La commission nationale des droits de l’homme, «un centre d’investigation» ?

KSENTINI A LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DE L’ONU

La CNCPPDH, «un centre d’investigation» ?

Le Quotidien d’Oran, 18 avril 2004

Les propos tenus mercredi dernier à Genève par Me Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU sont pour le moins troublants. Il attribue, entre autres rôles de l’institution qu’il préside, la fonction de «centre d’investigation» !

Cette déclaration est-elle uniquement destinée à la consommation extérieure où s’agit-il d’un changement, non encore annoncé, dans les attribution de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) ?

Le mercredi 14 avril 2004 dans l’après-midi, la Commission des droits de l’homme de l’ONU, sise à Genève (Suisse), a entendu les représentants d’une vingtaine d’institutions nationales des droits de l’homme. Il s’agit de: Nouvelle-Zélande, Argentine, Mexique, Inde, Niger, Australie, Corée, Maroc, Venezuela, Canada, Philippines, Irlande, Irlande du Nord, Ghana, Rwanda, Algérie, Afghanistan, Honduras, Népal et Arabie Saoudite. Le but de cette rencontre, lit-on dans le communiqué de presse la sanctionnant, était «d’examiner des questions relatives au fonctionnement efficace des mécanismes de protection des droits de l’homme». Le communiqué de presse de la CDH fait état également des déclarations tenues par ces représentants lors de cette rencontre. Selon ce document, Me Farouk Ksentini décrit la CNCPPDH comme un «organe de surveillance et d’alerte, d’évaluation et de proposition», et, par les missions qui lui sont assignées, «un espace d’écoute des citoyens, un centre d’investigation, un cadre de réflexion et une force d’impulsion au service des citoyennes et des citoyens du pays». Plus précis, Me Ksentini estime que «la Commission dispose par ailleurs d’un vaste mandat qui lui permet d’examiner toute situation d’atteinte aux droits de l’homme constatée ou portée à sa connaissance et d’entreprendre toute action appropriée en la matière».

Faisant référence au dossier des disparus, le président de la CNCPPDH pense que l’action de son institution «a permis de faire tomber des tabous, augurant une résolution de ces questions dans un avenir proche». Me Ksentini a souligné que «l’Etat algérien a accepté le principe de sa responsabilité civile eu égard aux personnes disparues; il s’agissait d’un phénomène vécu comme un véritable drame national par les Algériens».

La déclaration de Me Ksentini est étonnante, dans la mesure où elle contredit les textes officiels qui la régissent. En effet, et selon le décret portant création de la CNCPPDH ainsi que celui instituant le comité ad hoc chargé du dossier des disparus, les deux organismes n’ont pas vocation d’enquêter sur les dossiers dont ils ont la charge. Ils ne peuvent, dans le meilleur des cas, que transmettre aux autorités concernées les allégations des familles des disparus.

Les propos de Ksentini augurent-ils d’un changement à venir dans les attributions de la Commission qu’il préside ? Ou ne sont-elles qu’une réponse destinée à la consommation extérieure, notamment après les critiques des ONG internationales comme Human Rights Watch et Amnesty International, qui regrettent que la CNCPPDH ne soit pas en mesure d’enquêter sur les disparitions ni sur les charniers trouvés aussi bien par les familles des disparus attribués aux terroristes que ceux attribués aux services de sécurité ?

Mohamed Mehdi