De nombreux chômeurs condamnés par la justice à Ouargla pour « manifestation illégale »

De nombreux chômeurs condamnés par la justice à Ouargla pour « manifestation illégale »

Nejma Rondeleux, Maghreb Emergent, 05 Février 2013

En deux jours, 16 chômeurs ont été condamnés par le tribunal d’Ouargla à des amendes et à des peines d’emprisonnement pour avoir participé, début janvier dernier, à des rassemblements dénonçant la mauvaise gestion de l’emploi dans cette wilaya pétrolifère. D’autres procès se tiendront dans les jours à venir. « Tous les syndicalistes seront condamnés pour qu’ils ne puissent pas continuer leurs activités », prévoit l’un des avocats des prévenus, Sid Ali Boudiaf, qui relève que la justice est la nouvelle arme utilisée par les autorités algériennes pour « briser les mouvements de contestation sociale ».

Les bancs du Tribunal d’Ouargla ne désemplissent pas. Les procès de chômeurs accusés d’avoir participé à des actions de contestation « illégales » s’enchaînent et les condamnations pleuvent. « 11 prévenus ont été condamnés le 5 janvier suite à leur procès tenu le 22 janvier. Merhadj Bousmaha a écopé de deux mois d’emprisonnement ferme et les dix autres de deux mois d’emprisonnement avec sursis », a indiqué à Maghreb Emergent, Tahar Belabès, coordinateur du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), lui-même condamné le 3 février à un mois d’emprisonnement ferme et à 50.000 dinars d’amende suite à son jugement le 20 janvier avec quatre autres prévenus, dont deux ont écopé de deux mois d’emprisonnement avec sursis et 50.000 dinars d’amende.

« Le comble est que la justice nous inflige des amendes alors que nous sommes chômeurs », a ironisé ce militant de 32 ans qui s’était fait connaître en 2010 pour avoir grimpé sur le toit de l’Agence algérienne de l’emploi en menaçant de se suicider.

Arrêtés lors d’une manifestation organisée le 2 janvier à Ouargla pour protester contre la mauvaise gestion de l’emploi dans cette wilaya pétrolifère, les chômeurs ont été accusés d’ « attroupement non armé », « destruction de biens d’autrui », « violence contre agent d’un corps de sécurité » et « obstruction de la voie publique », et ce, en vertu des articles 97, 148, 144 et 407 du Code pénal, a précisé l’avocat et militant des droits de l’homme Sid Ali Boudiaf, en charge de la défense de Tahar Belabès.

Interrogé par téléphone sur les peines qu’a prononcées le Tribunal de Ouargla, Sid Ali Boudiaf a déclaré qu’elles étaient prévisibles. « Tous les syndicalistes seront condamnés pour qu’ils ne puissent pas continuer leurs activités. Avant, les mouvements de contestation sociale étaient brisés par les forces de sécurité. A présent, c’est la justice qui joue ce rôle », a-t-il souligné indiquant que son client, Tahar Belabès, allait faire appel du verdict.

« Etouffer les voix dissidentes »

Ces condamnations de manifestants viennent s’ajouter à une longue liste de condamnations de militants arrêtés en 2012 pour avoir exprimé leur volonté de défendre leurs droits comme l’atteste le rapport 2013 de Human Rights Watch publié récemment et qui relève que « les autorités ont invoqué d’autres lois et réglementations répressives pour étouffer les voix dissidentes et juguler les activités relatives aux droits humains, notamment la loi de 1991 régissant le droit à la liberté de réunion, qui exige l’obtention d’une autorisation préalable pour les manifestations publiques ».

La liste risque encore de s’allonger puisque le 13 février, dix-neuf autres chômeurs devraient être jugés à Hassi Messaoud pour les mêmes chefs d’accusation, a indiqué Tahar Belabès. Malgré tout, le militant de Ouargla qui a fait de la défense des chômeurs son combat, « ne compte pas s’arrêter là ». « Nous prévoyons d’organiser une marche entre Ouargla et Hassi Messaoud d’ici une semaine », a-t-il informé.