Ali Boumbar, ex-PDG de la CNAN, emprisonné depuis 4 ans

Ali Boumbar, ex-PDG de la CNAN, emprisonné depuis 4 ans

Selon ses avocats : «C’est une détention illégale et injuste»

El Watan, 24 août 2016

Décidément, la justice algérienne n’en finit pas avec le feuilleton des détentions préventives.

Après l’affaire du général à la retraite Hocine Benhadid, maintenu en prison plusieurs mois durant sans jugement avant d’être libéré provisoirement pour des raisons de santé, une autre affaire défraye la chronique judiciaire. Il s’agit de celle de l’ex-PDG de la CNAN, Ali Boumbar, qui croupit en prison depuis quatre ans et demi sans aucun jugement. «C’est scandaleux, illégal et injuste», dénoncent ses avocats, maîtres Khaled Bourayou, Miloud Brahimi et Djamel Belloula.

«Ali Boumbar est en détention provisoire pour un acte de gestion. Il a eu droit à deux procès déjà et, à chaque fois, les juges ont demandé des compléments d’information. C’est la preuve qu’ils ne pouvaient pas se prononcer sur cette affaire qui ne relève pas de la justice», affirme Me Miloud Brahimi qui menace de se déconstituer à l’occasion du troisième procès qui s’ouvrira, ce matin, au tribunal Abane Ramdane d’Alger. «Je vais me retirer, car je ne peux pas défendre mes clients dans ces conditions.

La détention préventive est devenue une condamnation préventive», lance-t-il. Selon lui, l’affaire Boumbar est divisée en deux volets : «délit économique» et «détention préventive». Malgré la décision du président de la République de dépénaliser les délits de gestion, une «création prétorienne» a prolongé indéfiniment la détention de Ali Boumbar.

«Ce dernier est poursuivi dans un premier temps pour dilapidation des deniers publics et non pas pour détournement. Ensuite, on a voulu lui coller d’autres chefs d’inculpation, dont la constitution d’une association de malfaiteurs, trafic d’influence et détournement. C’était juste pour justifier sa détention. Au bout de plusieurs mois, les chefs d’accusation en question ont été annulés. Pourquoi alors le maintenir en prison ?» demande l’avocat.

Que fait le ministère de la justice ?

Entre juin 2015 et juillet 2016, Ali Boumbar est passé, explique-t-il, deux fois devant les juges. «Et à chaque fois, ils demandent des suppléments d’information. C’est incompréhensible dans la mesure où les questions pour lesquelles les juges réclament des compléments d’information ont été traitées plusieurs fois», enchaîne-t-il, en relevant le rejet des demandes de liberté provisoire introduites par la défense.

Ce cas, souligne pour sa part Me Khaled Bourayou, «est exceptionnel». «Il est anormal de renvoyer trois à quatre fois une affaire pour un supplément d’information, surtout pour une justice de statistiques», relève-t-il, en revenant sur le décalage entre les discours sur la réforme de la justice et la réalité. «On ne peut se vanter d’avoir procédé à des réformes et laisser un homme en prison sans raison. C’est une forfaiture», dénonce-t-il, relevant que «la détention préventive est devenue la règle et la liberté devient l’exception».

Pour Me Djamel Belloula, ce cas relève «du respect des libertés individuelles qui est une affaire de tout le monde». «Mais personne ne réagit. Personne ne se soucie de ce cas et des autres comme celui-ci. Que fait le ministère de la Justice ? Il est censé contrôler le travail des juges. Quel est l’intérêt de laisser Boumbar en prison ?» s’interroge-t-il, en dénonçant «la dilapidation des libertés individuelles».

Madjid Makedhi