Mouvement associatif : Une activité sous contrôle

Mouvement associatif : Une activité sous contrôle

El Watan, 10 février 2016

L’Etat algérien est soumis depuis dimanche dernier à une Constitution «révisée». Une Constitution qui, comme les précédentes, a été votée par les partis au pouvoir qui n’ont aucunement pris en compte des critiques et des alertes des juristes, intellectuels, mouvement associatif et partis de l’opposition.

Une Constitution «maison», une de plus, ne reflétant que la seule volonté des tenants du système. Les Algériens devront donc se soumettre à un texte écrit et voté par le pouvoir en intra-muros. Le pire, et c’est que ce qui fait le plus défaut à nos Lois fondamentales, c’est qu’elles ne sont même pas appliquées. Si presque toutes les Constitutions, notamment depuis celle de 1989, sont porteuses de quelques libertés, dans les faits elles sont loin d’être appliquées conformément à l’esprit réel de liberté.

En prenant l’exemple du droit de créer des associations qui est garanti et énoncé clairement dans cette Constitution et les précédentes, nous constatons que dans les faits, ce droit est carrément violé. L’article 43 de la Loi fondamentale dit que «le droit de créer des associations est garanti. L’Etat encourage l’épanouissement du mouvement associatif». Si l’on s’arrête à ce seul article, on croirait que le mouvement associatif en Algérie est des plus libres ; mais la réalité est toute autre.

Depuis janvier 2012, les associations en Algérie sont soumises à une loi jugée par les ONG de défense des droits de l’homme «très répressive». Depuis sa promulgation, les associations ne dépendant pas du tube digestif des subventions de l’Etat, c’est-à-dire que les associations autonomes sont menacées de disparition par asphyxie financière ou blocage administratif.

Si la Constitution, l’actuelle comme la précédente d’ailleurs, énonce qu’une loi organique déterminera les conditions et les modalités de création des associations, ce n’est nullement une assurance de droit associatif préservé. La loi 12-06 en vigueur n’a pas garanti cette liberté associative constitutionnalisée pourtant en 1989, en 1996 et en 2008. Ladite loi va même au-delà de la seule détermination des conditions de création des associations, elle décide du droit de création de l’association.

Le législateur se voit investi d’un rôle policier obligeant les associations à se soumettre aux choix et directives de l’administration. Cette dernière décide d’octroyer l’agrément aux associations selon son bon vouloir, et porte un droit de regard sur leurs activités. Mise entre parenthèses, la survie de l’association devient un objet de chantage qui ne dit pas son nom ; plus elle est subversive, moins elle aura de chances de survivre.
Les garanties de liberté énoncées dans la Constitution ne sont donc pas sacrées, puisque le législateur les interprète selon les orientations politiques du moment. La loi 12-06 est la preuve de la primauté de la vision du législateur sur l’esprit de liberté.
Nadjia Bouaricha