " [31]

Mais ces op�rations de ratissages � aveugles � suivis de la mort des victimes sous la torture ou bien ex�cut�es sur place n�ont pas cess� apr�s cette date comme le montre l�exemple suivant. Elles sont syst�matiques en guise de repr�sailles apr�s un attentat ou une embuscade de groupes arm�s. Le principe de l�exp�dition punitive est de rigueur.

"En octobre 1997 des citoyens demeurant � T�lagh (w. de Sidi Bel Abbes) ont �t� arr�t�s � leurs domiciles par des �nindjas � venus de la ville de Sig (w. de Mascara), en repr�sailles � la destruction d�une usine par un groupe arm�, selon le r�cit donn� par leurs proches parents. Morts sous la torture dans les sous-sols de la da�ra de Sig (ex-r�sidence Colonna), ils ont �t� enterr�s dans une fosse commune au cimeti�re de T�lagh. Parmi les cadavres identifi�s : Akkal Yahia, Djillali Ferhat, Djillali Sissani, Hadj Guendouz, Mokrane Mostepha, Ould Mohamed Bendjema, Youcef Sayah."

Jusqu�� pr�sent, le nombre de � terroristes � abattus est �lev� (plus de 1000 pour l�ann�e 2000) sans que l�opinion sache qui sont ces � terroristes � et dans quelles conditions ils ont trouv� la mort. Dans les ann�es pass�es de nombreuses personnes arr�t�es puis ex�cut�es sommairement ont �t� pr�sent�es comme des � terroristes � en fuite ou � abattues dans un accrochage �.

"Belbahria Salim, 37 ans, infirmier au centre Pierre et Marie Curie d�Alger, a �t� arr�t� en novembre 1994 pr�s de son domicile (Casbah) par des civils arm�s se r�clamant de la police. Il fut retrouv� mort � la morgue de Bologhine, selon le t�moignage de sa famille. Sa mort sera annonc�e par la presse le 19 d�cembre 1994, suite � �un accrochage avec les forces de s�curit�." [32]

Presque tous les jours les m�dias alg�riens rapportent la mort de � terroristes � lors de ratissages ou d�accrochages.

Les ex�cutions sommaires continuent jusqu�� nos jours puisque, comme nous l�avons �voqu� ci-dessus, lors des manifestations et �meutes du printemps 2001, les gendarmes n�ont pas h�sit� � tirer sur les jeunes. Il a m�me �t� rapport� que des � snipers � visaient pr�cis�ment les parties vitales du corps dans le but de tuer. Kamel B. membre d'une association de parents de victimes de Larba� Nath Irathen t�moigne:

"Il est vrai que les manifestants lan�aient des pierres en direction des gendarmes. Mais ce n'�tait pas une raison pour qu'ils ripostent avec des armes � feu. (�) Les gendarmes se positionnaient sur les terrasses de leurs immeubles. C'est le m�me sc�nario qui a eu lieu un peu partout en Kabylie. Ce ne peut-�tre qu'un ordre qui leur a �t� donn� par leur commandement. D'autres sont sortis pour achever les bless�s. (�) Le 28 avril, au moment o� les manifestants avaient atteint le portail de la brigade, les gendarmes post�s sur les terrasses ont commenc� � tirer au-del� des manifestants. Ces derniers croyaient qu'il s'agissait de balles en caoutchouc. Lorsque les manifestants ont recul� de quelques dizaines de m�tres, le portail s'ouvre et environ 60 gendarmes arm�s de kalachnikovs sortent et encerclent le quartier avec une grande agilit�. Ceux-l� n'�taient pas des gendarmes anti-�meutes. � voir la mani�re dont ils se dispersaient c'�tait plut�t des sp�cialistes. Apr�s plusieurs rafales, les coups de feux devenaient isol�s parce qu'ils visaient des jeunes en particulier. Je les ai vus de mes propres yeux achever deux bless�s, Belkalem Mouloud (32 ans) et Hamache Arezki (31 ans). L'un se trouvait en face d'une usine de c�r�ales et l'autre pas loin de mon immeuble. Hamache a �t� frapp� � la t�te, puis achev� par le chef de brigade de la GN. Un autre lui cracha dessus avant de lui enlever son pantalon." [33]

Ce ne sont pas uniquement les militaires et les autres corps des services de s�curit� qui proc�dent � des ex�cutions sommaires. Des centaines de t�moignages font �tat d�assassinats que commettent les gardes communaux et membres de groupe de l�gitime d�fense appel�s � patriotes �. Les personnes tu�es n�ont souvent aucun lien avec les groupes arm�s ou d�opposition et il s�agit plut�t d�int�r�ts personnels �conomiques ou de r�glements de compte contre une famille pr�sent�s comme des op�rations contre des � terroristes �. De nombreux massacres de familles ont �t� commis par des milices parce qu�un membre aurait pris le maquis.

 

Conclusion

De nombreux aspects relatifs aux atteintes des droits de la personne n�ont pas �t� abord�s dans ce bilan : les conditions p�nitentiaires, la justice partiale, la situation des femmes, les atteintes aux libert�s d�expression, le drame de centaines de milliers de d�plac�s, la pauvret�, le ch�mage etc. Certaines des violations n�ont �t� qu�effleur�es.

La situation en Alg�rie ne s�est pas fondamentalement am�lior�e ces derni�res ann�es. Les structures dominantes et le contexte extrajudiciaire font que les violations des droits humains persistent. Sans v�ritables r�formes s�appuyant sur la participation effective de la soci�t� alg�rienne, il est difficile d�imaginer que les acteurs de la violence pourront �tre marginalis�s.

Nos recommandations :

1. Des �lections l�gislatives et locales sont pr�vues pour cette ann�e 2002. Celles-ci devraient permettre aux Alg�riens d�exercer leur droit de participation � la politique du pays. Dans ce sens, il est n�cessaire de permettre � l�opposition de s�organiser ; d�organiser une conf�rence nationale avec la participation de tous les partis politiques ; de lever les mesures entravant le droit de rassemblement et d�expression, afin que les Alg�riens puissent s�informer et informer en toute libert� ; de pr�voir un mode de scrutin qui refl�te la pluralit� politique du pays ; d�interdire toute fraude durant les �lections et d�inviter des observateurs internationaux, d�accepter le verdict des urnes.

2. Pour que cessent les graves atteintes aux droits humains, il est n�cessaire de lever l��tat d�urgence ; de prendre des initiatives concr�tes afin que cessent les ex�cutions sommaires, les tortures et les disparitions ; d'autoriser la visite de rapporteurs sp�ciaux de l�ONU sur la torture et les disparitions forc�es ; d�ordonner des enqu�tes ind�pendantes pour faire la lumi�re sur les violations des droits humains, notamment les massacres de populations civiles; de sanctionner les membres des services de s�curit�, miliciens et membres de groupes arm�s qui ont commis des crimes ; de d�voiler le sort des disparus, d�enqu�ter sur les charniers et les personnes enterr�es sous � X-Alg�rien �.

3. Pour que soit mis fin � la militarisation de la soci�t� et la privatisation avanc�e de la violence, il est n�cessaire que l�arm�e se retire des affaires politiques et retourne aux casernes en remplissant sa fonction bien d�finie par la Constitution ; que les diff�rents acteurs politiques oeuvrent pour l�arr�t de la violence ; de d�manteler les milices et les gardes communales ; d�identifier et de d�manteler les diff�rents groupes occultes : escadrons de la mort, groupes arm�s de l�opposition, groupes arm�s li�s aux int�r�ts �conomiques.

4. Pour assurer un avenir dans la paix il est n�cessaire de r�habiliter les victimes de la trag�die ; d�assurer leur prise en charge m�dicale, sociale et psychologique ; d�engager un travail de m�moire sur cette p�riode de violence extr�me en pr�voyant des structures sp�cialis�es ind�pendantes.

5. Les partenaires europ�ens, arabes et am�ricain doivent conditionner leur soutien au pouvoir alg�rien en fonction de la situation des droits humains ; ils pourraient intervenir aupr�s des responsables Alg�riens pour qu�une commission d�enqu�te internationale puisse agir en Alg�rie. Les ventes d�armes, alors qu�il est connu que celles-ci sont utilis�es contre les populations civiles, doivent �tre stopp�es.



[1] Dernier rapport de la Commission nationale d�enqu�te sur les �v�nements de Kabylie, Le Jeune Ind�pendant, 30 d�cembre 2001, http://www.algeria-watch.de/farticle/revolte/issad_complement.htm

[3] FIDH: La lev�e du voile, l�Alg�rie de l�extrajudiciaire et de la manipulations, Alg�rie, le livre noir, La D�couverte, p. 65

[4] Sous la section 4 bis : Des crimes qualifi�s d'actes terroristes ou subversifs, http://www.algeria-watch.de/mrv/mrvrap/extrait_code_penal.htm

[5] Voir le rapport de la FIDH, sus-cit�, p. 96 et l�Arr�t� interminist�riel relatif au traitement de l'information � caract�re s�curitaire : http://www.algeria-watch.de/farticle/docu/censure.htm

[6] Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Liste de 1000 disparus, 11 janvier 2002

[7] Salah-Eddine Sidhoum, Chronologie d�une trag�die cach�e (1992-2002), Algeria-Watch, 11 janvier 2002

[8] An Anatomy of the Massacres, p. 124, in An Inquiry into the Algerian Massacres, edited by Hoggar Books, 1999.

[9] Nesroulah Yous avec la collaboration de Salima Mellah, Qui a tu� � Bentalha, La D�couverte, p. 157-192.

[10] Y.B. et Samy Mouhoubi, Alg�rie : Un colonel dissident accuse, Le Monde, 26 novembre 1999 http://www.algeria-watch.de/mrv/mrvreve/maol5.htm

[11] La Tribune, 16 janvier 2000

[13] Le Monde et Lib�ration, 5 janvier 2001

[14] Salah-Eddine Sidhoum, Liste non exhaustive des victimes des �meutes en Alg�rie (avril-juin 2001) http://www.algeria-watch.de/farticle/revolte/liste_morts.htm

[15] Rapport pr�liminaire de la Commission nationale d�enqu�te sur les �v�nements de Kabylie. (Juillet 2001), Publi� par Algeria Interface, 27 juillet 2001, http://www.algeria-watch.de/farticle/revolte/issad_rapport.htm

[16] Yassin Temlali, L�ancien chef des patriotes de Relizane accus� d�assassinat d�un de ses hommes, Algeria Interface, 27 avril 2001, http://www.algeria-watch.de/mrv/mrvmass/fergane.htm

[18] Salah-Eddine Sidhoum, Le parcours du supplici�. De l�arrestation rocambolesque � la d�tention arbitraire. T�moignages. Texte qui sera prochainement rendu public sur le site d�Algeria-Watch.

[19] Brahim Taouti, La torture dans l�Alg�rie d�aujourd�hui, algeria-watch, janvier 2000 http://www.algeria-watch.de/farticle/justice/torture_taouti.htm

[20] � On nous a trait�s comme des terroristes �, Le Matin, 19 juin 2001, http://www.algeria-watch.de/farticle/kabylie/apres_manif.htm

[21] Me Mahmoud Khelili, La torture en Alg�rie (1991-2001), algeria-watch, octobre 2001, http://www.algeria-watch.de/mrv/mrvtort/torture_khelili.htm

[22] Y.B. et Samy Mouhoubi, Alg�rie : Un colonel dissident accuse, Le Monde, 26 novembre 1999 http://www.algeria-watch.de/mrv/mrvreve/maol5.htm

[23] Farid Alilat et Nadir Benseba, Retour sur les �v�nements, Le Matin, 16 mai 2001, http://www.algeria-watch.de/farticle/kabylie/retour.htm

[24] Liste de 1000 disparus, op. cit.

[25] Algeria-Watch : Les "disparitions" en Alg�rie suite � des enl�vements par les forces de s�curit�, mars 1999 http://www.algeria-watch.de/farticle/aw/awrapdisp.htm

[26] Liste de disparus, op. cit.

[27] Algeria-Watch, Fallbeispielen von Verschwundenen, April 2000, http://www.algeria-watch.de/infomap/infom12/i12faelle.htm

[28] Liste de 1000 disparus, op. cit.

[29] idem

[30] idem

[31] Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Liste des ex�cutions sommaires, 11 janvier 2002

[32] idem

[33] Mohamed Mehdi, �Mort non naturelle�, t�moignages de Kabylie (Tizi-Ouzou, mai 2001), Algeria-Watch, 1 juin 2001, http://www.algeria-watch.de/farticle/kabylie/mort_non_naturelle.htm

 

  Retour Sommaire