Visite guidée à la prison d’El-Harrach

Visite guidée à la prison d’El-Harrach

Changer les idées reçues de la société sur le traitement des détenus

par Nassima Oulebsir, Le Jeune Indépendant, 25 mars 2007

Le ministère de la Justice, initiateur de cette démarche, veut changer l’image et les idées reçues de la société sur le traitement des détenus et leurs conditions d’incarcération. Dix heures. Prison d’El-Harrach. A cette heure-ci, les détenus sont, soit dans la cour de l’établissement, soit dans les ateliers de formation.

Pour les plus vulnérables d’entre eux, l’infirmerie leur ouvre ses portes. Ici, pour cette journée, tout est propre et en ordre. Seule l’odeur d’humidité et d’enfermement trahit ceux voulant changer l’image de la prison. Notre visite n’est évidement pas inopinée.

Elle est même guidée. De ce fait, il nous a été impossible d’établir des contacts avec les détenus. Lors des quelques entrevues que nous avons pu avoir, les détenus ne semblaient pas à leur aise. Nous nous sommes alors contenté d’observer.

Le ministère de la Justice, initiateur de cette démarche, veut changer l’image et les idées reçues de la société sur le traitement des détenus et leurs conditions d’incarcération. Il a choisi la prison d’El-Harrach comme premier établissement pénitentiaire parmi d’autres, tout comme pour démentir une fois de plus la rumeur selon laquelle des détenus avaient observé une grève de la faim.

M. Felioul, directeur des prisons et de la réforme pénitentiaire, président de la commission interministérielle pour la coordination des activités, de la rééducation et de la réinsertion, accompagne la presse dans cette prison où les photographes n’ont eu aucun mal à prendre des photos.

 

Hier, la délégation de la Croix-Rouge n’était pas pourtant annoncée dans le programme. M. Felioul et le directeur de la prison, M. Azouz, brossent un tableau positif de la prise en charge médicale et psychologique des détenus et de leurs conditions d’incarcération.

Mieux, il y a même des stages de formation et de petits métiers pour eux. L’Office national des travaux éducatifs fait appel à la main-d’œuvre pénitentiaire, sélectionnée par la direction de l’établissement selon des critères bien précis pour la réalisation de plusieurs projets au profit de l’Etat.

Avec un salaire allant de 3 000 à 5 000 dinars. Dans la prison, des salles d’informatique, de sport, une bibliothèque et même des salles de lecture pour ceux ayant choisi de continuer leurs études par correspondance pour préparer le BEM ou le bac.

Pour les femmes, des ateliers de couture, de broderie et de peinture sur soie sont également ouverts. Pour qu’elles ne perdent pas la main dans la préparation des gâteaux, certaines détenues les préparent à base de savon à la place des amandes.

Ce sont d’ailleurs de véritables merveilles que ces détenues ont pu exposer dans leur salle d’études. Les détenus ne devraient pas se plaindre de la prise en charge médicale. Dentiste, médecin, psychologue et assistante sociale, tous sont quotidiennement disponibles.

Ces derniers ne se plaignent surtout pas du manque de moyens. Tout est disponible ici, dit une infirmière. A ses côtés, nous avons profité de la présence d’une détenue qui nous a affiché son angoisse pour les deux prochains jours où elle va être jugée et condamnée pour le crime qu’elle avait commis.

Elle est sous mandat de dépôt depuis 5 ans ! Injustice, c’est ainsi qu’un autre détenu, depuis 10 jours seulement, ne cesse de le répéter. De nationalité étrangère, âgé de 17 ans, il est arrêté pour immigration clandestine. Les autres, personne ne s’en plaint visiblement.

Ils jouent au baby-foot, au tennis de table, ils peignent même… Toutes les activités sportives et même culturelles sont disponibles. Le directeur des prisons dit que les prisonniers ont le droit à la douche deux fois par semaines.

Les quelque 5 000 prisonniers ont également leur canal de TV interne qui diffuse des documentaires et des émissions dans le but de les réinsérer dans la société. Pas de films et pas d’autres programmes. Rien de ce que peut pousser le détenu à la «protestation», à l’exemple de films d’action.

Pour la chaîne nationale, seule les journaux télévisés sont permis. Pour six détenus, un journal est mis à leur disposition quotidiennement. En attendant la généralisation de l’initiative, la prison d’El-Harrach est l’unique actuellement à l’échelle nationale à avoir lancé l’atelier de réception et d’évaluation.

Il a pour mission de recevoir les détenus condamnés définitivement pour une évaluation médicale, scolaire et sécuritaire, notamment. Il s’agit, selon les responsables, de voir le profil criminel pour bien préparer sa réinsertion sociale.

Lors de cette évaluation qui durera entre 2 et 3 mois, le médecin définira les aptitudes de détenus pour une formation professionnelle ou un cursus d’enseignement. Nous sommes enfin entrés dans les cellules des détenus condamnés définitivement.

Avec des peines de 5 ans ou plus, les détenus occupent des cellules de… moins de 2 m2. N. O.