Deux ex-patriotes face à la justice française II

DOSSIER

DEUX EX-PATRIOTES FACE A LA JUSTICE FRANÇAISE

Des magistrats abusés ? (II)

De notre envoyé spécial à Nîmes, Le Soir d’Algérie, 31 mai 2006

“Mais il est français !!!…” Le policier du Service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Montpellier n’en croyait ni ses yeux, ni ses oreilles. Ses yeux parce qu’il lisait des pièces d’identité bel et bien françaises. Ses oreilles parce qu’elles débordaient d’allégations mensongères et de calomnies récurrentes cultivées et entretenues par les partisans du “qui tue qui” qui tentent d’accréditer cette fameuse thèse selon laquelle les services de sécurité algériens, ainsi que les patriotes et les GLD ont combattu le terrorisme par la torture, les exécutions sommaires et extrajudiciaires…

Cette fois, dans cette affaire des deux frères Mohamed (lire notre précédente édition) qui traîne en longueur au tribunal de grand instance de Nîmes (depuis près de trois ans), le premier juge d’instruction (décédé), le défunt Gilles Jorda, ainsi que son successeur persistent et signent leur parti pris non seulement en mettant depuis 3 ans, sous contrôle judiciaire deux citoyens algériens légalement établis en France contre lesquels aucune preuve de “tortures et actes de barbarie, faits commis entre 1994 et 1997 à Relizane” n’a été établie, mais aussi en leur confisquant leurs passeports. Pourquoi ? La raison est évidente dans l’ordonnance de refus de modifications d’un contrôle judiciaire (n° 03/23788) (dont nous avons pu avoir une copie) ; elle est écrite noir sur blanc, en ces termes : “(…) La présence du mis en examen en Algérie, sur le lieu des crimes qui lui sont reprochés n’est pas compatible avec le risque de pression personnelle sur les témoins et les victimes…” Il s’agit là d’un flagrant procès d’intention de la part d’un magistrat qui se croit autorisé à douter, à jeter le discrédit sur des prévenus lesquels, selon lui, cultivent “le risque de pression personnelle sur les témoins et les victimes…” A relever aussi cette arrière-pensée non déclarée qui consiste à faire croire que l’Algérie est un Etat de non-droit. Trop loin va ce magistrat en évoquant “le risque de pression personnelle…” Un argument qui sous-entend que les deux prévenus sont protégés par les services de sécurité, les magistrats algériens… Il est évident qu’un tel juge ne connaît pas la réalité algérienne ou feint de l’être. Pourtant la presse algérienne n’a pas hésité à mettre en exergue les exécutions, les abus et les dépassements de tous ceux qui ont été dénoncés par leurs victimes, qui ont été jugés par la justice algérienne en présence de leurs défenseurs, qui ont été radiés par le corps de sécurité auxquels, ils appartenaient. Alors pourquoi ce “risque de pression personnelle sur les témoins et les victimes”? Pourquoi ce magistrat anticipe-t-il sur l’avenir ? En a-t-il les prérogatives et le droit ? Le plus curieux pour l’observateur non averti est que ce même “procès d’intention” est consommé par une certaine presse locale à Nîmes, instrumentalisée de Paris, qui a vite fait de juger les deux prévenus. Au tribunal de grand instance de Nîmes, il se trouve des auxiliaires de la justice qui se demandent si des magistrats n’appartiennent pas au réseau de la FIDH, et les exemples ne manquent pas. Certains rétorqueront que nul n’est autorisé à commenter une décision de justice. D’accord. Mais dans ce cas, il n’existe aucune décision de justice, aucun procès. Seulement une décision du juge de la détention. Une décision inique et le mot n’est pas assez fort. Les vexations, les souffrances, les privations et les interdits qui en sont subséquents portent atteinte à l’honneur, à la crédibilité et à la réputation des deux frères qui restent des prévenus que la loi fait jouir de la présomption. Sauf le juge de la détention qui utilise le “risque de pression…” comme un argument devenu bouclier. Otages, les deux frères le sont bel et biens. Dans ce cas, quelle serait la promesse ou l’exigence ? La réponse ne dépend plus du journalisme. Près de 3 ans en situation de contrôle judiciaire. Près de 3 ans d’interdits suite à la confiscation des passeports. La situation a de quoi inquiéter ceux qui sont confiants en la “patrie des droits de l’homme”. Comment de simples allégations de “témoins” ivres de haine à l’égard de l’Algérie. En l’espace de trois ans, le juge de la détention aurait contacté ses homologues algériens pour en savoir sur le passé, sur la crédibilité et les antécédents judiciaires de ceux qu’il privilégie dans sa démarche… Tôt ou tard, les dessous de cette affaire seront révélés car quel que soit le temps, le mensonge est toujours rattrapé par la vérité. Sans doute que la date du procès n’est toujours pas fixée depuis 2003 parce que certains redoutent que la manipulation soit mise au jour.
B. M.


M. HOCINE MOHAMED

“Ce sont des calomnies”

Dans quelles circonstances avez-vous été arrêté ?
J’étais chez moi. Vers 7h, l’interphone a retenti. “Police, ouvrez-nous la porte”, c’était un groupe de policiers. J’ai évidemment ouvert la porte. Dès leur entrée, ils m’ont demandé si j’étais bien Hocine Mohamed. J’ai répondu oui. Alors ils m’ont expliqué qu’ils étaient là pour mener une enquête sur les faits qui se sont produits en Algérie entre 1994 et 1997, et que j’étais accusé de crime contre l’humanité, de tortures et de barbarie. Ces policiers appartiennent au service régional de la police judiciaire de Montpellier. Sans me présenter un mandat de perquisition, ils ont fouillé la maison de fond en comble. Ils m’ont demandé si j’avais des armes. J’ai répondu en disant que je n’en avais jamais disposé en France où je réside en toute légalité. Les policiers ont cherché des photos, ils m’ont fait signer la mise en garde à vue et m’ont mis les menottes avant de me conduire dans les locaux de la police à Montpellier où j’ai été interrogé.

Sur quoi a porté l’interrogatoire ?
Les questions ont porté sur mon enfance, sur mes fonctions à la mairie de Relizane. Les policiers voulaient savoir quelles avaient été mes activités à Relizane, les noms des personnes avec qui j’ai travaillé, les noms des agents de sécurité. Les policiers m’ont interrogé à propos de Fergane Mohamed et son fils Ali, sur ses adjoints à la mairie, sur la garde communale, ils désiraient tout savoir sur leurs activités. Leurs questions ont porté sur des personnes considérées comme disparues comme Aoun Youssef, Derouiche Benatia, Assali Benyassad, Azouz Redouane, Madani Abed, Bendellah Nacer, Bendellah Benabed, un certain Boulenouar et Laribi H’bib dont la famille jouit d’une part d’une pension de victime du terrorisme et qui, d’autre part, le présente comme disparu. Les policiers ont cité une trentaine de noms. J’ai sincèrement nié toute implication dans la disparition éventuelle de ces personnes. Ensuite les policiers se sont intéressés à notre lien avec l’armée. J’ai expliqué que j’appartenais à un groupe de légitime défense dont l’objectif consistait à défendre son honneur, sa vie et sa famille face aux terroristes qui viendraient nous agresser. Mais les policiers voulaient savoir quel était notre rôle parmi les militaires algériens, lors des sorties et des rafles auxquelles nous participions avec l’ANP, selon les policiers français. J’ai précisé que nous étions des personnes ayant appartenu au groupe de légitime défense et que nous n’étions jamais sortis avec les militaires et que nous n’avons jamais participé seuls à des actions militaires. Je leur ai expliqué que nous avons été armés uniquement pour nous défendre en cas d’agression. J’ai précisé que nous étions sérieusement contrôlés en ce sens, que l’utilisation des balles était contrôlée. Les GLD n’étaient pas abandonnés, livrés à eux-mêmes. Ensuite les questions des policiers du SRPJ de Montpellier ont porté sur les témoins présents en France cités par la FIDH, en l’occurrence Saïdane Houari et Azzi Fethi. J’ai réfuté catégoriquement toute implication. Vers 17h, j’ai été confronté à Azzi Fethi qui a prétendu que j’étais venu avec Dahmoune Amar accompagné d’une quinzaine de militaires pour enlever son père Azzi Mohamed. C’est un mensonge et une calomnie. Azzi Fethi avait déjà prétendu cela à Relizane, mais en arguant que j’étais venu accompagné de Ouahba Mehdi encagoulé et portant des tenues militaires. A Montpellier, il a modifié sa version en prétendant que j’étais venu avec Dahmoune Amar et que nous étions à visage découvert. C’est un pur montage calomnieux. La justice algérienne n’a pas été dupe puisque cela a été sanctionné par un non-lieu. Les policiers français ont poursuivi leur interrogatoire en me questionnant sur Bendellah Nacer, Madani Abed, Bendellah Benabed et certaines personnes de la ville de Jdiouia considérées comme des disparus. J’ai répondu que je n’avais aucun lien avec cela. Leurs questions ont porté aussi sur des personnes de Relizane dont Derouiche Benatia, Azouz Redouane, Aoun Youcef que je ne connaissais même pas. Après Azzi Fethi, j’ai été confronté à Saïdane Houari qui m’a accusé d’avoir participé à l’enlèvement de son père. Ceci est totalement faux car à la date qu’il a citée, j’étais à Tlemcen avec Ferguène Mohamed. Je précise que mon épouse, née en France, a été elle-même entendue par la police de Nîmes. Dès que nous avons été arrêtés mon frère et moi par la SRPJ de Montpellier et conduits à Montpellier, les policiers de Montpellier ont demandé à nos épouses de se diriger vers les services de police de Nîmes où elles ont été interrogées sur nos activités en Algérie, sur les armes que nous portions en Algérie. Les policiers croyaient que nous avons détenu des armes illégalement.

Comment expliquez-vous ces accusations ?
Tous ceux qui se sont opposés au terrorisme sont devenus aujourd’hui les cibles privilégiées des alliés du terrorisme. A travers nous, les GLD, en usant de l’amalgame, ils tentent de porter atteinte aux servies de sécurité. Ma conscience est tranquille. Je n’ai jamais assassiné ou participé à des disparitions à Relizane ou à n’importe quel lieu. J’avais demandé à être armé pour me défendre dans le cadre de la légitime défense. Aujourd’hui, hélas, l’Europe après avoir servi de base-arrière aux terroristes est devenue un espace où les criminels terroristes jouissent de dispositions particulières pour jeter le discrédit et les accusations contre leurs propres victimes. Je suis victime du terrorisme, mon père porte à ce jour des balles dans son dos, mon frère a été assassiné en France, des personnes assassinées dans ma proche famille. Aujourd’hui, les terroristes vivent en France et tentent d’obtenir l’asile politique comme certains avant eux. En nous accusant ainsi, ils veulent tromper la justice française en vue d’obtenir un verdict qui leur permettra de justifier et de gagner l’octroi de l’asile politique. Leur jeu est connu comme sont connus ceux qui ont orienté ce dépôt de plainte puisque l’un d’eux est père de terroriste à Relizane et selon les déclarations d’un terroriste repenti, il se déplaçait au maquis pour y rencontrer son fils auquel il avait donné son arme.

Quand se tiendra le procès ?
Je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que nous sommes seuls, sans moyens pour faire face à ce réseau de calomniateurs. Actuellement, nous sommes placés sous contrôle judiciaire malgré les appels d’une certaine presse française à nous mettre en prison. Nous sommes taxés de “miliciens” d’“assassins”,… Au pays des droits de l’homme, nous ne bénéficions même pas de la présomption d’innocence de la part de cette presse qui nous traîne dans la boue. Elle veut nous casser socialement. Je suis confiant en la justice. Ce procès mettra en exergue les complicités de ces pseudo-témoins avec les terroristes. Ma famille est perturbée par des écrits journalistiques dans lesquels nous sommes présentés comme des fuyards, des voyous, des sans-emploi… La vérité est de notre côté, nous nous défendrons même si nous sommes seuls.
Propos recueillis par B. M.


M. ABDELKADER MOHAMED

“Nous n’étions pas des assassins”

Dans quelles circonstances avez-vous été interpellés ?
C’était tôt le matin, vers 7 heures. Les policiers de Montpellier ont investi mon domicile. Je précise que j’habite à Nîmes. Ces policiers m’ont d’abord demandé mon identité puis ont commencé la perquisition de mon domicile. Ils m’ont annoncé que j’étais en garde à vue et que le juge du Nîmes a exigé une commission rogatoire. Puis j’ai été conduit dans les locaux de service régional de la police judiciaire de Montpellier, exactement à la division criminelle. Lors de l’interrogatoire, il m’a été posé des questions sur mes activités, ma fonction, mon niveau d’études, la date d’entrée en France ainsi que sur les fonctions exercées auparavant. Ils se sont intéressés à mes activités à Relizane et à l’APC. Puis, ils m’ont interrogé à propos de personnes considérées comme des disparus à Relizane tels Derouiche, Benyessad, Assali, Abed Ahmed, Benabed Bendella, Laribi, Azouz Redouane… Ils voulaient en savoir sur Saïdane, Azzi et Aoun présentés ensuite comme des témoins contre moi. Ensuite les policiers nous ont affirmé que Smaïn Mohamed et la FIDH nous accusent de crimes contre l’humanité, d’actes barbares et de disparition. D’abord, j’ai précisé que je suis arrivé en France par la voie légale, que j’y réside avec ma famille dans un cadre réglementaire, que je n’étais ni exilé ni à la recherche d’un statut. Les policiers m’ont cité une vingtaine de noms de personnes présentées comme étant des disparus dont celui de Youcef, le frère de Aoun Habib qui nous accuse d’avoir fait disparaître son frère dans la nuit du 23 mars 1995 en prétendant que j’étais venu l’arrêter en compagnie de militaires et de policiers. J’ai expliqué que c’était un mensonge et qu’à cette date, je n’étais ni maire ni armé. A cette date j’habitais à Oued-R’hiou à 45 km de Relizane. Puis les policiers de Montpellier m’ont questionné sur le groupe de légitime défense, sur ses membres, nom par nom, en commençant par Ferguène Mohamed, Ali, Nahal, Bey, Mohamed Abed, Abdelkader, leurs enfants, puis sur des citoyens, des patriotes et des GLD de la commune de Sidi- M’hamed-Benaouda, sur les familles Ouahba, sur Azouz Menaouer, sur les armes que nous avons portées. Les policiers de Montpellier voulaient savoir comment nous nous étions prononcés ces armes. Ils nous ont montré des photos de personnes armées de kalachnikov et Mat 49. Vers 17 heures, les policiers m’ont fait passer seul, puis en compagnie de mon frère, face à une vitre masquée, c’était pour la reconnaissance. Plus tard, ils ont organisé une confrontation dans un bureau. Le premier à confronter était Saïdane Houari, il est animé par la vengeance puisqu’il a commencé par me dire : “Te rappelles-tu du jour où je suis venu à la mairie demander des bons de citerne d’eau pour notre douche.” A l’époque, il avait piraté la conduite d’eau principale en installant à son profit une conduite secondaire d’une manière illégale. Devant les policiers, je lui ai répondu que la commission technique de l’APC avait agi dans la légalité et la transparence. Il n’était pas le seul concerné, je me souviens que le chef de daïra avait pris des mesures à l’encontre de ceux qui enfreignaient la réglementation. Puis, Saïdane a lancé des accusations sans aucun fondement. Il a dénoncé le dispositif sécuritaire mis en œuvre autour de la mairie qui lui portait préjudice à cause de son commerce. Mais il n’était pas le seul commerçant, il existe une épicerie, un boucher. Le dispositif sécuritaire autour de la mairie et du siège de la garde communale visait à prévenir tout acte terroriste, le stationnement était interdit comme il l’est aujourd’hui aux abords des sites sensibles. J’avais exécuté les instructions en matière de sécurité. En ce qui concerne l’interdiction qui lui a été faite d’utiliser une conduite pirate d’eau potable, cela a été fait dans un cadre réglementaire. Le citoyen souffrait de la pénurie d’eau, et lui en abusait pour s’enrichir. Puis Saïdane a prétendu que je conduisais une Renault 25 verte, accompagné de Benkhadra Cheikh, de mon frère Ada, de Mohamed Ferguène, que j’avais fait un signe à mon père au moment où un fourgon blanc immatriculé en France s’était arrêté. Selon lui, deux hommes armés étaient descendus et avaient forcé son père à monter dans ce fourgon, à une trentaine de mètres devant chez lui. C’est une calomnie. J’ai répondu que ce jour-là j’étais à la mairie où je présidais une réunion que Ada mon frère ainsi que Ferguène n’étaient même pas dans la wilaya de Relizane, mais à Tlemcen. J’ai aussi précisé aux policiers que ce cas de soi-disant disparition était unique dans la commune où j’assumais les fonctions de maire après avoir été désigné pour ne pas laisser la commune livrée à elle-même. Lorsque j’ai été confronté au deuxième témoin Azzi Fethi, celui-ci a déclaré : “J’entends parler de lui mais ce n’est pas lui qui est venu chez nous. C’est Ada accompagné de Dahmoune Amar, en tenue civile, à visage découvert, avec une quinzaine de militaires qui se sont présentés chez nous. Le chef des militaires s’est approché de mon père et lui a demandé s’il était bien Azzi Mohamed. Ils l’ont emmené vers une destination inconnue.” Il a affirmé que le lendemain, il s’était déplacé à la brigade de gendarmerie de Jdiouia pour s’inquiéter de son père arrêté par les militaires. Selon lui, le chef de brigade lui a affirmé : “Toi, tu sais, et moi je sais de qui s’agit-il.” Puis il a soutenu que les gendarmes l’ont chassé et l’ont traité de fils de terroristes. Il s’agit là de ses déclarations lors de la confrontation. Les mêmes policiers de Montpellier se sont intéressés à nos relations, en tant que groupe de légitime défense, avec l’armée, ils voulaient savoir comment on opérait, comment on agissait lors des rafles. Ils voulaient savoir si nous étions informés à propos de charniers. J’ai déclaré que j’en ai entendu parler dans la presse. J’ai expliqué que notre seule relation avec les militaires était une relation de contrôle qu’ils contrôlaient l’utilisation des armes et des munitions. J’ai précisé que nous n’opérions ni seuls ni avec les militaires. Nous devions agir dans un cadre de riposte et de légitime défense dans nos domiciles. Je leur ai affirmé que nous avons sollicité des armes pour nous défendre et défendre nos familles. Je suis une victime du terrorisme, mon frère a été assassiné, mon père porte une balle dans son dos, mes cousins ont été tués, des membres de ma famille blessés. Nous devions défendre nos vies : nous l’avons fait dans le respect de notre religion et de la loi. Nous ne sommes pas des assassins.

Comment expliquez-vous cette situation ?
A bien observer les choses, la police française et les magistrats français, qui m’ont auditionné ne sont pas informés de la réalité algérienne. Ils croient que nous avons porté des armes d’une manière illégale. Ils ignorent que l’un des plaignants a été condamné à deux reprises par la justice et que son affaire est pendante au niveau de la Cour suprême. Ils ne savent pas que mon père, Ferguène et d’autres citoyens poursuivent ce plaignant pour dénonciation calomnieuse et diffamation. Il est évident que nous sommes face à un réseau qui dispose de moyens et qui s’attelle à jeter l’opprobre sur ceux qui n’ont pas baissé la tête devant les terroristes. Plus grave, ils accusent les services de sécurité, les patriotes, les GLD. Mais c’est de bonne guerre, car ces derniers se sont opposés à eux. On nous accuse d’avoir fait disparaître des citoyens. C’est un mensonge de plus. Je sais qu’à Relizane, il existe des situations édifiantes. Les repentis ont fait des révélations fracassantes quant aux personnes présentées comme disparues et aux charniers.

Avez-vous été bien traité ?
Aucune pression ou abus de la part de la police ou au palais de justice. Mais lorsque la police embarque une personne à 7 heures, pénètre dans son domicile pour le perquisitionner, il ne lui reste plus rien face à l’opinion. Elle est automatiquement jugée. La presse fait le reste en portant atteinte à sa réputation et son honneur.

Qu’attendez-vous du procès ?
Qu’il soit juste et équitable. Moi et mon frère sommes innocents de ces accusations.

Propos recueillis par B. M.


M. ROBERT GELY (PROCUREUR DU TRIBUNAL DE NIMES)

«Nous avons compétence universelle»

Le procureur du tribunal de grande instance de Nîmes affirme jouir de compétence universelle pour pouvoir poursuivre des personnes accusées de crimes contre l’humanité, de torture… Mais en l’absence de preuves que devraient fournir les plaignants, pourquoi requiert-il la détention contre des personnes présumées innocentes. Il n’entre pas dans les détails au cours de l’entretien ci-dessous.

En quoi consiste cette affaire des frères Mohamed portée par devant le tribunal de Nîmes ?
En réalité, il faut savoir la façon dont cette affaire est arrivée au tribunal. Nous avons été saisis d’une plainte de la Fédération internationale des droits de l’homme et la ligue des droits de l’homme.

Laquelle des ligues des droits de l’homme ?
Française. La Ligue française des droits de l’homme, et la Fédération internationale des droits de l’homme qui, nous ont signalé qu’il pouvait y avoir des personnes résidant à Nîmes susceptibles d’être impliquées dans des faits qui pourraient relever de la convention de New York sur les faits de torture et actes de barbarie. Partant de là, en vertu de cette plainte et de la compétence universelle que la loi française et que la convention de New York attribuent à la juridiction du domicile des personnes impliquées, nous avons ouvert une enquête pour vérifier un certain nombre de choses. Aujourd’hui, il y a une information judiciaire, un juge d’instruction a été saisi. Des investigations se poursuivent pour vérifier la réalité des faits qui sont dénoncés.

Pensez-vous que la justice française, que le juge d’instruction et vous-même avez les moyens pour pouvoir recueillir des informations ?
La justice et les magistrats ont d’abord la compétence reconnue par la loi ; je précise qu’il s’agit d’une compétence universelle. Ensuite, il appartient au juge qui est saisi de prendre tous les contacts utiles avec les autorités du pays concerné où se sont déroulés les faits pour obtenir tous les renseignements utiles. Au besoin, même envoyer sur place des policiers, ou y aller lui-même pour procéder à un certain nombre d’auditions ou de vérifications à partir des éléments qui ont été dénoncés dans le cadre de son dossier.

Pensez-vous que les plaignants auront foi en les investigations qui seraient menées en Algérie ?
Je ne sais pas. Ce n’est pas ma préoccupation. Ma préoccupation consiste à procéder à des vérifications. L’interprétation qui pourrait en être faite par les uns et par les autres, c’est autre chose.

Avez-vous présentement des données précises ?
Il y a une série de témoignages qui ont déjà été recueillis, des auditions ont été effectuées. Des confrontations ont été faites puisque certains témoins sont venus ici en France et ont déposé. Donc, on a un certain nombre d’éléments sur des faits précis, sur des situations particulières et c’est sur celles-ci que des vérifications seront faites.

Des articles de presse évoquent M. Smaïn, le responsable de la Ligue des droits de l’homme de Relizane comme plaignant…
Il est témoin, il n’a pas directement vu des cas de disparition.

Les deux prévenus ont leurs passeports confisqués, pourtant, ils offrent des garanties puisque leurs familles résident à Nîmes, leurs épouses y travaillent, et leurs enfants scolarisés…
C’est le juge qui a estimé qu’il fallait qu’ils restent à la disposition de la justice française. Donc, il leur a confisqué effectivement et conservé leurs passeports pour qu’ils ne quittent pas le territoire national. Il n’en demeure pas moins que s’il y a un impératif absolu, ils peuvent toujours demander au juge d’instruction une autorisation spéciale et particulière.

Vous avez une première fois, demandé la mise en examen des deux prévenus à laquelle n’a pas adhéré le juge des libertés, puis vous vous êtes rétracté lors de l’appel que vous avez vous-même diligenté.
C’est le jeu normal des institutions. Il y a un examen qui se fait en première instance d’abord, puis ensuite au niveau de la cour d’appel. A ce niveau, il y a un nouvel examen qui se fait et les parties peuvent avoir une nouvelle attitude. Ce n’est pas la première, cela arrive très souvent dans beaucoup de situations que le ministère public ait une approche différente. Le ministère public, présent à l’audience de la chambre d’instruction a estimé au vu des débats qu’il n’y avait pas d’utilité à placer en détention les prévenus. Mais il n’y a pas eu de remise en cause de la mise en examen, c’est uniquement sur la mesure de sûreté. La question était quelle était la mesure de sûreté la plus adéquate pour permettre à l’information de suivre son cours.
Propos recueillis par B. M.