Discrimination raciale : L’Algérie interrogée à Genève

Discrimination raciale : L’Algérie interrogée à Genève

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 17 février 2013

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) tient sa 82ème session, qui se terminera le 1er mars, au Palais Wilson, à Genève, afin d’examiner les rapports présentés par sept pays dont l’Algérie. La Fédération de Russie, le Kirghizistan, la Slovaquie, Maurice, la Nouvelle-Zélande et la République dominicaine ont été les autres pays auditionnés sur les mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Jeudi dernier, ont eu lieu des échanges entre la délégation algérienne et les experts du CERD. Auparavant, le Comité a examiné le rapport présenté par l’Algérie, l’un des tout premiers pays à signer et ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, sur les mesures qu’elle a prises pour mettre en application les dispositions de la Convention. Du côté algérien, Boudjemaa Delmi, le représentant permanent d’Alger auprès des Nations unies à Genève, accompagné de représentants de plusieurs ministères dont celui de l’Intérieur et des Collectivités locales, de la Justice ou encore des Affaires étrangères ainsi que du représentant du Conseil supérieur de la langue arabe et du Haut Commissariat à l’amazighité.

Comme son nom l’indique, le CERD a pour principale mission la lutte contre les discriminations raciales et c’est sous cet angle précisément que l’Algérie a été auditionnée. Les questions posées par les membres du Comité concernaient également la collecte de statistiques, l’interdiction de la propagande raciste, la nationalité ou encore la question amazighe, des migrants illégaux et des réfugiés, notamment maliens, syriens et sahraouis. A propos du dossier des migrants subsahariens, de nombreux membres du Comité se sont dits préoccupés au sujet de la situation des réfugiés subsahariens qui, selon un des membres du Comité, font l’objet d’insultes voire d’attaques à leur domicile. Des inquiétudes ont particulièrement été exprimées au sujet de la situation des immigrés se trouvant en situation irrégulière en Algérie. A ce propos, la délégation algérienne a expliqué qu’au départ l’Algérie était considérée comme un territoire de passage pour les migrants illégaux en partance vers l’Europe, mais en raison des restrictions prises par l’Union européenne en matière de circulation transfrontière conjuguées aux opportunités d’emploi en Algérie, le pays est devenu, à force, une terre d’exil. Depuis, l’Algérie a mis en place un système qui prend en charge aussi bien les aspects humains que les aspects de sécurité.

La délégation affirme que pendant leur présence sur le territoire, les migrants illégaux bénéficient de leurs droits, notamment en matière d’accès à la santé gratuite et à l’éducation pour leurs enfants. Elle tiendra à rappeler que la question des migrants illégaux ne relève pas de la Convention sur les réfugiés. Concernant la question amazighe, M. Delmi a rappelé que tamazight est également une langue nationale, enseignée dans les écoles, et que, outre sa culture arabe et musulmane, l’Algérie repose structurellement sur un substrat amazigh, africain et méditerranéen. Il évoquera la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH créée en 2001) et le Haut Commissariat à l’amazighité et de la promotion de la langue amazighe (créé en 1995). Pour ce qui est des prénoms amazighs rejetés par l’état civil, soulevé par un membre du CERD, la délégation algérienne admettra quelques cas signalés dans quelques localités du pays, tout en affirmant qu’il s’agit d’un phénomène récent.

Toutes les doléances des citoyens à cet égard sont traitées et aboutissent et que le lexique des prénoms, amazigh et autres, dont l’enregistrement est possible à l’état civil allait augmenter, fera savoir également la partie algérienne.

Répondant aux questions sur la situation des réfugiés en Algérie, elle a rappelé que le pays a ratifié la Convention de 1951 et son Protocole additionnel et les applique. Elle a précisé qu’un bureau pour les apatrides et réfugiés a été créé auprès du ministère des Affaires étrangères, qui est chargé d’examiner les demandes de statut de réfugiés, travaille en étroite relation avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) à Alger. Lorsqu’une demande est rejetée, une commission de recours permet à l’étranger de faire valoir sa demande une seconde fois.

Il y a beaucoup de réfugiés en Algérie, notamment en provenance du Sahara Occidental et, plus récemment, des Maliens qui fuient le Nord-Mali, a poursuivi la délégation. A propos de ces derniers, elle précisera que l’Algérie a pris des mesures de facilitation leur permettant de pénétrer en territoire algérien sans considération des documents qu’exige la loi de 2008. 1300 réfugiés maliens sont installés dans un camp visité par un délégué du HCR et qui offre toutes les commodités demandées. La délégation a aussi expliqué que suite à la détérioration de la situation en Syrie et de l’absence de visa entre les deux Etats, de plus en plus de ressortissants syriens ont atterri en Algérie. Devant cet afflux, des centres d’accueil ont été mis en place pour ceux qui le désirent alors que les autres peuvent choisir de rester en Algérie auprès d’amis ou de membres de leurs familles. Quant aux réfugiés sahraouis qui sont arrivés en Algérie en 1975, la délégation rappelle qu’il s’agit de l’une des situations de réfugiés les plus anciennes au monde et qu’elle reste liée à une question politique d’autodétermination du peuple sahraoui. Pour plus de précisions, ces réfugiés se trouvent dans le camp de Tindouf et relèvent du HCR. L’Algérie a profité de cette tribune pour demander au CERD d’accorder davantage d’attention à la « situation dramatique » du Sahara Occidental.