59e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme

59e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme

La classe politique relève des manquements

El Watan, 11 décembre 2007

Pour le cas de l’Algérie, qui a ratifié cette déclaration, ainsi que toutes les conventions consacrant la défense des droits des individus, beaucoup reste à faire.

Cinquante neuf années sont passées depuis que les 58 Etats membres de l’Assemblée générale ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mais est-ce que l’idéal d’il y a près de soixante ans a été atteint ? Pour le cas de l’Algérie, qui a ratifié cette déclaration, ainsi que toutes les conventions consacrant la défense des droits des individus, beaucoup reste à faire afin de permettre aux citoyens algériens de jouir pleinement de leurs droits. La classe politique, dont nous avons pu joindre hier certains des représentants, reconnaît à différents niveaux que des manquements existent en matière de respect des droits de l’homme. Le MSP estime que l’Algérie a franchi des pas appréciables en matière de droits de l’homme mais qui restent insuffisants. Le président de cette formation politique, Bouguerra Soltani, indique que « les droits de l’homme ne se limitent pas aux droits à l’éducation, à la santé, ou au transport, qui sont des droits élémentaires, ce qui nous importe encore c’est le droit de l’individu à prendre part aux choix stratégiques. Celui du respect de la volonté du peuple et de l’alternance pacifique au pouvoir… ». Notre interlocuteur précise que la pratique politique « demeure entourée de réserves de la part de l’administration. Quand je dis administration, je pense à certains membres de partis politiques ou aux détracteurs d’un réel changement ou encore à ceux qui s’agrippent à l’administration comme on s’agrippe à un bien personnel », dira Bouguerra Soltani. Evoquant l’espace médiatique, ce dernier considère que les médias demeurent « otages du jeu des équilibres », ce qui presse, à son avis, la nécessité d’ouverture et de libéralisation de l’audiovisuel. « Nous appelons à l’ouverture de l’espace civil et permettre aux associations de jouer leur rôle loin des pressions des partis politiques. De plus, on ne peut envisager un multipartisme sans multisyndicalisme. Il faut dé-monopoliser l’espace syndical pour le bien de la démocratie », note notre interlocuteur en réitérant l’appel à la levée de l’état d’urgence. L’autre membre de l’alliance présidentielle et premier parti au pouvoir, le FLN en l’occurrence, justifie les insuffisances en matière de droits de l’homme par l’existence du phénomène du terrorisme. « Les libertés et droits politiques sont garantis, mais il se trouve que le terrorisme n’a pas permis la création des mécanismes nécessaires devant faire aboutir toutes les attentes des citoyens en matière de libertés publiques », indique Saïd Bouhadja pour son parti le FLN. Evoquant l’état d’urgence, notre interlocuteur trouve qu’il s’agit d’une situation nécessaire « puisque c’est un moyen de protection des citoyens. A notre avis, il ne s’agit nullement d’un obstacle à la pratique politique, puisque nous avons même relevé des avancées notamment dans la transparence des élections », dira-t-il.

Satisfecit du RND

Un satisfecit sans ambages émane du RND, qui par la voix de Miloud Chorfi souligne qu’il « se félicite de tout ce qui a été fait et se fait actuellement dans le cadre des droits de l’homme, que ce soit au niveau des associations et ONG, ou au niveau des institutions de l’Etat ». La réaction du RCD et du FNA transcende ce constat de félicité et décrie l’état dans lequel se trouvent les droits de l’homme en Algérie. Djamel Fardjellah pour le RCD fera remarquer que les droits de l’homme font partie du fondement même de son parti puisque son président a été un membre fondateur de la Ligue des droits de l’homme, ce qui lui avait valu d’être emprisonné. « Les atteintes aux droits de l’homme sont quotidiennes et affectent les citoyens dans leurs droits », dira Fardjellah en notant qu’une perversion de ces droits a commencé durant les années noires du terrorisme. « Le pays a connu des moments difficiles où le trouble et le doute ont été jetés au nom des droits de l’homme à travers certaines ONG internationales dans l’objectif de la réhabilitation de l’intégrisme », et de dire sur la situation actuelle que « les citoyens n’arrivent pas à jouir de leurs droits à tous les niveaux ». « Le maintien de l’état d’urgence est un alibi du pouvoir pour interdire des libertés publiques, on essaye de brider et de réprimer l’expression citoyenne », précise le représentant du RCD. Moussa Touati, président du FNA, explique quant à lui que les droits de l’homme commencent d’abord par le droit de vivre : « En Algérie on est loin d’atteindre cet objectif de respect des droits des citoyens. Ces derniers sont même marginalisés et ne profitent pas du tout de la richesse de leur pays. » Le premier responsable du FNA estime que les droits de l’homme sont bafoués, « il faut arriver à fonder un Etat de droit et de justice qui garantisse que les richesses du pays soient équitablement distribuées et profitent à tous les Algériens ».

Nadjia Bouaricha


L’Algérie demeure à la traîne, selon la LADDH

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), aile de Me Hocine Zehouane, se prononce contre la révision constitutionnelle préconisée par le FLN.

« Non à la révision constitutionnelle, oui à une refondation institutionnelle », déclare le président de la LADDH lors d’une conférence-débat, organisée hier à Alger, à l’occasion de la célébration du 59e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme. Pour étayer ses dires, l’orateur affirme que la révision de la loi fondamentale du pays ne résoudra pas les multiples crises dont souffre l’Algérie, d’autant que les institutions en créent d’autres chaque 5 ans. Pour entreprendre cette refondation, précise Hocine Zehouane, il faut que l’élite algérienne s’engage et engage des réflexions autour de cette question. « Où sont les constitutionnalistes algériens ? », s’interroge-t-il, en assurant que la LADDH est en mesure de contribuer à cette démarche nécessaire. L’interlocuteur critique également la réforme du système judiciaire engagée par le gouvernement. « Les commissions de réforme de la justice sont restées secrètes », lance-t-il. Revenant sur la question des droits de l’homme en Algérie, Me Zehouane dresse un tableau sombre de la situation. L’Algérie, selon lui, est très en retard par rapport à ses voisins marocain et tunisien au niveau de l’organisation de la société civile. « Il n’y a pas de droits de l’homme dans ce pays », tranche-t-il, en citant tous les verrouillages administratifs auxquels font face les militants des droits de l’homme. L’Etat d’urgence qui dure depuis 15 ans, le blocage de l’organisation de la société civile et le comportement des institutions du pays constituent, insiste-t-il, des éléments ayant mené à la dégradation de la situation des droits de l’homme. Il fustige, dans la foulée, le refus des agents de l’administration de répondre aux demandes d’autorisation d’organiser des activités formulées par les organisations des droits de l’homme. « Les institutions ne respectent même pas leurs lois et décisions. Elles poussent le cynisme jusqu’à ne pas répondre à nos demandes. Je ne peux que considérer cela comme un déni du service publique », dénonce-t-il, avant d’ajouter : « Nous sommes le pays des aberrations. » Plaidant pour la suppression du préalable de l’autorisation pour l’organisation des rencontres et conférences, Hocine Zehouane appelle les militants des droits de l’homme à se mobiliser en vue « de réaliser le sursaut indispensable pour faire éclater les carcans ». Poursuivant son analyse, il dira également qu’il y a toujours possibilité d’atteindre cet objectif, si les citoyens prennent conscience de la situation et s’organisent afin d’exercer leur citoyenneté. « Il faut institutionnaliser les droits de l’homme dans notre société. Il faut avoir notre part d’humanité », dit-il, en affirmant que ce slogan sera désormais la devise de la LADDH.

Madjid Makedhi

 


Bouchachi : « Il faut créer un climat favorable à l’exercice des libertés »

La LADDH, aile présidée par Me Mustafa Bouchachi, appelle les autorités à respecter les droits de l’homme conformément aux engagements internationaux de l’Algérie.

Dans un communiqué rendu public hier à l’occasion du 59e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Me Bouchachi invite en effet les pouvoirs publics à « ouvrir les dossiers des violations passées, au traitement digne de la question des disparus et à la création d’un climat favorable à l’exercice des libertés individuelles et collectives ». Les premières mesures à prendre dans ce sens, explique le communiqué, sont la levée de l’état d’urgence et la mise en place d’un programme assorti d’un calendrier pour de vraies réformes démocratiques dans les domaines politique, économique, social et culturel. Ces réformes, ajoute-t-on, passeront par la mise en conformité de la Constitution avec les conventions internationales déjà ratifiées, l’abolition de la peine capitale, la levée des restrictions sur la création de partis politiques et l’organisation de la société civile ainsi que la libération du champ médiatique, en particulier l’audiovisuel.

M. M.


 

Rezzag Bara tire sur les ONG internationales

La célébration du 59e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été marquée par l’organisation, hier à Alger, d’une journée d’étude intitulée « Place des droits de l’homme à la lumière des réformes en Algérie », à l’initiative de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (Cncppdh).

En marge de la journée, le président de la Cncppdh, Farouk Ksentini, a affirmé que le rapport annuel sur la situation des droits de l’homme en Algérie sera remis au plus tard mars 2008. Il juge que des choses se concrétisent sur le plan des droits de l’homme, « mais il faut que la réforme de la justice suive ». En outre, il souligne que les droits de l’homme nécessitent qu’il soient satisfaits aux droits sociaux tels que l’emploi, le logement, la santé, la scolarisation. « Mission à laquelle s’attache l’Etat avec une rare opiniâtreté, même si l’on peut regretter que souvent les résultats ne sont pas à la hauteur des investissements et des efforts développés. » Pour maître Ksentini, la réforme de la justice est capitale mais aussi complexe. Par ailleurs, il annonce que le dossier des disparus est au stade de l’indemnisation des familles. S’agissant des détenus de Guantanamo, il indique que ceux-ci sont libérables sous peu dès lors que le président Bush a décidé de fermer le camp. Dans son intervention, Me Ksentini a indiqué que l’Algérie a entrepris depuis bientôt une décennie et « avec un succès progressif » de devenir un Etat de droit dans toute l’acceptation du terme afin de satisfaire aux légitimes revendications citoyennes. Il suggère que les droits de l’homme doivent nécessairement quitter le champ des « propos discourus » pour occuper celui « de la réalité à la fois concrète et quotidienne ». Il en a été ainsi, ajoute-il, lorsqu’il a été décidé d’une réforme de la justice. Pour sa part, M. Bara, conseiller à la présidence de la République, est revenu sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale dont l’effet ne se limite pas au traitement conjoncturel de la crise, mais s’étale sur l’avenir du pays. Il n’a pas manqué en outre d’écorcher les ONG internationales des droits de l’homme qui tentaient, durant les années 1990, de coller à l’Algérie l’étiquette d’une guerre civile. « Il n’est pas possible de faire un parallèle entre ceux qui tentaient la destruction de l’Etat républicain et ceux qui l’ont sauvegardé », réplique M. Bara, ajoutant qu’il faut suivre l’appel du président Bouteflika pour « tourner la page sans la déchirer ». Il a critiqué aussi des voix qui revendiquent la création d’une « commission vérité et justice » comme préalable à la charte pour la paix. « Dans plusieurs pays ayant connu une crise similaire, ces commissions n’ont pas pu réunir les conditions adéquates pour une réconciliation. » Le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, a, pour sa part, mis l’accent dans son exposé chiffré sur la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, sur les efforts financiers consentis par l’Etat pour indemniser les victimes de la tragédie nationale. Il a à cet effet indiqué que l’Etat a dégagé la somme de 18,6 milliards de dinars pour le dédommagement des familles victimes de la tragédie nationale. Sept milliards de dinars ont été déboursés, a-t-il soutenu, uniquement pour l’indemnisation des veuves, ajoutant que son département ministériel a recensé 43 512 familles victimes de la tragédie nationale.

Mustapha Rachidiou