Drame de l’immigration clandestine à Ceuta

DRAME DE L’IMMIGRATION CLANDESTINE A CEUTA

Cinq morts et une polémique encore à son début

Le Quotidien d’Oran, 1 octobre 2005

Les services de sécurité marocains ont achevé l’opération de ratissage contre les clandestins après le drame de mercredi soir. Des clandestins, la majorité de pays de l’Afrique subsaharienne, ont été interpellés.

Après le drame des cinq clandestins tués dans la nuit du mercredi, le Maroc a renforcé le service de sécurité qui contrôle l’accès et les alentours des deux enclaves espagnoles, Ceuta et Melilla, en déployant un dispositif militaire soutenu par deux hélicoptères. Les autorités marocaines réclament plus d’aide de l’Union européenne pour lutter efficacement contre l’immigration clandestine. L’Algérie est implicitement mise en cause dans ce phénomène. Sauf que l’on oublie que la lutte marocaine contre les clandestins se lit uniquement dans le sens de répondre à l’exigence espagnole. L’on se demande d’ailleurs pourquoi cette lutte se limite à la protection et à la surveillance des accès vers les deux enclaves.

Maintenant que le drame des cinq Africains a déclenché une polémique entre l’Espagne et le Maroc quant à l’origine des tirs qui les ont tués, polémique née curieusement au moment où le chef du gouvernement espagnol recevait son homologue marocain, la décision annoncée par le gouvernement espagnol d’envoyer un renfort de soldats de l’armée de terre pourrait nourrir d’autres suspicions sur les intentions espagnoles. Cela d’autant que la centaine de tentatives des clandestins de franchir les barrières d’enceintes des deux enclaves depuis le début de l’année sont perçues sous l’angle de la faiblesse des mesures marocaines de faire face au phénomène. D’ailleurs pour la voie maritime, la marine espagnole se charge du contrôle et de la surveillance les deux façades marocaines, sur la Méditerranée et l’Atlantique.

Depuis le début de l’année, ce combat soutenu d’une manière éparpillée par les pays de l’Union européenne est réduit à un face-à-face avec une arrière-pensée stratégique entre l’Espagne et le Maroc. Ce face-à-face a atteint son apogée la nuit de ce dramatique mercredi par l’échange d’accusations entre les deux pays. Une commission d’enquête a été créée pour élucider les circonstances du drame. Par ailleurs, deux agents marocains ont été tués cette nuit-là. L’on ne sait cependant pas si cela est dû aux affrontements entre les forces de l’ordre et les clandestins ou le fait de tirs espagnols. Les autorités espagnoles affirment que la garde civile dans les deux enclaves utilise uniquement des balles en caoutchouc. Ce qui complique davantage les relations entre les deux pays sur cette question. Par ailleurs, l’Union européenne se réveille et découvre ses lacunes et ses incohérences en matière d’immigration suite à ce drame. Le commissaire à la justice, à la liberté et à la sécurité, Franco Frattini, a déclaré au Monde que «cette tragédie souligne une nouvelle fois la nécessité urgente d’une gestion authentique et effective des questions de migration» tout en mettant en exergue la nécessité d’un dialogue avec les pays tiers. Il plaidera évidemment pour «une claire consolidation des canaux d’immigration légale». Canaux, jusque-là gérés individuellement par chaque pays. Le dernier a été l’Espagne qui a régularisé quelque 700 000 clandestins dont une majorité de marocains. Ce que n’a pas manqué de dénoncer l’opposition et les conservateurs qui ont considéré l’opération comme un autre geste envers le Maroc.

Au-delà de la polémique actuelle dévoilée par le drame de ces Africains qui fuient la misère, les véritables questions ne semblent pas être abordées. Elles sont ignorées ou éludées dans une sorte de consensus qui ne tient compte que des intérêts des 25 qui réduisent le phénomène à un souci de régulation qui passerait par des centres de filtrage éloignés du vieux continent. On est très loin de l’un des objectifs du millénaire visant à réduire la pauvreté de moitié d’ici 2010.

Djilali B.